Les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis à Bruxelles, le 16 mars 2015, lors d’un Conseil Affaires étrangères (CAE) à l’ordre du jour chargé. A cette occasion, le Conseil a tenu un débat sur les relations de l'UE avec l'Afrique et il adopté une série de conclusions relatives notamment à la situation en Libye ainsi qu’à la stratégie régionale de l’Union européenne (UE) en Iraq, en Syrie et face à la menace du groupe terroriste "Etat islamique".
Les ministres ont par ailleurs marqué leur accord pour l’entrée en vigueur de l’accord d’association et de stabilisation avec la Bosnie-Herzégovine. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, y représentait le Grand-Duché.
Lors de sa rencontre du 16 mars, le Conseil a fait le point des progrès réalisés dans le dialogue politique entre les parties libyennes mené sous l’égide de l'ONU à Rabat, au Maroc et il a appelé toutes les parties libyennes à y participer de manière constructive pour assurer la formation rapide d'un gouvernement d'unité nationale, lit-on dans les conclusions des ministres.
"La Libye se trouve aujourd'hui à un tournant. C'est pourquoi l'UE exhorte toutes les parties à assumer la responsabilité qui leur incombe de participer de manière constructive au dialogue, de mettre pleinement en œuvre un cessez-le-feu et de s'abstenir de tout acte qui risquerait de faire échouer le processus de dialogue", indiquent ainsi les conclusions du Conseil. "Le vide politique et sécuritaire, les divisions politiques actuelles ainsi que la méfiance réciproque entre les principaux acteurs politiques contribuent à ce que des groupes terroristes tels que Daech [l’acronyme arabe du groupe terroriste "Etat islamique"] renforcent leur présence en Libye, compromettant ainsi la sécurité dans le pays et exposant à de graves menaces ses voisins, la région tout entière et l'Europe", notent encore les ministres.
L’UE se tient pour sa part "prête à renforcer son soutien" à la Libye "dès qu'un accord sur un gouvernement d'union nationale sera intervenu et que les arrangements correspondants en matière de sécurité auront été mis en place", souligne le Conseil. Dans ce contexte, les ministres ont invité la Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini à faire "dès que possible des propositions sur les activités de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) possibles pour appuyer des mesures de sécurité, en étroite coordination avec l’ONU, la Libye, les principaux partenaires et les acteurs régionaux". Ces propositions seront faites "dans le contexte d'un ensemble plus large d'options stratégiques venant s'inscrire dans un cadre politique actualisé pour la gestion des crises, devant être élaboré par la Haute représentante et la Commission", précise encore le Conseil.
Selon l’AFP, plusieurs types de missions seraient à l’étude dans ce cadre, à savoir une mission d’observation du cessez-le-feu, une opération navale ou une mission de protection des infrastructures sensibles. Lors de conférence de presse finale organisée à l’issue du Conseil, Federica Mogherini a précisé qu'elle ferait des propositions plus détaillées "au plus tard au prochain Conseil des Affaires étrangères", soit le 20 avril 2015.
Dans leurs conclusions, les ministres réitèrent par ailleurs "qu'il n'existe pas de solution militaire à ce conflit" mais que "seule une solution politique peut permettre d'aller durablement de l'avant".
La veille, en vue du Conseil européen qu’il présidera les 19 et 20 mars et où la situation en Libye sera à l’ordre du jour, Donald Tusk avait pourtant indiqué ne pas exclure une opération militaire dans une interview à cinq quotidiens européens. "Le plus simple c'est toujours d'engager des moyens militaires dans une opération de maintien de la paix ", a dit le président du Conseil européen, précisant cependant que l’expérience de la première intervention en Libye il y a quatre ans l’avait "convaincu qu'il nous faut cette fois un plan à long terme, au-delà d'une simple intervention militaire".
Dans leurs conclusions, les ministres européens réaffirment par ailleurs leur plein soutien à l'action des Nations unies, et salue en particulier les efforts déployés par le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Bernardino León. Ils demandent encore, "à ce stade critique du processus de dialogue", à l'ensemble des acteurs régionaux et des voisins de la Libye "d'exercer leur influence sur tous les acteurs nationaux de la Libye afin de faire aboutir les négociations […] et d'éviter toute action susceptible d'exacerber les divisions actuelles".
Lors du débat, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn avait d’ailleurs appelé l’UE à "engager les acteurs régionaux dont notamment la Ligue arabe et les pays avoisinants", puisque "la recherche du dialogue et la cessation des violences sont la seule voie à suivre", rapporte un communiqué diffusé par son Ministère à l’issue du CAE.
Le 16 mars, le CAE s’est par ailleurs penché sur les relations entre l’UE et l’Afrique au sujet desquelles les ministres européens ont tenu un débat approfondi en se concentrant plus particulièrement sur les volets de la paix, de la prospérité et du partenariat.
"L'UE a deux grandes priorités en Afrique: promouvoir la paix et la sécurité par la prévention des conflits et du terrorisme et accélérer la croissance et le développement durable", lit-on dans la note d’information publiée par le Conseil en amont de sa réunion qui précise encore que "le partenariat avec l'Afrique est essentiel pour atteindre ces objectifs".
Si le débat des ministres n’avait pas un caractère public, la Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, qui préside le CAE, l’a résumé à l’issue de la rencontre. Ainsi, les ministres ont-ils entre autres discuté "de la nécessité d’évoluer d'une relation de donateurs à bénéficiaire vers un partenariat politique complet avec l'Afrique", a-t-elle indiqué lors de la conférence de presse finale du CAE. Elle a par ailleurs assuré que les ministres comprenaient "parfaitement que la stabilité de l'Afrique conditionnait la stabilité en Europe" et que l’UE et l’Afrique partageaient "des intérêts communs, non seulement de manière bilatérale, mais aussi au niveau mondial".
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a de son côté indiqué avoir insisté, lors du débat, sur le fait que la paix, la prospérité et le partenariat n’étaient atteignables "que si l’État de droit et les droits de l’homme sont garantis", rapporte le communiqué diffusé par son Ministère à l’issue du CAE. Et le ministre luxembourgeois de souligner en conséquence que l’UE devrait "résolument se placer du côté des réformateurs et démocrates africains qui attendent notre appui pour effectuer un changement durable et positif au sein de leurs sociétés".
Le ministre luxembourgeois a par ailleurs indiqué lors de son briefing national en marge du Conseil qu’il était d’avis que le sommet sur l’après-2015 en septembre à New-York devait être l’occasion de donner aux Africains "la possibilité de rester dans leur Etat". "Les meilleurs sortent parfois de l’Afrique, et cela n’est pas à son avantage", a-t-il dit, notant que l’Europe devait investir beaucoup plus en Afrique pour que l’Etat de droit et les conditions de vie y soient assurées.
Au-delà de cette discussion approfondie, les ministres européens ont adopté une série de conclusions relatives notamment au Burundi, au Mali, au golfe de Guinée ainsi qu’à l’épidémie du virus Ebola qui frappe plusieurs pays africains.
Toujours lors de sa rencontre du 16 mars, le Conseil a encore approuvé la communication conjointe de la Commission et de la Haute représentante sur la Stratégie régionale de l'UE pour la Syrie et l'Iraq, ainsi que pour la menace que constitue l'EIIL/Daech (le groupe terroriste "Etat islamique") présentée le 6 février 2015 et il a adopté une série de conclusions y relatives. Pour mémoire, cette stratégie avait été demandée par les ministres européens lors du CAE d'octobre 2014.
La stratégie adoptée par les ministres décrit la manière dont l'UE et ses États membres ont l'intention de contrer la menace posée par le groupe terroriste "Etat islamique" et d’aider à rétablir la paix et la sécurité en Syrie et en Irak. "L'UE vise à un effort global pour répondre aux dynamiques sous-jacentes des conflits, à travers la diplomatie et le soutien aux réformes politiques, le développement économique et la réconciliation entre les différents groupes ethniques", lit-on dans la note d’information publiée en amont du Conseil.
Parmi les actions prévues par cette stratégies se trouvent notamment une intensification de la diplomatie avec les acteurs régionaux, le soutien à une sécurité accrue des frontières et le renforcement de la résilience du Liban et d'autres voisins contre les retombées de la crise, entre autres par le biais de la réforme du secteur de la sécurité. Pour les années 2015 et 2016, la Commission a alloué 1 milliard d’euros pour sa mise en œuvre.
Dans leurs conclusions, les ministres soulignent notamment que l'UE demeure déterminée à instaurer une paix, une stabilité et une sécurité durables en Syrie, en Iraq et dans l'ensemble de la région, ainsi qu'à lutter contre la menace que représente l'EIIL/Daech. "Il est essentiel que s'amorce en Syrie un processus de transition politique sans exclusive et que se mette en place en Iraq une gouvernance politique ouverte à toutes les parties pour que la région parvienne à une paix et à une stabilité durables", indiquent-ils. Dans ce contexte, l'UE continuera de soutenir l'envoyé spécial de l’ONU, Staffan de Mistura, dans sa mission, ainsi que le gouvernement iraquien dans les efforts qu'il déploie pour atteindre ces objectifs, disent les ministres.
Par ailleurs, le Conseil tout en condamnant "sans réserve les attaques, atrocités, tueries et violations des droits de l'homme qui sont perpétrées aveuglément par l'EIIL/Daech et d'autres groupes terroristes", souligne que la lutte contre l'EIIL/Daech et d'autres groupes terroristes "doit être menée parallèlement à la recherche de solutions politiques durables".
Le Conseil a par ailleurs marqué son accord sur l'entrée en vigueur de l'accord de stabilisation et d'association avec la Bosnie-Herzégovine comme il l’avait annoncé lors du CAE de décembre 2014. Le Conseil se félicite en effet dans ses conclusions de l’engagement écrit "irrévocable" d'entreprendre des réformes en vue d’adhérer à l’UE pris par la présidence de Bosnie-Herzégovine, signé par les dirigeants politiques du pays et approuvé par le Parlement de Bosnie-Herzégovine, engagement qui conditionnait la décision prise par les ministres européens.
Dans ce contexte, le Conseil invite les autorités du pays "à respecter pleinement leurs engagements et obligations, y compris celles relatives à l'adaptation de l’accord à venir et de rester engagés avec l'UE en vertu de la nouvelle approche et de maintenir la dynamique positive en développant un premier programme de réformes, en consultation avec l'UE". Et de préciser encore que "des progrès significatifs sur la mise en œuvre de l'agenda des réformes, y compris le "Pacte pour la croissance et l'emploi", seront nécessaires pour qu’une demande d'adhésion soit considérée par l'Union européenne".