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Transports
Transport routier- La Commission appelée à se prononcer face aux divergences d’interprétation de la législation européenne en matière de dumping social
22-01-2015


cabotage-source-commissionPlusieurs pays d’Europe de l’Est, notamment la Pologne et la République tchèque, ainsi que des représentants du secteur ont exprimé leur mécontentement à la Commission européenne face aux mesures nationales lancées par plusieurs pays d’Europe occidentale afin de lutter contre le "dumping social" dans le transport routier.

C’est notamment le cas des dispositions légales sur le temps de repos pour les chauffeurs routiers introduites par la France et la Belgique qui font débat, mais aussi l'introduction d'un salaire minimum de 8,5 euros depuis le 1er janvier 2015 en Allemagne qui obligerait les sociétés internationales de transport non établies dans le pays à rémunérer leurs chauffeurs au niveau du salaire minimum allemand pendant qu'ils se trouvent en Allemagne.

Face au flou qui entoure l’application de la législation européenne en matière de dumping social, plusieurs acteurs ont appelé la Commission à fournir une interprétation claire des dispositifs européens en matière de lutte contre le dumping social.

La législation en matière de temps de repos pour les chauffeurs routiers fait débat

La France - avec sa Loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale - et la Belgique - avec son arrêté royal du 14 avril 2014 - ont introduit des dispositions légales pour appliquer strictement le règlement européen relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, qui détermine notamment le temps hebdomadaire de repos pour les chauffeurs routiers en Europe. Dans ce contexte, l’Agence Europe rapporte ainsi dans son édition du 22 janvier 2014 que les transporteurs routiers, dont les chauffeurs seraient surpris à dormir dans la cabine de leur camion, s'exposent désormais dans ces pays à des amendes qui peuvent atteindre les 30 000 euros.  

Les mesures adoptées par la Belgique et la France en matière de temps de repos font l’objet de nombreuses critiques, comme l’indique l’eurodéputé Georges Bach (PPE) à Europaforum.lu. D’aucuns estiment que celles-ci sont anti-européennes et qu’elles équivalent à des mesures de protectionnisme, explique Georges Bach, alors que les gouvernements français et belge font valoir qu’ils ont légiféré en vue de lutter contre le dumping social et de protéger les transporteurs contre des mauvaises conditions de travail, des éléments que l'eurodéputé juge "importants".

Ces divergences d’opinion sont principalement dues au fait que "la législation actuelle n’est pas assez claire et donne lieu à des divergences d’interprétations", a-t-il soulevé. D’un autre côté, la bonne application du règlement est du ressort des Etats membres, ajoute-t-il. Ceci explique selon lui pourquoi des variations entre les pays de l’UE peuvent exister en matière de sanctions. "A Malte, les amendes peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros, tandis qu’en France, elles vont jusqu’à la confiscation du camion", a relevé l’eurodéputé.

Dans ce contexte, le 20 janvier 2015, les eurodéputés membres de la commission parlementaire des transports (TRAN) ont alerté la Présidence lettonne sur le problème du dumping social dans le transport routier et ont appelé la commissaire au Transport, Violetta Bulc, d’adopter une interprétation européenne claire sur le sujet, indique Georges Bach. "C’est ce qu’elle a promis de faire à l’occasion de la présentation du paquet routier prévue au printemps", ajoute Georges Bach.

Par ailleurs, l’Agence Europe relève, toujours dans son édition du 22 janvier, que dans une lettre adressée à la Commission européenne datée du 15 janvier 2015, la fédération patronale européenne Businesseurope a également demandé à la Commission de se prononcer et de fournir une interprétation claire de la législation européenne.

L’introduction d’un salaire minimum en Allemagne préoccupe les transporteurs des Etats membres de l’Est de l’UE

Un autre élément faisant débat est la conséquence probable sur le secteur de l'introduction d'un salaire minimum de 8,5 euros depuis le 1er janvier en Allemagne. Celle-ci a surpris les transporteurs routiers, notamment polonais et tchèques, car elle oblige les sociétés internationales de transport non établies dans le pays à rémunérer leurs chauffeurs au niveau du salaire minimum allemand pendant que ces derniers se trouvent en Allemagne. En Pologne et en République tchèque, le salaire minimum représente environ un quart du salaire minimum en Allemagne.

Dans ce contexte, l’AFP rapporte, dans une dépêche datée du 20 janvier, que plusieurs associations polonaises et tchèques du secteur se sont insurgées contre des mesures jugées "discriminatoires et disproportionnées" et ont indiqué que l'Allemagne "enfreint les principes fondamentaux du transport libre".

Georges Bach explique à Europaforum.lu que, au-delà de "sa nature relativement protectionniste", cette mesure aurait des "conséquences bureaucratiques importantes", sachant que "les transporteurs doivent être à même de présenter les documents qui attestent du trajet qu’ils ont fait sur le territoire allemand". Selon une note de l'ambassade de Pologne à Berlin reprise par l’AFP, l'employeur dont le chauffeur a été contrôlé sera en effet obligé de fournir aux autorités allemandes quatre documents traduits en allemand: le contrat de travail, le relevé du temps de travail en Allemagne, la fiche de paie conforme au salaire minimum allemand et le reçu du versement ou du prélèvement en faveur du chauffeur.

"Plusieurs membres de la commission des transports au Parlement européen ont fait un parallèle avec l’aviation pour se demander si, en prenant un vol d’Helsinki à Lisbonne, chaque membre de l’équipage devra être rémunéré en fonction des x pays qu’il survolera", s’est étonné Georges Bach, un rien polémique.

La Commission appelée à fournir une interprétation claire de la législation européenne

Selon l’AFP, qui rapporte les propos de  la porte-parole du gouvernement polonais, Iwona Sulik, à l'issue d’un conseil des ministres où le problème a été évoqué, "une lettre a été adressée à la Commission européenne qui examine cette question". "Selon les informations en notre possession, la Commission s'adressera à l'Allemagne pour qu'elle éclaircisse cette question", a-t-elle ajouté.  "Nous pouvons confirmer que des lettres ont été adressées à la Commission de la part des autorités polonaises et hongroises, ainsi que des représentants du secteur des transports", a réagi la Commission européenne le 20 janvier 2015, selon l’AFP. "La Commission va étudier les préoccupations exprimées dans ces lettres de plus près", a ajouté une porte-parole de l’institution.

Le 20 janvier 2015, devant les eurodéputés de la commission des transports, le directeur général de la Direction générale de la Commission en charge de la mobilité et des transports (dite "DG Move"), Joao Aguiar Machado, a indiqué que la Commission était en train d’interroger les autorités allemandes "pour mieux comprendre la portée de cette mesure et comment elle est appliquée". La Commission présentera des solutions à l'avenir "si cela s'avère nécessaire". Selon l’Agence Europe, les commissaires européennes en charge des Transports et des Affaires sociales, Violeta Bulc et Marianne Thyssen, rencontreront les autorités allemandes respectivement les 26 et 27 janvier.

Le Luxembourg est engagé dans une coopération transfrontalière pour lutter contre le dumping social

En ce qui concerne le Luxembourg, pour mémoire, les dispositions sur le cabotage routier en vertu du règlement du 21 octobre 2009 "établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route" sont entrées en vigueur le 14 mai 2010. A l’issue du sommet Benelux du 12 décembre 2013 et au sommet social du Benelux le 13 février 2014, le Grand-Duché a pris des engagements avec les Pays-Bas et la Belgique pour lutter contre le dumping social et pour protéger les salariés contre toutes les formes d’abus en matière sociale. Ils s’y sont notamment engagés pour un traité Benelux sur la coopération transfrontalière en matière d’inspection des transports routiers afin de contribuer à une refonte et une harmonisation des règles européennes en la matière.

Au niveau européen, le débat sur le dumping dans le secteur des transports n’est pas neuf et revient régulièrement dans le contexte du règlement sur les règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et de la discussion relative au cabotage. Le 17 décembre 2014, le Parlement européen a ainsi rejeté un acte délégué de la Commission relatif audit règlement au motif qu’il ne prenait pas en compte le volet social.