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Justice, liberté, sécurité et immigration
Rapport sur le fonctionnement de l’espace Schengen – Le nombre de détections de franchissements irréguliers des frontières extérieures a fortement augmenté
28-11-2014


SchengenLe 27 novembre 2014, la Commission européenne a publié son 6e rapport semestriel sur le fonctionnement de l’espace Schengen, rapport prévu dans sa communication du 16 septembre 2011 sur le renforcement de la gouvernance Schengen.

Il couvre la période du 1er mai au 31 octobre 2014, qui se sera caractérisée par deux faits majeurs, note d’abord la Commission européenne : "d'une part, la persistance, avec un point culminant en été, des flux migratoires en provenance de la Méditerranée et à destination de l’Europe, qui ont entraîné de nouvelles pertes en vies humaines" ; "d'autre part, d’importants déplacements, au sein de l’espace Schengen, de personnes arrivées en Italie qui cherchent à se rendre dans d’autres États membres".

La situation aux frontières extérieures de l’espace Schengen

Le nombre total de détections de franchissements irréguliers des frontières a augmenté de manière significative au cours de la période concernée, notamment parce que l'Italie en a signalé près de six fois plus qu'un an auparavant sur la même période. Au total, 81 270 franchissements irréguliers ont été détectés sur les trois premiers mois couverts par le rapport (mai, juin et juillet 2014). Cela constitue plus de 2,5 fois plus que sur la même période en 2013, où le nombre de détections s'élevait à 31 406. Parmi les personnes détectées figurent majoritairement des Syriens et des Érythréens.

La Méditerranée centrale a été la principale route migratoire empruntée entre les mois de mai et de juillet 2014. Le nombre de détections (plus de 48 000) y a été près de cinq fois supérieur à ce qu'il était sur la période correspondante en 2013. La route de la Méditerranée orientale a été la deuxième route la plus fréquentée, affichant le double de détections qu’à la même période en 2013, "en raison d'une augmentation des détections sur les frontières grecques, alors que le nombre de détections aux frontières bulgares est resté stable", avance le rapport. Enfin, la route des Pouilles et de la Calabre figure en troisième position. Le nombre de détections y a été multiplié par neuf  pour dépasser les 13 000 cas.

Par contre, le nombre d'entrées détectées sur la route des Balkans occidentaux a presque été divisé par trois pour tomber à environ 3 300, en raison d’une forte baisse du nombre de cas recensés aux frontières de la Hongrie.

Les cas ukrainiens et syriens

Depuis le début de la crise en Ukraine, le nombre de franchissements clandestins détectés sur cette frontière terrestre extérieure est resté faible, souligne le rapport. Mais d’autres phénomènes liés à cette crise sont bien plus marqués. Ainsi, le nombre de demandes d’asile n'a cessé d'augmenter, puisque plus de 2 500 demandes ont été introduites par des ressortissants ukrainiens dans les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen entre mai et juillet 2014, soit plus de douze fois plus que sur la même période en 2013. On a également observé une certaine augmentation du nombre de cas de séjours irréguliers de citoyens ukrainiens. "Les États membres et les agences de l’UE sont invités à accorder toute l'attention  nécessaire à ces événements et notamment à leurs implications pour la sécurité de l’UE et de l’espace Schengen", lance la Commission européenne.

Pour ce qui est du retour dans l'UE de combattants étrangers en provenance de Syrie qui a notamment fait l’objet JAI du 9 octobre 2014, la Commission reconnaît que ce phénomène constitue un défi pour les États membres, "notamment pour ce qui est de leur détection". Toutefois, elle est convaincue que le cadre juridique existant permet de répondre efficacement à cette menace, "tant en ce qui concerne le contrôle des personnes que celui des documents de voyage, et qu'il devrait être pleinement exploité".

La situation à l’intérieur de l’espace Schengen

Sur la période de mai à juillet 2014, le nombre de séjours illégaux détectés a augmenté de 35 % par rapport à la période correspondante de 2013 (pour atteindre 108 712 cas). Les chiffres les plus importants pour cette période ont été rapportés par la Suède, suivie de l’Allemagne, de la France et de l’Espagne.

La Commission rapporte par ailleurs que, du 1er mai 2013 au 30 octobre 2014, seul trois États membres ont recouru à une réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures, telle que prévue à l’article 23 du code frontières Schengen, en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, et ce pour une durée "ne pouvant excéder ce qui est strictement nécessaire". Il s’agit de la Belgique, du 1er au 6 juin 2014 (en raison du sommet du G7), la Norvège, du 24 au 31 juillet (en raison d’une menace terroriste) et de l’Estonie, du 31 août au 3 septembre (lors de la visite du président américain). Selon le rapport sur les résultats de la réintroduction temporaire que sont tenus de livrer les pays y recourent, en Norvège, 165 000 personnes contrôlées, 17 se sont vu refuser l’entrée, cinq ont été appréhendées et 12 ont demandé l'asile.

Du 1er mai au 31 octobre 2014, la Commission a poursuivi son enquête sur quatre cas (Autriche, Belgique, Italie et Slovénie) d'infraction présumée aux dispositions sur la suppression des contrôles aux frontières intérieures, en particulier la suppression des obstacles à la fluidité du trafic. Une autre enquête, concernant l'Allemagne, a été clôturée par l'envoi, en octobre 2014, d'une lettre de mise en demeure concernant des allégations de non-conformité de la législation sur sa police fédérale. Enfin, la Commission a clos une procédure d’infraction à l'encontre de la législation tchèque, qui obligeait les transporteurs à contrôler systématiquement les personnes franchissant les frontières intérieures, après que la République tchèque a modifié la loi afférente.

Le Système européen de surveillance des frontières (Eurosur), dont les règles de fonctionnement furent adoptés par le Parlement le 10 octobre 2013, regroupant au départ 19 États membres, s'est pour sa part étendu le 1er décembre 2014 aux 30 États membres de l’espace Schengen. Les onze pays restants ont été dotés de centres nationaux de coordination. La Commission, Frontex et les États membres ont poursuivi la rédaction d'un guide pratique contenant des orientations techniques et opérationnelles pour la mise en œuvre et la gestion d’Eurosur.  Au cours de la période examinée, les images satellites obtenues grâce à la coopération mise en place dans le cadre d'Eurosur ont permis pour la première fois de sauver des vies (38 vies sauvées les 16 et 17 septembre), note encore la Commission à ce chapitre.

Violations présumées d’autres volets de l’acquis de Schengen

Au cours de la période de référence, la Commission a clos une enquête concernant un point de passage bulgare sur la frontière avec la Grèce, signalé comme ne respectant pas les exigences du code frontières Schengen et demandé des informations dans un nouveau dossier concernant les frontières terrestres de l’Estonie (à propos d'obligations imposées lors de leur franchissement). La Commission a par ailleurs poursuivi son enquête sur la Grèce et la Bulgarie concernant des allégations de pratiques de refoulement à la frontière extérieure, et ouvert une enquête sur des allégations d'expulsions sommaires hors du territoire espagnol (Ceuta et Melilla). Devant la persistance de plaintes au sujet des délais d’attente excessifs dus aux contrôles des autorités espagnoles à la frontière avec Gibraltar, la Commission a réalisé deux visites du place et a à deux reprises adressé des recommandations à l’Espagne et au Royaume-Uni pour qu'ils remédient au problème de circulation à cette frontière et à celui de la contrebande de cigarettes.

Concernant la transposition de la directive Retour, la Commission cite des "carences persistantes constatées dans plusieurs États membres en ce qui concerne, par exemple, les conditions de rétention ou l’absence de système indépendant de contrôle des retours forcés". "De nombreux États membres peuvent encore améliorer la situation en recourant plus systématiquement à d’autres solutions que la rétention et en promouvant les départs volontaires", dit la Commission.

Utilisation du système d’information Schengen (SIS II) et du système d’information sur les visas (VIS)

Au deuxième trimestre 2014, des recommandations ont été formulées à propos des mesures de sécurité du Système d’information Schengen (SIS II) afin de renforcer l’échange d’informations : l'instauration d’une procédure dûment étayée de déclaration des incidents dans tout l’espace Schengen et la création d’un réseau de points de contact en matière de sécurité. "En outre, les États membres ont été fortement encouragés à effectuer eux-mêmes des audits de sécurité réguliers et à ne pas confier à des contractants externes des tâches liées à la gestion opérationnelle du SIS II", précise la Commission.

Le système d’information sur les visas (VIS) "fonctionne bien", dit ensuite la Commission. Fin juillet 2014, il avait déjà traité près de 9 millions de demandes de visa Schengen, et permis la délivrance de 7,5 millions de visas, depuis son entrée en service le 11 octobre 2011. "Les États membres doivent redoubler d'efforts pour améliorer la qualité des données, tant biométriques qu’alphanumériques, que leurs autorités consulaires introduisent dans le VIS", rappelle le rapport. Depuis le 11 octobre 2014, le recours aux empreintes digitales est devenu obligatoire pour les titulaires de visas dont les données comprenant les empreintes sont stockées dans le VIS.

Une augmentation de 40 % du nombre de demandes d’asile par des citoyens des cinq États des Balkans occidentaux

Entre mai et juillet 2014, le nombre total de demandes d’asile déposées dans l’espace Schengen et dans les pays candidats à Schengen par des citoyens des cinq États des Balkans occidentaux, dont les ressortissants sont exemptés de l’obligation de visa (à savoir Bosnie-Herzégonie, Monténégro, Serbie, ARYM et Albanie, a augmenté de 40 % par rapport à la même période en 2013 (et de 7 % par rapport à la période de février à avril 2014). L’Allemagne a traité plus de 11 000 demandes des près de 15 000 demandes déposées durant cette période par ces citoyens. Ces derniers ont représenté 10 % du nombre total des demandeurs d’asile dans l’espace Schengen et dans les pays candidats à l’espace Schengen. Les Serbes forment le plus grand groupe (41 %), suivis par les Albanais (25 %). Durant la même période, le Luxembourg a pour sa part, selon les données de la direction de l’Immigration, traité 93 demandes venant de ces ressortissants. Les Monténégrins (36,5 %) étaient les plus représentés, suivis par les Bosniaques et les Albanais (autour de 22 %). 

Accords facilitant la délivrance des visas et la réadmission, et libéralisation du régime des visas

Le rapport de la Commission passe en revue l’état des négociations en cours sur la conclusion d’accords facilitant la délivrance des visas et la réadmission, et la libéralisation du régime des visas. L’accord de réadmission UE-Turquie est entré en vigueur le 1er octobre 2014. À la suite de la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement du 6 mars 2014 sur l’Ukraine, le dialogue avec la Russie sur la libéralisation du régime des visas a été suspendu.

Le 28 avril 2014, l'exemption de visa pour les citoyens de la République de Moldavie titulaires d’un passeport biométrique est entrée en vigueur, sans que n’aient été depuis constatés des abus notables de la part de citoyens moldaves.  Les accords avec l’Azerbaïdjan visant à faciliter les réadmissions et la délivrance de visas sont entrés en vigueur le 1er septembre 2014. Quant aux négociations engagées à cet effet avec la Biélorussie, un deuxième cycle de négociations techniques doit avoir lieu avant de la fin de l’année 2014.  

Par ailleurs, le 30 juillet, la Commission a soumis à l'approbation du Conseil des projets de directives pour la négociation de tels accords avec la Tunisie. Le 17 juillet 2014, la Commission a adressé au Conseil une recommandation sollicitant l’autorisation d’ouvrir des négociations en vue d'accords d’exemption de visa pour les séjours de courte durée avec 16 petits États insulaires des Caraïbes et du Pacifique ainsi qu'avec les Émirats arabes unis. De tels accords sont en bonne voie avec la Géorgie et l’Arménie.

Trois thèmes de réflexion

La Commission européenne fournit trois thèmes de réflexion au Parlement et au Conseil :

  • le niveau de préparation des États membres et des agences dans l'éventualité d’une augmentation importante des franchissements irréguliers des frontières terrestres orientales de l’UE ;
  • les autres mesures qui pourraient être envisagées pour renforcer le fonctionnement de Schengen, à la lumière de la situation actuelle dans les pays du voisinage européen;
  • l’expérience acquise jusqu’à présent par les États membres dans l’utilisation du VIS pour identifier les migrants sans papiers détectés dans l’espace Schengen, tant pour le traitement des demandes d’asile que pour l'ouverture de procédures de retour.