Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE réunis le 18 décembre 2014 pour un Conseil européen qui s’est tenu pour la première fois sous la présidence de Donald Tusk avaient à l’ordre du jour une discussion sur "la situation en Ukraine".
"La situation en Ukraine reste dramatique et dynamique et nécessite une réponse immédiate", a souligné le président du Conseil européen. "C’est pourquoi nous avons discuté d’un soutien financier à l’Ukraine et nous envoyons un fort signal pour signifier que nous y sommes prêts", a déclaré Donald Tusk.
Dans ses conclusions sur l’Ukraine, le Conseil européen commence par féliciter l'Ukraine pour son nouveau gouvernement et par "saluer sa détermination à mener des réformes politiques et économiques". Les chefs d’Etat et de gouvernement annoncent par ailleurs se tenir "prêts à continuer de faciliter et soutenir le processus de réforme en Ukraine, conjointement avec d'autres bailleurs de fonds et dans le respect du principe de conditionnalité du FMI" à la suite du 2e versement de 500 millions d'euros effectué en décembre par la Commission dans le cadre de l'assistance macro-financière.
Selon la chancelière allemande, Angela Merkel, il n’a pas été question de détails concrets quant à cette aide. L’UE doit évaluer quelle aide macrofinancière elle peut apporter, a indiqué la chancelière. "Nous voulons aider l’Ukraine, mais à condition que l’Ukraine mène vraiment des réformes économiques et lutte énergiquement contre la corruption", a-t-elle toutefois précisé.
Dans ses conclusions, le Conseil européen "se réjouit que la Commission soit prête à accroître l'aide humanitaire à la population qui souffre en Ukraine", est-il encore précisé dans les conclusions. Sur ce point, Donald Tusk a expliqué à la presse que le sujet avait été intensément discuté, car il importe qu’une aide de l’UE s’ajoute à l’aide bilatérale offerte à l’Ukraine. "L’hiver peut être un grand défi pour l’Ukraine et pour nous", a-t-il souligné en mettant en exergue les difficultés logistiques que pourraient représenter une aide humanitaire dans l’Est de l’Ukraine.
Au-delà de la situation en Ukraine, le résumé que Donald Tusk a livré à la presse à l’issue de ce Conseil à la durée remarquablement courte évoque plus nettement "le défi stratégique que pose la Russie" aux frontières orientales de l’UE.
Jusqu’ici, déplore le président du Conseil européen et ancien Premier ministre polonais, la réponse du Conseil européen depuis les évènements de la place Maïdan a été dictée par les évènements. Or, ce dont l’Europe a besoin selon lui, c’est "d’une nouvelle stratégie unie vis-à-vis de la Russie". Dans le cas de l’Ukraine, qui est "victime d’une sorte d’invasion", "on sait ce qu’on peut faire", a-t-il expliqué dans ses réponses aux journalistes, et "le plus grand défi", c’est "l’approche russe non seulement vis-à-vis de l’Ukraine, mais aussi vis-à-vis de l’UE".
"Il est évident que nous ne trouverons pas de solution à long terme pour l’Ukraine sans une stratégie européenne adéquate, cohérente et unie à l’égard de la Russie", a déclaré le président du Conseil européen. "Une Ukraine moderne, sûre et indépendante" en est "le principal élément", a-t-il souligné.
La réflexion principale, fondamentale des chefs d’Etat et de gouvernement aura donc été la nécessité absolue que l’Europe a de trouver une position commune unie, a confié Donald Tusk en soulignant que le sujet reviendra sur la table au Conseil de mars prochain. Donald Tusk a précisé un peu plus tard sa pensée : "Quand on parle d’Ukraine et de Russie, on parle de nous-mêmes, de ce que veut dire l’UE, de quelle est la vraie dimension de notre solidarité, de savoir si nous sommes prêts à sacrifier quelque chose pour être unis". "Quand on parle du futur de l’Ukraine, on parle de notre futur", a-t-il encore ajouté.
"Notre approche doit être en ligne avec nos ambitions et notre potentiel", a argué le président du Conseil européen qui veut aller au-delà d’une attitude "réactive et défensive". "En tant qu’Européens, nous devons retrouver notre confiance en nous et prendre conscience de notre propres forces", a-t-il ajouté.
Donald Tusk a bien insisté sur la nécessité de trouver stratégie à long terme. Car s’il se dit "conscient de la situation économique en Russie et en Ukraine" en soulignant bien que ce n’est "pas une crise qui va durer deux jours ou deux semaines", il assure aussi que l’UE va devoir agir "pour des mois, des années" au vu de la situation complexe qui existe entre la Russie, l’Ukraine et les autres voisins orientaux de l’UE. "Il faut considérer ce jeu comme un jeu de long terme", estime en effet le président du Conseil européen.
Quant à Jean-Claude Juncker, qui a déclaré que "nous continuons à condamner de la façon la plus vigoureuse possible" l'attitude russe, il reste "persuadé que nous devons laisser ouvert le canal du dialogue et du débat avec la Russie". Il a ajouté: "Connaissant M. Poutine depuis de longues années, je compte nager dans ce canal, j'y trouverai ma place".
Le ton pour le moins dur des propos de Donald Tusk trouve son écho dans les conclusions.
"La situation dans l'est de l'Ukraine demeure vivement préoccupante", poursuivent en effet les chefs d’Etat et de gouvernement dans leurs conclusions en rappelant que "la ligne de conduite adoptée par l'Union, qui consiste à ne pas reconnaître l'annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol, a été encore durcie aujourd'hui".
Le jour même, le Conseil décidait en effet par le biais d’une procédure écrite d’imposer d’importantes sanctions supplémentaires concernant "les investissements, les services et les échanges avec la Crimée et Sébastopol". L’objectif de ces nouvelles sanctions sur lesquelles les ministres des Affaires étrangères avaient donné leur accord de principe le 15 décembre 2014 est de "réaffirmer la politique de l'Union, qui consiste à ne pas reconnaître leur annexion illégale par la Russie", ainsi que l’indique un communiqué de presse du Conseil. Ces mesures viennent s'ajouter à l'interdiction des importations de marchandises en provenance de Crimée et de Sébastopol qui a été imposée en juin et aux restrictions instituées en juillet en ce qui concerne le commerce et les investissements liés à certains secteurs économiques et projets d’infrastructure.
À compter du 20 décembre, les investissements en Crimée ou à Sébastopol sont interdits. Les Européens et les entreprises établies dans l'UE ne peuvent plus acheter des biens immobiliers ou des entités en Crimée, financer des entreprises de Crimée ou fournir des services connexes. En outre, les opérateurs de l'UE ne seront plus autorisés à fournir des services liés au tourisme en Crimée et à Sébastopol. En particulier, les navires de croisière européens ne peuvent plus faire escale dans un port situé dans la péninsule de Crimée, sauf cas d'urgence. L'interdiction s'applique à tous les navires qui sont la propriété ou sous le contrôle d'un armateur européen ou qui battent pavillon d'un État membre. Les contrats existants portant sur des croisières peuvent encore être honorés jusqu'au 20 mars 2015. Il est également interdit d'exporter certains biens et certaines technologies à destination d'entreprises de Crimée ou en vue d'une utilisation en Crimée. Il s'agit de biens et de technologies pouvant être utilisés dans les secteurs des transports, des télécommunications et de l'énergie, ainsi que de la prospection, de l'exploration et de la production pétrolières, gazières et minières. Il est aussi interdit de fournir une assistance technique ou des services de courtage, de construction ou d'ingénierie liés à des infrastructures dans ces mêmes secteurs.
Mais ce n’est pas tout, puisque les conclusions indiquent que "l’UE maintiendra le cap" et que "le Conseil européen est prêt à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire".
"Toutes les parties, y compris la Russie, devraient jouer activement leur rôle et mettre pleinement en œuvre les accords de Minsk" soulignent enfin les chefs d’Etat et de gouvernement en demandant "un accès sans restriction au site du crash du vol MH17, dans l'intérêt des enquêtes en cours".