"L'OGBL dit NON au 'paquet pour l'avenir' du gouvernement". Tel est le titre d'une brochure tirée à plus de 300 0000 exemplaires que le plus grand syndicat du Luxembourg, l'OGBL, a commencé à distribuer depuis le 11 novembre 2014 à tous les ménages du pays pour réagir aux propositions sur le "paquet d'avenir faites depuis la mi-octobre par le gouvernement. Le ton de cette brochure est particulièrement acerbe. André Roeltgen, le secrétaire général de l'OGBL livre une explication : "L'OGBL s'était exprimé en faveur du changement de gouvernement, afin de mettre un terme à la politique d'austérité. Nous sommes toutefois déçus. Nous avons été trompés. Pour cette raison notre opposition va désormais prendre forme."
L'OGBL inscrit le paquet d'avenir "dans la lignée des politiques d'austérité menées partout en Europe". Pour le syndicat, le Conseil européen qui réunit les gouvernements de l'UE met en œuvre "une politique qui limite sévèrement la marge de manœuvre budgétaire des différents États, ce qui les pousse à mener des 'réformes structurelles', qui pour la plupart auront des conséquences directes et négatives pour les salariés, les pensionnés et leurs familles." Et de lancer le terme de "contre-réformes".
L'OGBL fustige les recommandations adressées par la Commission et le Conseil au Luxembourg: "abandon de l'indexation des salaires et des retraites, augmentation de l'âge de la retraite, baisse générale des salaires, réduction des indemnités de chômage, augmentation des taux de TVA, etc."
Pour l'OGBL, il en résultera " un accroissement sans précédent des inégalités, une augmentation drastique du chômage, en particulier chez les jeunes, une baisse de la consommation, une menace contre la cohésion sociale et un effondrement des marchés des petites et moyennes entreprises".
L'OGBL met en avant son appartenance à la Confédération européenne des syndicats et à un mouvement syndical plus large qui "revendique une réorientation fondamentale de la politique européenne et propose dans ce contexte la mise en œuvre d'un programme d'investissement ambitieux pour revitaliser l'économie européenne, d'une politique commune en matière industrielle et énergétique, le renforcement du pouvoir d'achat des ménages et l'arrêt de toute politique d'austérité."
L'OGBL s'en prend particulièrement à ce qu'il appelle "le catastrophisme que tente de propager le gouvernement pour justifier sa politique d'austérité" et n'est pas d'accord avec "le sombre tableau que dresse le gouvernement en matière de finances publiques".
Pour l'OGBL, les chiffres montrent que "le Luxembourg présente au contraire toujours une santé insolente en matière de finances publiques". Et de citer pour l'État, les communes et la sécurité sociale ensemble l'excédent de 1,25 milliards de 2008, le déficit de 181,5 millions d'euros en 2009, le déficit de 253,3 millions d'euros de 2010, puis l'excédent de 128,7 millions d'euros de 2011, l'excédent de 27,8 millions d'euros de 2012 et l'excédent de 286,4 millions d'euros de 2013. Pour l'OGBL, le Luxembourg présentait en 2013 un solde budgétaire positif correspondant à 0,6 % de son PIB." Et de conclure sur ce point : "Le Luxembourg était et reste ainsi le leader de l'Union européenne en matière budgétaire".
Suit ensuite son argumentation pour le futur : "A politique inchangée, c'est-à-dire sans augmentation d'impôts (TVA, contribution), sans augmentation de taxes, sans coupes au niveau de la politique familiale, des allocations de chômage, des indemnisations en cas de chômage partiel, sans réduction des dépenses au niveau de l'assurance-maladie et de l'assurance-dépendance, le déficit des finances publiques se situera – selon les calculs du gouvernement lui-même et en tenant compte de la perte des recettes provenant du commerce électronique - autour de 1,6 % en 2015, 0,9 % en 2016, 0,6 % en 2017 et 0,1 % en 2018. En d'autres termes, les finances publiques seront à nouveau à l'équilibre en 2018 sans avoir même besoin de recourir à une seule des mesures d'austérité envisagées par le gouvernement."
Le changement de politique du gouvernement est décrit ainsi : "Le gouvernement ne veut cependant atteindre qu'un déficit de 0,2 % en 2015 et veut déjà en 2016 atteindre à nouveau un excédent de 0,6 %, puis en 2017, un excédent de 0,9 % et en 2018, un excédent de 1,5 %. Tout cela devrait se réaliser, essentiellement en mettant à contribution les ménages à faible ou moyen revenu par le biais de hausses d'impôts, de réductions de prestations et d'augmentation de taxes."
Dans cette partie de la brochure, l'OGBL s'en prend à la manière dont "la dette publique du Luxembourg est brandie par le gouvernement comme une sérieuse menace qui pèserait sur le Luxembourg et sa souveraineté", un discours qui sert "de prétexte pour justifier la nécessité de mener une cure d'austérité dans les années à venir.". Chose qui, selon le syndicat, n'est pas justifiée pour un pays dont le taux d'endettement public est de 24 % du PIB, "largement en-deçà du plafond autorisé par la Commission européenne (60 %)".
Sa thèse : "l'accroissement de la dette de l'Etat depuis 2008 est directement lié aux événements survenus au cours de la crise" et "n'est en aucun cas imputable à des coûts de fonctionnement déraisonnables de l'Etat"
L'OGBL fait ainsi le détail des 11 milliards d'euros qui représentent la dette publique :
L'OGBL insiste sur le fait "qu'une grande partie de la dette de l'Etat recouvre également des 'avoirs'". La participation de l'Etat à la banque BGL lui rapporte des bénéfices. Les emprunts réalisés dans le cadre du financement d'infrastructures publiques "constituent pour l'Etat un investissement dans l'avenir". Par ailleurs, l'OGBL se réfère aussi à l'estimation des avoirs de l'Etat réalisée par le directeur du Trésor de l'époque au 30 septembre 2013 : 8,2 milliards en liquidités, dépôts, participations de l'Etat et crédits octroyés par l'Etat, 1,6 milliards d'avoirs des fonds spéciaux de l'Etat, 13,75 milliards en termes de réserves de l'assurance-pension, 600 millions de recettes financières provenant des avoirs de l'Etat, selon l'OGBL des recettes qui dépassent largement les 200 millions d'euros à payer au titre du service de la dette.
La conclusion qui clôt la brochure de l'OGBL : "La situation financière de l'administration publique du Luxembourg est la meilleure de l'Union européenne. Le Luxembourg respecte tous les critères de l'Union européenne en matière de déficit et de dette publique. Néanmoins le gouvernement veut à tout prix atteindre sans délai un surplus budgétaire, une diminution de la dette publique et créer une réserve d'au moins un milliard qui ne doit être utilisée que dans 20 ans."
"Pour y parvenir, le gouvernement prévoit d'augmenter encore davantage la charge fiscale sur les faibles et moyens revenus par une hausse de la TVA, l'introduction d'une contribution supplémentaire de 0,5 %, l'augmentation de nombreuses taxes et des coupes dans la politique familiale et dans les aides aux personnes qui ont perdu leur emploi pour des raisons économiques ainsi que par des restrictions budgétaires dans la sécurité sociale."
"Ces mesures s'ajoutent à celles déjà instaurées par le précédent gouvernement (non-adaptation des barèmes d'imposition à l'inflation, diminution des frais de déplacement à déduire du revenu imposable, augmentation de l'impôt de solidarité, paiement retardé des tranches indiciaires, non-paiement de l'ajustement des pensions …)."
"Cette politique risque d'avoir un effet négatif sur l'économie puisque beaucoup de personnes devront contrôler strictement leurs dépenses et ne seront plus à même d'investir. Cette politique est injuste parce qu'elle fait payer les personnes à faible et moyen revenu alors que les riches sont épargnés." Devant la Chambre des députés, les représentants du Statec ont évoqué le 11 novembre 2014 leurs calculs à ce sujet qui indiquent selon un communiqué publié sur le site de la Chambre que "les mesures du 'paquet d'avenir' du gouvernement pourraient atténuer la croissance dans un ordre de grandeur de 0,3 % du PIB".