"L'UE n'a jamais pris d'engagement concernant les services de santé financés par l'État ou la portabilité de l'assurance-maladie dans l'un des accords de libre-échange qu'elle négocie et elle n'a pas l'intention de le faire à l'avenir, que ce soit dans le cadre du TiSA, du TTIP, ou dans tout autre accord commercial".
Cette précision apportée par la Commission européenne le 5 février 2014 par voie de communiqué a fait suite à la publication, la veille, d’un document fuité par l’ONG Associated Whistle-Blowing Press relatif à l’inclusion des services de santé dans les négociations de l’Accord sur le commerce des services (ACS ou TiSA, pour "Trade in Services Agreement" en anglais) actuellement discuté par 23 membres de l'OMC, dont l’UE.
Intitulé "Un document de réflexion sur les services de santé dans les négociations TiSA", le texte attribué au gouvernement turc et discuté lors du tour de négociations de septembre 2014 à Genève suggère d’intégrer une annexe sur ces services dans le futur accord afin de faciliter l’accès des patients aux services de santé étrangers et le remboursement de ces soins. Il fait notamment référence à un "énorme potentiel inexploité pour la mondialisation des soins de santé", particulièrement parce que "les services de santé sont financés et fournis par les États ou les organismes d’aide sociale, et ne sont virtuellement d’aucun intérêt pour les investisseurs étrangers en raison du manque d’espace accordé aux activités commerciales" dans le secteur, rapporte l’ONG Public Services International (PSI) dans un communiqué diffusé le 4 février.
En réaction, la Commission européenne, qui s’est dite "consciente" d'une "fuite présumée" d'un document relatif aux services de santé dans le contexte des négociations TiSA, a tenu à souligner que "le fait que d'autres pays participants fassent des soumissions sur des questions spécifiques ne signifie pas que celles-ci prêtent automatiquement à discussion ou à un examen par l'UE", lit-on dans son communiqué. La Commission rappelle d’ailleurs que, dans les accords commerciaux, "l'UE souligne toujours son engagement à protéger les services publics à tous les niveaux de gouvernement, y compris au niveau local".
Concrètement, "toute décision de déréglementer, de privatiser de tels services dépend entièrement des gouvernements nationaux et des autorités locales", appuie encore la Commission selon laquelle "les accords commerciaux, dont le TiSA, ne changeront pas cela". "Le TiSA n'exigera pas des gouvernements de l'UE ou des services de santé publique de soumettre quoi que ce soit à un contrat privé", poursuit-elle. "Je tiens à souligner en termes non équivoques qu'en aucun cas, je ne proposerai un accord commercial qui contiendrait des dispositions sur l'assurance-maladie", a pour sa part commenté la commissaire européenne en charge du Commerce, Cecilia Malmström, citée dans le communiqué de la Commission. "Je ne vais pas compromettre le niveau élevé de qualité de nos services de santé publique dans un accord commercial", a-t-elle insisté.
Le groupe des Verts/ALE au Parlement européen s’est de son côté inquiété que le document fuité indique "clairement que les services de santé pourraient entrer dans le champ de l'accord, en dépit des assurances contraires données par la Commission européenne", lit-on dans un communiqué diffusé le 4 février 2015. "Malgré les assurances de la Commission européenne sur le fait que la santé et d'autres services publics ne seraient pas inclus dans le champ d'application de l'accord, nous avons maintenant la preuve du contraire", a commenté l’eurodéputée allemande et porte-parole du groupe pour les questions commerciales, Ska Keller. Selon la parlementaire écologiste, citée dans le communiqué des Verts/ALE, il s’agit "maintenant de faire preuve de vigilance pour assurer que le TiSA ne soit pas utilisé pour faire passer en force, par la porte dérobée, la libéralisation des services publics vitaux" qui composent "une part essentielle d'une société" et ne peuvent "être bradés à travers un accord international".
Selon les Verts/ALE, la proposition de la Turquie, qui concerne le remboursement des coûts des services de santé à l'étranger en vertu de TiSA, soulève par ailleurs "d'importantes préoccupations concernant les implications d'une telle disposition sur la capacité des systèmes de santé nationaux à maintenir les services essentiels", poursuit le texte.
"Ouvrir la porte au tourisme des soins de santé uniquement pour des raisons de coût, comme le propose ce document, risque de compromettre la fourniture de services de santé de base dans tous les pays", estime encore Ska Keller. Selon la députée, cela créerait une concurrence sur les coûts dans le secteur de la santé, alors que l'objectif devrait être d’assurer à tous la fourniture de services de santé à prix abordable. "Cela risquerait de créer une course vers le bas et de compromettre la fourniture de services de base dans les pays. Traiter les services de santé comme tout autre bien ou service commercial est incompatible avec le principe de service universel", conclut-elle.