La Commission européenne a présenté le 5 février 2015 sa communication sur un "Partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015", alors que cette année constitue la date butoir pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés en 2000. Ce document est censé servir de base à la position que défendra l’UE dans la poursuite des négociations internationales sur les objectifs mondiaux universels de développement durable pour l’après-2015, négociations qui devront aboutir en septembre 2015 à l’issue du Sommet des Nations Unies qui se tiendra à New-York.
La communication sur un "Partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015" énonce les principes prépondérants devant guider ce futur partenariat ainsi que les composantes clés nécessaires à leur mise en œuvre, en termes d'actions internationales et européennes, mais aussi en termes de financement. Tout en formulant des propositions sur la manière dont la communauté internationale devrait s'organiser pour atteindre les objectifs fixés en matière de développement durable, le document montre en quoi l'UE et ses États membres pourraient contribuer à l'effort international, indique la Commission. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, indique que "le fait d'éradiquer la pauvreté et de mettre le monde sur la voie du développement durable constitue non seulement un défi commun, mais aussi un objectif qu'il convient d'atteindre dans l'intérêt de tous". Il réitère également l’engagement et le rôle que devra jouer l’UE dans la mise en œuvre de ce programme.
Le sujet de l’agenda post-2015 en matière de développement avait déjà été longuement traité lors du dernier Conseil “Affaires Etrangères” en décembre 2014, où les ministres avaient examiné l'approche de l'UE pour les négociations à venir. La Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, s’était alors félicitée, à l’issue du Conseil, que "l'UE parle désormais d'une seule voix" concernant l’agenda post-2015.
L’année 2015 est une année butoir en ce qu’elle doit voir s’achever la réalisation des OMD. Ces huit objectifs concernant des grands enjeux humanitaires comme la pauvreté et la réduction de la mortalité avaient été fixés en 2000 lors du Sommet du Millénaire organisé par les Nations Unies. Ceux-ci stipulaient alors que les 189 pays participant consacrent 0,7 % de leur RNB à l’Aide publique au développement (APD). En 2012, la Conférence des Nations Unies sur le développement durable de Rio+20 avait décidé de se donner de nouveaux objectifs de développement durable pour l’après 2015, censés se placer dans la continuité des OMD mais en même temps intégrer les trois dimensions du développement durable, à savoir économique, sociale et environnementale, et, être universellement applicables.
Deux rendez-vous majeurs auront lieu cette année pour préparer l’agenda post-2015 :
Le document publié le 5 février 2015 par la Commission est censé servir de base dans les négociations en vue de ces deux événements. Il aura également d'importantes implications pour les négociations ayant trait à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui sera l’objet de la Conférence de Paris à la mi-décembre 2015.
Par ailleurs, le partenariat mondial pour l’éradication de la pauvreté et le développement durable après 2015 s’inscrit aussi dans le cadre de L’année européenne pour le développement, initiative de la Commission destinée à sensibiliser les citoyens à la contribution de l'UE dans la lutte contre la faim et pour l'éradication de la pauvreté dans le monde.
L’agenda post-2015 constituera donc l’une des priorités de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE. Romain Schneider, ministre luxembourgeois de la Coopération et de l’Action humanitaire, avait déclaré le 5 novembre 2014, lors de sa traditionnelle déclaration sur la politique de coopération au développement du gouvernement devant la Chambre des députés, que l’année 2015 serait "certainement une période très active pour la Coopération luxembourgeoise".
Avec ce programme de développement pour l'après-2015, la communauté internationale entend relever les défis auxquels le monde fait face aujourd'hui : éradiquer la pauvreté, parvenir à un développement inclusif et durable pour les générations actuelles et futures et assurer la promotion et la protection de l'ensemble des droits de l'homme et des valeurs fondamentales, gage de sociétés pacifiques et prospères, pour reprendre les termes de la Commission.
Le futur cadre devrait être universel et s'appliquer à tous, sur la base d'un partenariat entre l'ensemble des pays, la société civile et le secteur privé, indique Neven Mimica, commissaire à la Coopération internationale et au Développement. La Commission souhaite par ailleurs que tous les pays contribuent équitablement aux efforts mondiaux et rendent des comptes à leurs citoyens tout comme à la communauté internationale. Elle appelle les pays à s'engager et à prendre leurs responsabilités, quel que soit leur stade de développement, pour la mise en œuvre du programme pour l'après-2015. La Commission évoque “un engagement politique au plus haut niveau”.
La Commission demande à ce que le partenariat se fonde sur des valeurs universelles comme les droits de l'homme, la bonne gouvernance et la primauté du droit, l'appui aux institutions démocratiques, la participation de tous, la non-discrimination et l'égalité hommes-femmes. Plusieurs éléments clefs devraient, selon la Commission, constituer ce partenariat mondial : un environnement politique porteur, le développement des capacités, la mobilisation et l'utilisation efficace des finances publiques nationales et internationales, l'utilisation optimale des échanges commerciaux et des technologies, l'exploitation des effets positifs des migrations et l'utilisation efficace du secteur privé et des ressources naturelles. La Commission évoque également la nécessité de disposer d'un cadre solide pour garantir le suivi.
Conformément à l'appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies, la Commission invite l'ensemble des pays développés à atteindre l'objectif fixé par les Nations unies de 0,7 % du RNB consacré à l’aide pour le développement, un objectif pas toujours facile à réaliser pour tous. Même les pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure, et les économies émergentes devront remplir cet objectif. Pour ce faire, la Commission leur recommande d’accroître leur contribution aux financements publics internationaux et de se fixer des objectifs et des calendriers bien précis. "Mais d'autres politiques peuvent jouer leur rôle, comme la politique commerciale, les sciences et les technologies, le concours du secteur privé et la canalisation des effets positifs de la migration", a précisé Neven Mimica.
Les ONG Oxfam et Save the Children ont vivement réagi à la communication de la Commission le 5 février en se montrant clairement déçues.
Oxfam dénonce le manque d’ambition affiché pour le financement du développement durable et juge que l’Europe devrait montrer l’exemple : "il est inacceptable que la Commission européenne fasse l'impasse sur la manière dont seront financés les nouveaux objectifs de développement durable alors que l'Europe dans son ensemble n'est même pas capable de remplir son engagement actuel d'allouer 0,7% de son RNB à l'aide publique au développement", a indiqué le Bureau européen de l’organisation. Pour mémoire, en 2014, l’UE consacrait seulement 0,43 % du RNB à l’aide publique au développement, soit 56,5 milliards d’euros. L’ONG appelle également l’UE à inciter le secteur privé à contribuer financièrement à la lutte contre la pauvreté et à agir contre l’évasion fiscale des grandes entreprises qui coûte chaque année aux pays en développement quelque 100 milliards de dollars.
Quant à Save the Children, elle reproche à la Commission d'avoir omis de cibler les inégalités au sein des différents pays en ce qui concerne la prévention de la mortalité infantile. Selon un nouveau rapport publié par l’ONG le 5 février, les enfants structurellement les plus désavantagés seraient laissés sur la touche dans plus des trois quart des pays développés.