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Justice, liberté, sécurité et immigration
Dans une déclaration conjointe adoptée à Paris en amont de la grande "marche républicaine" du 11 janvier 2015, douze ministres de l’Intérieur de l’UE s’engagent à renforcer leur coopération dans la lutte anti-terroriste
11-01-2015


Quelques heures avant une "marche républicaine" qui a rassemblé à Paris plus d'un million de personnes et une cinquantaine de dirigeants étrangers, et près de trois millions de personnes un peu partout en France, le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve a accueilli le 11 janvier 2015 onze homologues européens ainsi que le ministre américain de la Justice Eric Holder et le ministre canadien de la Sécurité publique Steven Blaney, pour une réunion "exceptionnelle" destinée à rappeler la "détermination à lutter ensemble contre le terrorisme".

"L’épreuve à laquelle la France est confrontée particulièrement depuis mercredi concerne non seulement l’Europe mais aussi toutes les démocraties", a indiqué le ministre français pour expliquer son initiative qui visait à "réunir en urgence aujourd’hui le G10 comme la Belgique l’avait fait en mai 2014 à la suite de la fusillade intervenue au musée juif de Bruxelles". Comme l’a rappelé Bernard Cazeneuve, "ce groupe rassemble dans un cadre informel de coopération et d’échange les ministres de l’Intérieur des pays européens les plus touchés par le phénomène dit des combattants étrangers", à savoir  l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, la Pologne, l’Espagne, la Belgique, la Suède, les Pays-Bas, le Danemark et l’Autriche. La présidence lettone du Conseil de l’UE et la Commission européenne étaient également représentées, tandis que le coordinateur de l’UE dans la lutte contre le terrorisme était  présent aussi.

Alors que le président en exercice du Conseil européen, Donald Tusk, avait annoncé dès le 9 janvier 2015 que le sommet du 12 février prochain serait consacré à la lutte contre le terrorisme, Bernard Cazeneuve a annoncé que la présidence Lettone de l'Union Européenne réunirait un Conseil "Justice et affaires intérieures" dans les prochains jours pour aborder ces questions. Le sujet sera dans tous les cas à l’ordre du jour de la réunion informelle que les ministres de l’Intérieur de l’UE tiendront à Riga les 29 et 30 janvier prochain.

A l'issue de deux heures de réunion, les différents ministres ont adopté une déclaration commune. Ils y condamnent "de la manière la plus ferme la terrible et lâche attaque terroriste contre le journal français Charlie Hebdo, survenue à Paris, le 7 janvier 2015, qui a causé la mort de douze personnes, parmi lesquelles sept journalistes, deux policiers et quatre autres personnes présentes sur place, ainsi que l’assassinat, à Montrouge, d’une policière municipale et de quatre personnes à Paris, dans un attentat antisémite". Ils y réitèrent aussi leur "attachement indéfectible à la liberté d’expression, aux droits de l’homme, au pluralisme, à la démocratie, à la tolérance et à l’état de droit".Les participants à la réunion convoquée le 11 janvier 2015 à Paris par le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve. Source : www.interieur.gouv.fr

Les ministres indiquent aussi que le combat contre le terrorisme et l’extrémisme repose "à la fois sur la lutte contre la radicalisation, notamment sur internet, et sur le renforcement des moyens destinés à contrecarrer l'action des différentes formes de réseaux terroristes".

Le renforcement des moyens destinés à contrecarrer l’action des différentes formes de terrorismes

Les ministres se sont engagés à amplifier la coopération existante dans la lutte contre la circulation illégale d’armes à feu au sein de l’UE.

"Nous sommes déterminés à mettre en œuvre toutes les mesures utiles visant au partage du renseignement sur les différentes formes de la menace, et notamment les combattants étrangers terroristes, à la connaissance de leurs déplacements et des soutiens dont ils bénéficient où qu’ils se situent et, ainsi, être en mesure d’améliorer l’efficacité de notre combat contre ces phénomènes", déclarent les ministres dans leur déclaration commune. Il s’agit à cette fin d’utiliser "pleinement les ressources d’Europol et d’Eurojust, mais aussi d’Interpol".

Les ministres ont aussi appelé à une finalisation rapide des travaux engagés sous la responsabilité de la Commission pour renforcer la détection et le contrôle des mouvements des ressortissants européens traversant les frontières extérieures de l’Union européenne. "Dans cette perspective, nous mettrons en place des contrôles approfondis sur certains passagers, sur la base de critères objectifs, concrets, dans le respect de la fluidité des passages frontaliers, des libertés fondamentales et des exigences de sécurité", précisent-ils dans leur déclaration conjointe.

"Nous estimons qu’une modification des règles du code frontières Schengen devrait rapidement être entreprise, afin de permettre de façon plus étendue, lors du passage des frontières extérieures par les personnes jouissant du droit à la libre circulation, la consultation du Système d’information Schengen", ajoutent encore les ministres dans leur déclaration.

Les ministres insistent sur l’urgence qu’il y a à avancer dans la mise en place d’un PNR européen

"Nous sommes toujours plus convaincus du besoin crucial et urgent de progresser vers l’établissement du cadre pour un Passager Name Record (PNR) européen, incluant un PNR intra-européen", indiquent encore les ministres qui se disent "disposés à progresser, à cette fin, dans une approche constructive avec le Parlement européen" au sujet de cet outil qui doit permettre l’échange de données concernant les passagers aériens entre les Etats membres.

"Nous devons bien entendu nous donner toutes les garanties en matière de protection des données personnelles", a certes précisé Bernard Cazeneuve en se disant convaincu "de l’utilité irremplaçable de cet outil, au plan européen, pour suivre ceux qui se rendent sur le théâtre des opérations terroristes pour y combattre, qui en reviennent, et lutter contre toutes les filières terroristes organisées".

Pour rappel, ce dossier est resté en suspens depuis avril 2013, date à laquelle la commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen a rejeté le projet mis sur la table par la Commission européenne en février 2011, sans qu’il soit possible ultérieurement de parvenir à un vote en plénière sur ce texte.

Entretemps, l’arrêt de la CJUE invalidant la directive européenne sur la conservation des données pourrait par ailleurs changer la donne. Sans compter que plusieurs eurodéputés mettent en balance la nécessité de trouver un accord sur la réforme de la protection des données, dossier qui continue à faire l’objet de vives discussions au Conseil. Les parlementaires se sont penchés sur la question d’un PNR européen en novembre dernier, tandis que les ministres de l’Intérieur n’ont eu de cesse de souligner l’urgence de la situation lors des Conseils JAI de juin, d’octobre et de décembre 2014.

La lutte contre la radicalisation, notamment sur Internet

Pour ce qui est d’Internet, les ministres ont affiché leur détermination à lutter contre "l’usage dévoyé que font d’internet toutes les organisations terroristes pour diffuser leurs messages de haine, de racisme, d’antisémitisme, tenter de séduire par leur propagande les esprits vulnérables, assurer le recrutement de nouveaux terroristes et leur donner les moyens de passer à l’acte", tout en assurant veiller à faire en sorte "qu’il demeure un espace de libre expression". Les ministres ont donc identifié la nécessité "d’une plus grande coopération avec les entreprises de l’internet, pour garantir le signalement et le retrait, quand il est possible, des contenus illicites, notamment des contenus faisant l’apologie du terrorisme, ou appelant à la violence ou à la haine".

Les ministres se sont aussi entendus pour "développer des messages positifs, sous forme de contre-discours facilement accessibles, destinés au public jeune", sans manquer de s’engager à soutenir les activités du réseau européen d’échange sur le phénomène de la radicalisation, dont l’objet est la prévention de la radicalisation menant au terrorisme et à l’extrémisme violent. "L’Union européenne devrait développer des actions ciblées afin d’éveiller les consciences et de promouvoir le respect des valeurs et des droits fondamentaux", soulignent encore les ministres qui estiment que cela devrait "inclure le lancement d’une stratégie de communication de l’Union européenne".