Le 21 janvier 2015, le collège des commissaires a tenu un débat d’orientation sur la sécurité intérieure de l’UE. Le sujet occupe les décideurs politiques européens à tous les niveaux depuis les attentats de Paris des 7, 8 et 9 janvier dernier et il va être à l’ordre du jour du sommet informel des chefs d’Etat et de gouvernement qui est prévu le 12 février prochain. C’est Frans Timmermans, Premier vice-Président de la Commission, qui a rendu compte de cette discussion à la presse par une allocution brève et forte.
L’enjeu, a-t-il expliqué, est que chaque commissaire puisse apporter sa contribution pour ce qui est de "combattre le terrorisme et de créer de meilleures conditions dans nos sociétés pour tenir compte des positions de toutes les communautés au sein de la société européenne".
Frans Timmermans a souligné l’engagement de la Commission dans ce contexte à "soutenir les Etats membres dans leur responsabilité première qui est de garantir la sécurité de leurs citoyens".
"Cette sécurité a été mise au défi et cela concerne l’Europe dans son ensemble", a-t-il relevé en ne perdant pas de vue que les compétences de chacun : "la responsabilité pour y répondre relève des Etats membres, mais là où elle pourra, la Commission européenne les soutiendra, les assistera, les aidera, afin qu’ils puissent remplir ensemble cette responsabilité de manière telle que la sécurité des citoyens européens en sorte renforcée".
Les lacunes qui existe dans la coopération entre Etats membres sont pour beaucoup liées à une question de confiance, a observé Frans Timmermans lors des échanges avec la presse, et la Commission est prête à aider à dépasser ces difficultés tant par des moyens techniques que par la coopération.
Plus largement, Frans Timmermans a rappelé que l’UE est avant tout "un groupe d’Etats au sein desquels chaque communauté devrait avoir sa place". "Si vous regardez l’histoire de l’intégration européenne, nous avons appris à travers une expérience très douloureuse que la tolérance, l’Etat de droit, le respect du droit, notre manière donner une place dans notre société à toute communauté est fondamentale dans la façon dont nous voulons construire notre société européenne", a argué le premier vice-président de la Commission.
Or, Frans Tirmmermans a fait part de son constat qu’aujourd’hui, "nous voyons dans un certain nombre de nos Etats membres que la majorité de leurs communautés juives ne sont plus sûres d’avoir un futur dans l’Europe, et je pense que c’est là un grand défi lancé aux fondements mêmes de l’UE". "On peut discuter de tout ce que vous voulez, de l’Euro, du marché intérieur, ou que sais-je encore, mais si cette valeur fondamentale de l’UE qui veut que vous ayez votre place dans la société, quels que soient vos croyances, votre origine, race ou choix sociétaux, est défiée, nous devons opposer à ce défi une stratégie qui offre de l’espoir et une perspective à tout un chacun dans nos sociétés européennes", a-t-il lancé. Frans Timmermans a évoqué comme réponses possibles à ce défi "l’éducation et toutes autres sortes d’instruments que notre société peut nous offrir", l’enjeu étant à ses yeux de s’assurer de "ne pas perdre une part de notre population dans l’extrémisme, le fanatisme et l’exclusion". "Et c’est là que la Commission veillera à ce qu’il y ait une stratégie qui offre de l’espoir et des perspectives à tous, qu’ils soient juifs, musulmans, chrétiens ou athées", a-t-il poursuivi en concluant "tout le monde a sa place dans cette société".
"Nos sociétés sont vulnérables car ce sont des sociétés ouvertes", a-t-il expliqué à une journaliste qui se demandait si la menace représentée par le retour des combattants étrangers avait été sous-estimé. "Et la dernière chose que la Commission et les Etats membres veulent faire, c’est bien de changer la nature de nos sociétés ouvertes en réaction à la menace terroriste, car ce serait tomber aux mains de ces terroristes et de ces fondamentalistes", a argué le vice-président de la Commission.
Le rôle de la Commission est donc à ses yeux d’aider "les Etats membres à maintenir des sociétés ouvertes où la diversité, la tolérance sont des principes directeurs qui ne peuvent être mis au défi par ceux qui nous haïssent car nous avons ces libertés".
Un peu plus tôt, interpellé par une journaliste qui demandait s’il y aurait une définition commune pour ces combattants étrangers, ainsi que le demande le coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, Frans Timmermans avait indiqué que "pour le moment" il n’existait aucune définition commune, mais qu’il ignorait si celle-ci "pourrait amener à une approche plus efficace". "Je me demande ce qu’il peut bien se passer dans la tête de ces gens qui, bien qu’ils soient nés dans nos Etats membres, dans notre société, sont séduits par une idéologie nihiliste, par une culture de la mort, viennent casser la société dont ils proviennent eux-mêmes", s’était-il interrogé à leur sujet.
La Commission envisage de présenter pour le mois de mai 2015 une nouvelle stratégie de sécurité intérieure. Frans Timmermans a évoqué trois grands dossiers sur lesquels la Commission espère avancer rapidement.
En ce qui concerne le dossier PNR, la Commission va chercher une solution auprès du Parlement européen et du Conseil en vue de parvenir à une décision rapide. "Nous avons besoin de ce système au niveau européen", a souligné Frans Timmermans, qui a confié ne jamais avoir bien compris "pourquoi les Etats membres étaient prêts à échanger de telles données avec les Etats-Unis mais pas entre eux". Et il entend faire son possible pour que "nous ayons ce système au plus vite". "Nous allons revoir notre proposition", a assuré Frans Timmermans en insistant sur le fait que la Commission est "prête à ouvrir le débat" avec le Parlement européen. La Commission, et plus particulièrement le commissaire Avramopoulos, va donc devoir aller au Parlement européen et "écouter très attentivement quels changements ils voudraient" afin de modifier en conséquence la proposition de la Commission. "Mais nous devons aussi tenir compte de l’autre partie", à savoir le Conseil, a prévenu Frans Timmermans qui vise par conséquent "un équilibre délicat entre Parlement et Conseil pour arriver à une solution et mettre en place un PNR européen au plus vite".
De la même manière, Frans Timmermans a évoqué le dossier de la protection des données, avec la même volonté de faire des progrès en tenant compte des positions des deux co-législateurs. "Je veux voir où la Commission peut aider à trouver un consensus", a-t-il expliqué au sujet de ce dossier qui est étroitement lié au dossier PNR dans la mesure où c’est notamment au nom de lacunes en matière de protection des données que le Parlement européen bloque le dossier PNR.
Enfin, Frans Timmermans a évoqué "la possibilité de renforcer" les règles de l'espace Schengen, "particulièrement pour les frontières extérieures". Il souhaite également creuser "la possibilité de meilleurs usages" qu’offre Schengen qui, selon lui, "est une solution, et non un problème". En ce qui concerne la proposition faite le 11 janvier 2015 par les ministres de l’Intérieur visant à modifier les règles du code frontières Schengen, Frans Timmermans a indiqué qu’il n’est pas encore en mesure de préciser si cette modification va s’avérer. "Néanmoins, la Commission va analyser tout ce qui va permettre de rendre les contrôles aux frontières extérieures plus efficaces", a-t-il annoncé, avant de préciser que toute modification doit s’inscrire "dans le cadre légal posé par Schengen". Quant à la question de savoir si le contexte actuel pourrait geler l’élargissement de l’espace Schengen vers la Bulgarie et la Roumanie, Frans Timmermans a souligné que cette question est du ressort des compétences des Etats membres et du Conseil. "La Commission ne peut que se limiter à leur fournir des informations exactes sur la situation de ces pays", indique le vice-président de la Commission.