Dans une conférence de presse du 4 mars 2015, Federica Mogherini, Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/vice-présidente de la Commission, et Johannes Hahn, commissaire chargé de la politique européenne de voisinage et des négociations d'élargissement, ont annoncé le lancement d’une consultation sur l'avenir de la politique européenne de voisinage (PEV). La PEV a été conçue en 2003 et révisée en 2011 dans l'optique de permettre à l'UE de développer des relations plus étroites avec les pays voisins.
Un document de consultation conjoint a été adopté par la Commission européenne et la Haute représentante, qui expose quelques constatations préliminaires relatives aux enseignements tirés de la mise en œuvre de la PEV, ainsi qu'une série de questions essentielles à examiner avec les partenaires et les acteurs concernés.
Le dernier réexamen de la PEV remonte en effet à 2011. Dans ce contexte, la Commission indique dans un communiqué de presse datant du 4 mars qu’il est essentiel de procéder à un réexamen approfondi des principes sur lesquels repose cette politique, ainsi que de sa portée et de la manière dont ses instruments sont utilisés, compte tenu des changements importants qu'ont connus les pays du voisinage depuis lors. Elle rappelle également que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait aussi annoncé que la PEV ferait l’objet d’un réexamen au cours de la première année du mandat de la nouvelle Commission.
Concrètement, l’objectif est de mener des consultations "aussi larges que possible", tant auprès des partenaires dans les pays voisins qu'auprès des parties concernées dans l’ensemble de l’UE, et ce jusqu'à la fin du mois de juin. Après cette consultation, une communication contenant des propositions relatives à l'orientation future de la PEV sera présentée à l’automne 2015.
"Il est dans l'intérêt vital de l'UE d'établir de puissants partenariats avec ses voisins", a déclaré Federica Mogherini lors de la conférence de presse. "L'évolution récente de la situation régionale a eu pour effet d'amplifier les défis qui se posent à nous tous, qu'il s'agisse de pressions économiques, de migrations clandestines ou de menaces pour notre sécurité", a-t-elle encore dit. Pour être à même de résoudre ces problèmes, l’UE aurait besoin d’une politique "forte". "Nous avons également besoin de mieux comprendre les différents intérêts, aspirations et valeurs de nos partenaires", a-t-elle poursuivi. "C'est l'objectif qui doit être assigné à ce réexamen si nous entendons nouer de solides relations politiques avec nos voisins», a déclaré la Haute représentante.
«L'UE a tout intérêt à favoriser la paix, la stabilité et la prospérité à ses frontières", a quant à lui souligné le commissaire Johannes Hahn. Le réexamen aidera selon lui l’UE à travailler plus efficacement en vue d'atteindre ces objectifs. "Je veux un partenariat qui soit davantage d'égal à égal, un partenariat qui porte ses fruits», a ajouté Johannes Hahn.
Quatre priorités sont à l'ordre du jour de cette consultation: différenciation, orientation, flexibilité et appropriation-visibilité.
Pour ce qui est de la "différenciation", Johannes Hahn indique qu’il s’agit d’être en mesure de mieux différencier les partenaires. "Les pays du Sud ne sont pas les mêmes que ceux de l’Est", a-t-il souligné. "Certains souhaitent coopérer plus, d’autres moins", a-t-il encore indiqué.
Quant à l’ "orientation", l’objectif consiste à mieux cibler les secteurs de coopération avec les partenaires. "Nous ne devons par recouvrir tous les secteurs avec tous les partenaires", a ainsi indiqué Johannes Hahn. "La coopération avec les partenaires de la PEV, telle qu’elle est définie dans les plans d’action, est actuellement très vaste", a souligné la Commission dans son document de consultation. L’expérience montre selon elle que la PEV sera plus efficace lorsque la liste des priorités sera véritablement commune à l’UE et à son partenaire. "Dans le cadre du réexamen de la politique, il y a lieu de clarifier quels sont les intérêts de l’UE et de chaque partenaire, et quels sont les domaines dans lesquels l’intérêt commun est le plus marqué", a révélé la Commission. Cela contribuera selon elle à renforcer le partenariat entre l’UE et les pays voisins à l’avenir. Dans ce contexte, cinq domaines dans lesquels les deux parties ont des intérêts en commun ont d'ores et déjà été recensés. Il s'agit du commerce et du développement économique, de la connectivité, de la sécurité, de la gouvernance et du tandem migration-mobilité.
En ce qui concerne la "flexibilité", Johannes Hahn indique qu’il s’agit de rendre les instruments de la PEV plus flexibles et d’être en mesure "de faire face aux difficultés lorsque celles-ci se présentent".
Enfin, pour ce qui est de la priorité "appropriation-visibilité", la Commission indique dans son document de consultation que l’une des critiques récurrentes formulées à l’égard de la PEV a trait au manque d’appropriation de celle-ci par les partenaires et leurs sociétés dans leur ensemble, et au fait que le grand public connaît peu les objectifs et les incidences de la politique. Ainsi, selon la Commission, des efforts considérables doivent être accomplis dans le cadre du réexamen de la PEV afin d’améliorer à la fois l’appropriation de cette politique par les pays partenaires et la communication sur ses objectifs et ses résultats, tant au sein de l’UE que dans les pays partenaires.
En réponse à une question d’un journaliste sur les implications du nouveau PEV sur les relations de l’UE avec la Russie, Federica Mogherini a indiqué que "le PEV n’a pas pour objectif d’être dans la confrontation avec quiconque". L’UE miserait exclusivement sur la coopération avec le sud et l’est, si bien que la politique de voisinage ne pourrait être perçue comme étant conflictuelle. "Les portes d’une coopération avec l’UE sont toujours ouvertes, y compris pour la Russie", a-t-elle souligné. La coopération avec "les voisins des voisins" ne serait pas exclue, ni conflictuelle. La Russie devrait néanmoins respecter le droit international, chose qu’elle n’a pas faite selon elle en annexant la Crimée. En attendant, l’UE devrait se focaliser sur la recherche de nouveaux instruments pour soutenir l’implémentation des accords de Minsk.
Quant au problème des migrants en Mer Méditerranée, Federica Mogherini a souligné que la "vraie réponse consiste à résoudre la crise libyenne et celle en Syrie, à donner une réponse à la pauvreté et aux inégalités dans le monde, et à trouver un mode de mettre en place des autorités en Lybie qui aient le contrôle de leur territoire, sur terre et en mer, et de leurs frontières".
La PEV a été conçue en 2003 dans l'optique de permettre à l'UE de développer des relations plus étroites avec les pays voisins. Elle englobe, au sud: l'Algérie, l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Palestine, la Syrie et la Tunisie; et à l'est: l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine.
L'objectif de la PEV, telle que révisée en 2011 au lendemain des événements qui ont secoué le monde arabe, est de soutenir les partenaires qui engagent des réformes en faveur de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de l'homme, de contribuer à leur développement économique inclusif et de promouvoir un partenariat avec les sociétés parallèlement aux relations avec les gouvernements. La PEV renouvelée vise à renforcer la coopération dans les sphères politique et sécuritaire, à soutenir le développement économique et social, ainsi que la création de croissance et d'emplois, à encourager les échanges commerciaux et à améliorer la coopération dans d'autres secteurs.
Doté d'un budget de 15,4 milliards d'euros pour la période 2014-2020, le nouvel instrument européen de voisinage (IEV) fournit l'essentiel du financement en faveur des 16 pays partenaires relevant de la PEV. L'approche incitative retenue offre une certaine souplesse en modulant l'assistance financière en fonction des progrès accomplis par chaque pays sur la voie de la démocratie et du respect des droits de l'homme.