Dans une feuille de route sur le paquet Télécom, la Présidence lettone du Conseil propose l’introduction d’une "allocation d'itinérance de base" qui viendrait retarder de trois ans la disparition des frais d'itinérance.
Le 3 avril 2014, en prenant position sur le paquet Télécom qui prévoit l’élimination des redevances d'itinérance, paquet législatif mis sur la table par la Commission européenne en septembre 2013, le Parlement européen s’était prononcé en faveur de la fin du roaming à partir du 15 décembre 2015. Ce paquet législatif devait par la suite être approuvé par le Conseil de l’UE, mais le dossier est actuellement bloqué à ce stade.
La présidence lettone s’appuie notamment sur l’avis du BEREC, l’organisation des régulateurs européens dans le domaine des communications électroniques, qui estime que la suppression des frais d'itinérance à travers l'Europe "n’est actuellement pas soutenable ni possible dans la pratique", compte tenu, lit-on, des "grandes variations" dans un certain nombre de "paramètres importants" entre les États membres, y compris "les niveaux des tarifs au détail, les coûts et les modes de déplacement et de consommation".
Une "allocation d'itinérance de base" viendrait se substituer jusqu’en 2018 à la fin du roaming en décembre 2015. Il s’agirait de permettre aux usagers un roaming "à des prix locaux", ceci "jusqu'à une limite minimale". Ceci permettrait en outre "d’allouer à chaque usager à l’étranger une utilisation de base du téléphone mobile (surtout quand il voyage)" aux prix du pays où il se trouve plutôt que "de reproduire les modes de consommation des usagers chez eux" ou "d’éviter un usage anormal". Une telle allocation "devrait être définie d'une manière simple et transparente, par exemple en termes de volumes minimaux et de périodes", lit-on.
Cette nouvelle mesure laisserait suffisamment de temps au marché pour "réagir aux nouvelles circonstances", explique la présidence lettone dans sa feuille de route.
Dans ce contexte, en cas de mise en œuvre de cette proposition, l'abolition initialement prévue des frais d'itinérance serait reportée à 2018. La Commission européenne devrait en attendant vérifier le marché de gros du roaming en vue d’une abolition des frais d'itinérance, et présenter en juin 2018 au Parlement européen et au Conseil des ministres les conclusions de son rapport et, si nécessaire, faire des propositions législatives appropriées.
"C’est scandaleux", s’est offusquée le 29 janvier 2015 sur sa page Facebook l’eurodéputée (PPE) et ancienne commissaire à la société de l'information et aux médias Viviane Reding, qui s’était engagée pour l’abolition des frais d’itinérance pendant son mandat à la Commission. "Les gouvernements européens réunis en Conseil veulent retarder l'élimination des frais de roaming qui aurait dû entrer en vigueur en décembre 2015, sous la pression de qui?", s’est-elle demandé, un rien polémique. Selon elle, avec cette action, "les gouvernements européens se mettent à genoux devant le lobbying des opérateurs télécoms et bafouent les intérêts des consommateurs européens". "C’est une vache laitière qu’ils ne veulent pas abandonner !", a déclaré Viviane Reding dans une interview parue dans l’édition du 30 janvier 2015 du Tageblatt.
"Nous avons réussi à bloquer le lobbying pendant des années. Leurs tentatives de mettre les députés européens sous pression avaient échoué, et maintenant, ils ont réussi à faire changer d'avis les ministres de pas mal de pays" a poursuivi l’eurodéputée du CSV dans une autre interview publiée le 30 janvier 2015 par Le Quotidien.
Sur sa page Facebook, Viviane Reding rappelle en outre l’engagement du Parlement européen en faveur de la disparition des frais d’itinérance. "Le Parlement européen […] avait proposé d'éliminer les coûts roaming à partir du 15 décembre 2015 suivant de ce fait la politique que j'avais engagé en 2007 et qui a servi à réduire les coûts de 70 %". Selon l’eurodéputée, "le manque de courage du Conseil de l'UE mène au freinage d'une politique en faveur des citoyens qui traversent les frontières et qui ne devraient pas subir des coûts injustifiés à cause de leur mobilité".
"Pour que la réglementation de 2013 soit mise en pratique, il faut un accord entre le Parlement et le Conseil des ministres. Ce dernier nous lâche. Les perdants sont les consommateurs et les gagnants sont les opérateurs", a regretté Viviane Reding dans son interview au Quotidien.
Sur son compte Twitter, Viviane Reding a également indiqué qu’un report de la fin du roaming "serait une grande erreur". "Nous avons besoin de cohérence, d'efficacité et d’avantages tangibles pour les consommateurs de l'UE!", a-t-elle souligné.
Dans son interview au Quotidien, Viviane Reding s’est demandé "quelle est la position du gouvernement luxembourgeois dans cette affaire". "Est-il d'accord pour accorder un délai de trois ans supplémentaires aux opérateurs?", interroge Viviane Reding. Le Luxembourg serait en effet directement concerné par les dispositions en matière de roaming. "Je rappelle que nous sommes, au Luxembourg, les citoyens les plus concernés par ce problème de roaming par rapport aux Français qui quittent beaucoup moins souvent le territoire national, sauf en ce qui concerne les frontaliers", souligne l'ancienne commissaire.