Le 26 novembre 2014, le Statec a présenté sa deuxième note de conjoncture de l’année 2014. Si la croissance du PIB va s’établir à 2,9 % grâce à un premier semestre dynamique, "l’horizon conjoncturel s’est cependant assombri à l’approche de l’été", notamment en raison d’un "environnement européen moins porteur que prévu", souligne l’Agence de statistiques dans un communiqué. Pour l’année 2015, le Statec prévoit maintenant une hausse de PIB de 2,2 %, soit 1,1 points de moins que dans la note de conjoncture précédente, présentée en mai 2014.
Le Statec met en garde contre une "inflexion de l’activité", qui s’explique par une dégradation des opinions dans les enquêtes de conjoncture et un très fort ralentissement de l’inflation, dû aux prix pétroliers et à une faiblesse globale de la demande. Alors qu’une légère accélération de l’activité est prévue au niveau européen en 2015, le Statec prévoit au Luxembourg un ralentissement de l’activité pour l’année 2015. Ce ralentissement est dû à la perte des revenus de la TVA sur l’e-commerce à partir du 1er janvier 2015 (qui devrait avoir un impact "léger, mais palpable") ainsi qu’à la hausse de la TVA, censée compenser cette perte (et qui aurait un impact de - 0,1 % sur le PIB). Le Statec précise que les mesures du "paquet avenir" du gouvernement n’ont pas été prises en compte dans le scénario.
Le solde nominal qui devrait encore s’améliorer en 2014 (+ 1 % du PIB) va se détériorer en 2015 (- 1,5 %) en raison de la perte des revenus de la TVA sur le commerce électronique, estime le Statec. La hausse de la TVA compenserait seulement la moitié des pertes (0,7 points de %). En prenant en compte la détérioration conjoncturelle, le solde nominal serait alors presqu’à l’équilibre (- 0,1 %). Au vu de la tendance à la désinflation à laquelle le Luxembourg n’échappe pas, le Statec retient une hausse des dépenses publiques moins importante qu’envisagée au printemps : elle serait de 4,4 % en 2014 et de 4,6 % en 2015, et non plus de 6,5 % en 2015.
"La zone euro est dans une situation difficile", a déclaré Serge Allegrezza, directeur du Statec, malgré le recours aux instruments de politique monétaire ayant produit des "taux d’intérêt très bas". Il a appelé à plus de flexibilité dans l’application du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) pour favoriser des investissements à long terme dans les Etats membres. Il met en garde contre des "énormes dangers pour le Luxembourg" et pointe du doigt la "renationalisation des politiques", une "fracturation du marché intérieur" et une "pression sur la fiscalité". La situation du Luxembourg n’est pourtant "pas si mauvaise", conclut-il, en citant l’excédent des balances courantes ou l’excédent du solde budgétaire.
Le Statec indique que la situation économique internationale "s’est sensiblement dégradée depuis le printemps" et qu’elle montre des "tendances déflationnistes croissantes". "La conjoncture dans la zone euro reste molle, voire ultra-molle", a déclaré l’économiste Bastien Larue. Selon les prévisions de l’OCDE, la croissance dans la zone euro doit s’établir à 0,8 % en 2014 et à 1,1 % en 2015 et de 1,7 % en 2016. La veille de la présentation de la note de conjoncture, l’OCDE avait mis en garde contre le "risque majeur" que ferait peser la zone euro sur l’économie mondiale. Ces révisions risquent de se répercuter "défavorablement sur les perspectives relatives aux marchés boursiers, qui sont une source de développement important du secteur financier domestique, et dont l’évolution a été particulièrement heurtée depuis l’été", note ainsi le Statec.
Dans un contexte désinflationniste, le Statec prévoit une baisse de croissance dans la plupart des secteurs (industrie, commerce de détail, services financiers et non financiers et pour les consommateurs, dont la confiance est en baisse selon les indicateurs). Seule la construction "échappe un peu à cette tendance", note Bastien Larue.
La désinflation se poursuit, comme l’indique un prix à la consommation toujours en baisse qui s’explique surtout par une baisse des prix de l’énergie et notamment les prix du pétrole. Le taux d’inflation est revu à la baisse de 0,3 points de % pour 2014 (à 0,7 %) et de 0,8 points pour 2015 (à 1,4 %).
Selon Bastien Larue, la hausse de l’alimentation, qui a connu une flambée en 2013, y a moins joué, tout comme les prix administrés (transports publics etc.) qui ont "beaucoup moins augmenté". Un autre indice : le degré d’inflation annuelle des postes de dépenses dont 60 % ont connu une inflation de moins d’un pourcent, contre 40 % en 2013.
Le taux de chômage est estimé à 7,2 % en 2014 (avec une légère baisse en fin d’année) et devrait passer à 7,4 % en 2015. Si l’on inclut dans ce taux le nombre de personnes bénéficiant de mesures pour l’emploi, ce taux frôlerait les 9,2 %. "Il y a un début de stabilisation, mais la baisse est moins évidente si l’on prend en compte les mesures pour l’emploi, qui sont en hausse", explique Bastien Larue. Selon le Statec, cette évolution "doit beaucoup à la hausse du nombre de bénéficiaires de mesures pour l’emploi et pas encore à un véritable renforcement conjoncturel".
La hausse de l’emploi est revue légèrement à la baisse : elle devrait être de 2,1 % en 2014 (- 0,2 points par rapport aux prévisions du printemps) et de 2 % en 2015 (- 0,4 points).
Le coût salarial moyen est en baisse depuis le troisième trimestre de 2013, note le Statec. Cette baisse intervient après une hausse significative (une variation annuelle jusqu’à 7 %) dans le secteur financier, due aux plans sociaux ayant entraîné des "rémunérations exceptionnelles". Par la suite, les hausses de salaire de ce secteur ont fortement ralenti, jusqu’à connaître une tendance inverse lors du deuxième semestre 2014. Le fait que la prochaine indexation des salaires a été repoussée d’octobre 2014 à mars 2015 signifie, selon Bastien Larue, qu’il "n’y aura pas cet effet positif sur les salaires au quatrième trimestre 2014 et au premier trimestre 2015".
Quant aux mesures du "paquet avenir", elles n’ont pas été prises en compte dans cette note de conjoncture, puisque le paquet est encore "en train d’être négocié" et qu’il faut attendre que ces mesures soient concrétisées, a expliqué Serge Allegrezza. Le Statec a tout de même osé un calcul selon lequel le paquet avenir (chiffrés à 560 millions d’euros) aurait un impact "d’atténuation" sur la croissance de – 0,3 points de % du PIB en 2015.