Alors que les ministres des Finances de la zone euro se sont entendus sur le principe d’un prolongement du programme d’aide international à la Grèce à l’occasion d’un Eurogroupe extraordinaire le 20 février 2015, Jean-Claude Juncker s’est exprimé sur la situation financière de la Grèce dans une interview publiée sur le site Internet de l’hebdomadaire économique allemand "Wirtschaftswoche" le 23 février 2015.
"Quand un Premier ministre insulte les Allemands à deux reprises en une semaine, je ne tiens pas cela pour une forme très aboutie d'art de gouverner, au contraire cela conduit à un regain des ressentiments", a confié Jean-Claude Juncker à la journaliste Silke Wettach. "Le personnel politique allemand ne l'a jamais fait dans l'autre sens", a-t-il ajouté. "Il y a trop de formules erronées qui circulent à Athènes. Mais cela va changer avec le temps", a-t-il présagé.
Pour mémoire, l’Allemagne et la Grèce se sont affrontées ces deux dernières semaines sur fond de volonté du nouveau gouvernement grec de redéfinir les contours du plan d'aide consenti par ses partenaires, l'Allemagne insistant pour sa part sur le respect des engagements pris. Finalement, un accord a été trouvé le 20 février 2015 entre la Grèce et les pays de la zone euro sur un prolongement de quatre mois de l'aide internationale à Athènes, en échange d'une feuille de route de réformes. Cette liste a été reçue par la Commission "dans les temps", ainsi que l’a confirmé le porte-parole de la Commission Margaritis Schinas le 24 février 2015 au matin. Un peu plus tard, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, indiquait devant les eurodéputés de la commission ECON que cette liste était en cours d’analyse en vue d’une conférence téléphonique des ministres des Finances de la zone euro prévue à 13 heures.
Jean-Claude Juncker a par ailleurs fait part de son scepticisme quant à l'annonce faite par le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, de relever le salaire minimum grec à 750 euros par mois. Selon le Président de la Commission, "la zone euro n’est pas composée d’une seule démocratie, mais il y en a aussi 18 autres qui doivent être prises en considération". "Si la Grèce augmente le salaire minimum il y aura six pays en Europe qui auront un salaire minimum inférieur", entre autres la Slovaquie et l'Espagne, mais qui devront continuer à soutenir Athènes financièrement, a-t-il fait valoir. A ses yeux, "il est extrêmement difficile d'obtenir de l'Espagne, de l'Irlande et du Portugal des avantages qu'eux-mêmes ne reçoivent pas". Jean-Claude Juncker souligne le fait que "ces pays ont traversé une vallée de larmes", si bien que leur population ne peut comprendre que "maintenant, la Grèce soit traitée différemment".
Le Président de la Commission européenne a également indiqué qu'il voyait "la Grèce rester durablement dans la ‘famille euro’". "Il n'y aura pas de sortie de la Grèce de l'euro", a-t-il assuré.
Par ailleurs, "le risque de contagion" lié à la sortie d’un Etat de la zone euro est selon lui "moins grand qu’auparavant, mais il existe encore un risque de contagion politique systémique". "Si un pays sortait, cela aurait un effet de décomposition au sein de la zone euro", indique le président de la Commission. Des spéculateurs de toute provenance s’attaqueraient à un pays "dont ils pensent qu'ils gagneraient de l'argent s’ils provoquaient a sortie [de la zone euro]", estime Jean-Claude Juncker.
En cas de sortie d’un pays de la zone euro, Jean-Claude Juncker rappelle aussi que cela impliquerait une sortie de l’UE. Ce pays "pourrait ensuite formuler une nouvelle demande d’adhésion", imagine le président de la Commission qui refuse d’aller plus loin dans ce genre de spéculations.
Quant au fait que les gens en Grèce pensent qu'ils n’ont rien à voir avec la cause des problèmes de leur pays, Jean-Claude Juncker relève que "ce ne sont pas les Allemands ou les Néerlandais, qui, pendant plus de 40 ans, ont voté pour le PASOK et Nea Dimokratia". "Les citoyens grecs ont une responsabilité à laquelle ils ne peuvent échapper", a souligné dans ce contexte Jean-Claude Juncker. Le président de la Commission exprime toutefois la gêne qu’il éprouve lorsqu’il a le sentiment que les gouvernements et les institutions discutent en perdant de vue les vrais soucis des personnes concernées. "Beaucoup de dirigeants oublient pour qui ils font de la politique", glisse-t-il en effet.