Dans un communiqué de presse du 27 janvier 2015, la Commission européenne et le Parlement européen ont annoncé la mise en œuvre de nouvelles règles relatives au registre de transparence, dans le but de rendre la prise de décision européenne et les activités des lobbyistes plus transparentes et responsables, tout en incitant davantage les lobbyistes à s'enregistrer et en rendant l'accès à la base de données plus facile pour les lobbyistes et le public.
La nouvelle version du registre lancée le 27 janvier modifie la manière dont sont déclarées les ressources humaines investies dans le lobbying. Il exige aussi que soient fournis des renseignements supplémentaires sur la participation à des comités, à des forums, à des intergroupes ou à des structures similaires de l'UE ainsi que sur les dossiers législatifs en cours. Il étend également à tous ceux qui s'enregistrent l'obligation de déclarer les coûts estimés liés au lobbying. En outre, selon le communiqué, une procédure simplifiée relative aux alertes et aux plaintes permet de mieux contrôler et de traiter plus efficacement les informations prétendument trompeuses. De nouvelles incitations sont également offertes pour augmenter la valeur ajoutée de l'enregistrement, comme l'obligation de s'enregistrer pour tous ceux qui souhaitent rencontrer des commissaires, des membres des cabinets ou des directeurs généraux ou à toute organisation qui souhaite s'exprimer lors d'auditions organisées par le Parlement européen.
Cette "deuxième génération" du registre est le fruit du travail conjoint mené par la Commission européenne et le Parlement européen et met en œuvre les dispositions de l’accord interinstitutionnel révisé dans le domaine de la régulation des lobbys que le Parlement européen et la Commission européenne ont conclu en avril 2014.
Pour mémoire, le registre de transparence a été introduit par la Commission européenne en 2008, après l’adoption par le Parlement européen du rapport Stubb. En 2011, il fut fusionné avec le registre du Parlement européen. Jusqu’alors, il a toujours fonctionné uniquement sur base volontaire. En 2013, environ 75 % de l’ensemble des organisations professionnelles, et environ 60 % des ONG opérant à Bruxelles, ont signé le registre, soit un total de plus de 5 700 lobbyistes répertoriés.
En avril 2014, les eurodéputés avaient demandé à la Commission européenne de faire une proposition d’ici 2016 en faveur d’une inscription obligatoire de tous les lobbys et en attendant, d’introduire des mesures d'incitation afin d’encourager les lobbyistes à signer le registre, par exemple la limitation de l’accès au Parlement des lobbyistes non enregistrés. Seulement quatorze eurodéputés s’étaient abstenus lors du vote en avril 2014, dont l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts), qui avait regretté que le registre ne soit pas encore rendu obligatoire pour tous les lobbyistes et qu’il ne soit rien fait pour combattre les lobbys dans les capitales des Etats membres.
Pour ce qui est de la suite, dans son communiqué du 27 janvier, la Commission indique qu’elle a l'intention d'élaborer en 2015 sa propre proposition de registre obligatoire des représentants d'intérêts s’appliquant à la Commission, au Parlement européen et au Conseil. L'élaboration de cette proposition relève de Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission. Le communiqué indique par ailleurs que le 25 novembre 2014, la Commission Juncker a déjà fait un pas vers la transparence en adoptant deux décisions exigeant la publication d'informations concernant des réunions tenues par les commissaires, les membres de leurs cabinets et les directeurs généraux avec les organisations et les individus indépendants. Le président de la Commission Jean-Claude Juncker avait dans ce contexte précisé que, en principe, ils ne devraient se réunir qu’avec les acteurs qui figurent dans le registre de transparence.
"Une étude publiée récemment par des organisations engagées dans la lutte contre la corruption montre clairement qu'encore trop d'organismes majeures de lobbying, dont p.ex. de nombreuses sociétés d'importance, comme Electrabel et General Motors, ne font pas partie du registre de transparence volontaire de la Commission et du Parlement européen", a déclaré l'eurodéputé Claude Turmes le 28 janvier 2015 à Europaforum.lu. "L'approche volontaire de régulation actuellement en place ne résout pas tous les problèmes existants quant au lobbying à Bruxelles", a-t-il poursuivi. "Les changements introduits par la Commission restent non contraignants pour les lobbyistes, et ne conduiront donc pas à plus de transparence au niveau européen", souligne l'eurodéputé vert. "J'incite la Commission Juncker à faire une proposition législative instaurant la mise en place d'un registre des lobbys contraignant, et ce le plus vite possible!", a-t-il conclu.
"Je me réjouis des progrès supplémentaires réalisés depuis la création du registre de transparence du Parlement européen et de la Commission européenne depuis 2011", a déclaré de son côté l’eurodéputée Sylvie Guillaume (S&D), vice-présidente du Parlement, citée dans le communiqué du Parlement. "Nos citoyens sont en effet en droit d'attendre que le processus législatif se déroule dans la transparence et le respect de l'éthique, et ce nouveau registre, plus incitatif et plus lisible, y contribue", a-t-elle poursuivi. Sylvie Guillaume a en outre relevé que même si l'inscription reste actuellement volontaire, "l'objectif défendu depuis 2008 par le Parlement européen reste d'aboutir à un enregistrement obligatoire pour toute organisation/individu impliqué dans des activités de lobbying". "Enfin, il est important de noter que le code de conduite sera désormais applicable à tous, inscrits ou pas.", s’est-elle félicitée.
Dans un communiqué de presse du 27 janvier 2015, l'ONG Transparency International a également salué ces efforts du Parlement européen et de la Commission pour davantage de transparence et encouragé les lobbyistes de fournir les meilleures informations possibles. L'ONG déplore que "le registre volontaire actuel" ne dispose pas des "mécanismes de vérification" suffisamment efficaces et que les organisations de lobbying "ne s’exposent pas à de véritables conséquences si elles fournissent des informations insignifiantes, partielles ou non à jour".
"Le registre mis à jour est un pas dans la bonne direction, mais il faut faire plus pour s’assurer que le public peut suivre d'une manière significative les activités de lobbying" et "d'influences indues" à Bruxelles, a déclaré Daniel Freund de Transparency International, en charge du lobbying et de l'intégrité de l’UE.
Pour le collectif d’ONG Alter-EU, les changements introduits sont minimes et ne résoudront pas les problèmes fondamentaux liés au manque de transparence. Dans un rapport publié le 27 janvier 2015, ils indiquent que "l'approche volontaire" en matière de transparence du lobbying "ne parvient pas à offrir aux citoyens une image précise du lobbying à Bruxelles".