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Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil JAI - Les ministres envisagent de rendre obligatoires et "systématiques" les contrôles des ressortissants de l'UE à leur arrivée aux frontières extérieures de l'Espace Schengen
30-01-2015


Félix Braz, ministre luxembourgeois de la Justice avec Dimitris Avramopoulos, commissaire européen en charge de la Migration et des Affaires intérieures et Étienne Schneider, ministre luxembourgeois de la Sécurité intérieure (Source : SIP)Les ministres de l’Intérieur et de la Justice de l’UE se sont retrouvés les 29 et 30 janvier 2015 à Riga pour une réunion informelle afin de concrétiser les mesures dans la lutte contre le terrorisme, trois semaines après les attentats de Paris qui ont fait 17 morts. Dans une déclaration commune, appelée déclaration de Riga, les ministres envisagent de rendre obligatoires et "systématiques" les contrôles des ressortissants de l'UE à leur arrivée aux frontières extérieures de l'Espace Schengen, notamment les aéroports. Les données des ressortissants seront comparées avec des "banques de données relatives à la lutte contre le terrorisme", note le texte. Les mesures énoncées dans cette déclaration seront discutées lors du sommet européen du 12 février 2015.

Les attaques de Paris "ont catalysé un processus", a expliqué le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. "Nous avons été trop lents", a-t-il concédé. Certains Etats veulent également pouvoir mener plus facilement des contrôles aléatoires autorisés à l'intérieur de leur territoire, a expliqué le ministre espagnol Jorge Fernandez Diaz. Les discussions étaient basées sur une déclaration commune de douze ministres de l’Intérieur de l’UE qui s’étaient retrouvés le 11 janvier 2015 à Paris, quatre jours après les attentats du 7 janvier, et qui s’étaient engagés à renforcer leur coopération dans la lutte anti-terroriste.

Améliorer l’efficacité du Système d'information Schengen (SIS)

La Commission européenne a adopté quant à elle des mesures pour "améliorer l’efficacité" du Système d'information Schengen (SIS), a déclaré le commissaire Dimitris Avramopoulos, en charge de la Migration et des Affaires intérieures. "Il faut qu’on s’assure que des agences comme Europol reçoivent toute information nécessaire de tous les Etats membres", a-t-il souligné, rappelant qu’il faut améliorer le "flux d’information" et des évaluations entre les Etats membres et les agences européennes. Les Etats membres auront dès lors la possibilité d’invalider des documents d’identité de personnes susceptibles de rejoindre des groupes terroristes, a-t-il expliqué. "On est en train de développer des indicateurs communs de risques et des critères pour insérer des alertes pertinentes dans le SIS", a-t-il précisé. Selon le ministre allemand Thomas de Maizière, cité par la dpa, le SIS sera adapté techniquement "dans quelques semaines". 

Le commissaire a souligné l’importance des données des passagers aériens (PNR) pour prévenir des attaques terroristes. La proposition de directive est encore bloquée par le Parlement européen qui réclame des garanties pour la protection de ces données. "Nous souhaitons ce PNR aussi rapidement que possible et dans notre esprit, c'est en 2015", a affirmé le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, cité par l’AFP. "Pour cela nous allons prendre le temps de convaincre", a-t-il assuré. Le ministre se rendra le 4 févier 2015 à Bruxelles pour rencontrer les élus européens les plus réticents. "Il va falloir faire des concessions", a-t-il reconnu.

Quant au renforcement des contrôles aux frontières extérieures et à une éventuelle révision du code frontières Schengen, le ministre luxembourgeois de la Justice, Félix Braz, a rappelé l’importance d’un juste équilibre entre les aspects sécuritaires et les droits fondamentaux, rapporte un communiqué. Un futur PNR européen devra "respecter les exigences de l’arrêt de la CJUE du 8 avril 2014" qui avait invalidé la directive sur la conservation des données.

Un dialogue renforcé avec les principaux fournisseurs d’Internet

Quant à Internet qui joue un "rôle significatif" dans la radicalisation, les Etats membres veulent encourager les principaux fournisseurs d’Internet et de réseaux sociaux "d’enlever des contenus terroristes ou extrémistes de leur plateformes". Le "forum de dialogue" avec les principaux fournisseurs d’Internet, lancé l’année dernière, sera renforcé et le dialogue approfondi, a expliqué le commissaire Dimitris Avramopoulos. Une mesure saluée par Etienne Schneider, le ministre luxembourgeois de la Sécurité intérieure, qui juge essentiel que l’Union mette rapidement en œuvre des initiatives lancées par la Commission dans le cadre de la prévention de la radicalisation. L’Agence Europol devra soutenir les Etats membres à détecter des contenus illégaux et d’améliorer l’échange d’information, explique la déclaration commune.

Selon la déclaration commune, les Etats membres veulent également renforcer l’échange d’information et la coopération transfrontalière relative au trafic illégal d’armes à feu, en insérant "systématiquement" des informations dans le Système d'information Schengen (SIS). La Commission est en train de revoir la législation quant aux armes à feu et a l’intention de soumettre un rapport sur la situation et d’éventuelles modifications législatives aux Etats membres et au Parlement européen, a expliqué Dimitris Avramopoulos.

La Commission appelée à présenter rapidement une nouvelle stratégie de la sécurité intérieure de l’UE

Les Etats membres appellent d’ailleurs la Commission de présenter "au plus tard" à la mi-avril une nouvelle stratégie de la sécurité intérieure de l’UE afin qu’elle puisse être revue et mise à jour au milieu de cette année. La Commission avait annoncé il y a peu vouloir présenter cette nouvelle stratégie en mai 2015.

Les Etats membres veulent enfin travailler contre les causes de la radicalisation de musulmans en Europe, notamment en prison, éviter qu'ils ne soient recrutés par les mouvements islamistes, empêcher leur départ pour les zones de conflit. Jusqu’à 3000 ressortissants des Etats membres sont partis en Syrie, en Irak ou au Liban et 30 % sont revenus

Les ministres de la Justice demandent au Conseil européen de revoir la décision-cadre sur la lutte contre le terrorisme de 2008

Le 30 janvier 2015, les ministres de la Justice de l’UE ont assisté au volet Justice du Conseil informel. Ils vont demander au Conseil européen de revoir la décision-cadre sur la lutte contre le terrorisme de 2008 et de la faire coïncider avec une résolution de l'ONU de  septembre dernier précisant notamment la notion de terrorisme, a annoncé la commissaire européenne à la Justice, Vera Jourova, lors d’une conférence de presse. "La résolution de l’ONU contient une définition de ce nouveau phénomène", à savoir des combattants étrangers, et "il faut qu’on transpose cette définition dans la législation européenne", a-t-elle expliqué, en ajoutant que "les ministres se sont mis d’accord qu’il faut une définition claire et harmonisée des combattants étrangers, mais aussi du terrorisme en matière d’infraction criminelle".

La décision-cadre de 2008 avait modifié celle de 2002, en introduisant de nouvelles infractions concernant la provocation publique, le recrutement et l’entraînement pour le terrorisme. Elle vise également à réduire la diffusion des messages et des documents susceptibles d’inciter des personnes à perpétrer des attentats terroristes. Un rapport publié le 5 septembre 2014 par la Commission, le Conseil et le Parlement fait état de la mise en œuvre de ces mesures dans les Etats membres.

Concernant la lutte contre le terrorisme, les ministres de la Justice ont retenu cinq grandes priorités, a expliqué Vera Jourova : lutter contre l'antisémitisme ou l'islamophobie et de manière générale contre le racisme et la xénophobie ; l'utilisation optimale de la coopération européenne, comme le mandat d'arrêt européen ou les instruments d'assistance mutuelle, est une autre priorité. Sur le plan financier, la directive anti-blanchiment d'argent, qui a récemment fait l'objet d'un accord, devra être "mise en œuvre le plus rapidement possible", a-t-elle déclaré.

Vera Jourova demande d'accéler les négociations sur la réforme de la protection des données

En cinquième point, les ministres souhaitent adapter le cadre juridique le plus vite possible, a expliqué la commissaire en évoquant notamment la réforme de la protection des données. Elle a demandé d'accélérer les négociations sur ce dossier, notamment sur la directive relative à la protection des données à caractère personnel dans le cadre de la coopération policière et judiciaire (qui accompagne un règlement général).  Les discussions sur cette directive ne sont pas terminées, a indiqué la commissaire, selon laquelle plusieurs Etats membres souhaitent élargir et renforcer le champ d’application. Mais Vera Jourova a estimé qu'une solution pourrait être trouvée d'ici à juin. La commissaire s’est quant à elle exprimée en faveur de la proposition originale de la Commission. Cette directive "se limite à la prévention, la recherche, la détection ou la poursuite d'infractions pénales ou l'exécution de sanctions pénales", a-t-elle souligné, en précisant que ce champ d’application est "suffisamment vaste".

La commissaire a appelé à conclure par ailleurs les discussions sur cette réforme dans son ensemble en 2015, notamment le règlement concernant la protection des données, et souligné que cette réforme donnerait un coup de pouce au marché unique numérique. Elle estime que la "fragmentation juridique" concernant les règles contractuelles et celles relatives au consommateur est "l’obstacle clé" pour le marché numérique et rappelle que seulement 15 % des consommateurs ont fait des achats en ligne dans un autre Etat membre en 2014, alors que 44 % font des achats en ligne dans leur pays d’origine, et que seulement 5 % des entreprises offrent des services de vente transfrontaliers.

Les ministres ont également proposé l'extension des prérogatives d'Eurojust, l'agence de coopération judiciaire de l'UE, qui devra coopérer davantage avec les pays tiers et obtenir d'eux davantage de données, a indiqué la commissaire dans la conférence de presse. Certains fichiers, comme le fichier européen des casiers judiciaires (ECRIS), devraient également être élargis aux données de casiers judiciaires des pays tiers de l'UE. La coopération entre les agences Eurojust et Europol, l’Office européen de police, devra également être renforcée, a souligné Vera Jourova.

Félix Braz s’est prononcé pour la construction d’un système européen de justice en ligne

Le Luxembourg a souligné la nécessité de mettre en place des moyens préventifs tels que des réseaux de sensibilisation et d’encadrement ainsi que des mesures de réintégration et de réinsertion, indique un communiqué. Il explique que le Luxembourg est en principe favorable à une plus grande harmonisation des cadres législatifs nationaux en matière de lutte anti-terroriste ceci permettant une application uniforme des garanties de droit. Il est également pour l’élaboration d’un cadre légal européen concernant la réponse pénale à apporter au phénomène des combattants étrangers. "L’Europe doit pouvoir répondre d’une seule voix", note le communiqué.

Un autre sujet abordé par les ministres était la promotion de solutions numériques et d’outils digitaux spécifiques pour la justice. Le ministre luxembourgeois de la Justice, Félix Braz, s’est prononcé pour la construction d’un système européen de justice en ligne qui contribue au marché intérieur en levant les obstacles au commerce transfrontalier, tout en respectant l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs, souligne le communiqué, qui ajoute que la digitalisation de la justice au niveau européen devrait garantir à la fois une interopérabilité des systèmes basés sur les nouvelles technologies, tout en veillant à un strict respect de la protection des données personnelles dans le traitement de ces données.