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Politique étrangère et de défense
Conseil Affaires étrangères – Les ministres adoptent une liste élargie de personnes et entités sanctionnées dans le contexte du conflit en Ukraine mais en repoussent l’application au 16 février pour laisser une chance aux efforts diplomatiques
09-02-2015


Jean Asselborn avec la haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini lors du CAE du 9 février 2015 (source: MAEE)La nouvelle dégradation de la situation en Ukraine s’est invitée à l’agenda des ministres européens réunis en Conseil Affaires étrangères (CAE), le 9 février 2015 à Bruxelles, alors que les efforts diplomatiques se sont intensifiés ces derniers jours dans une énième tentative pour faire appliquer les accords de Minsk entre les rebelles séparatistes et le gouvernement ukrainien. Dans ce contexte, le CAE a adopté une liste mise à jour des personnes et entités sanctionnées en lien avec la situation dans l'est de l'Ukraine, tout en repoussant l’entrée en vigueur de ces mesures au 16 février 2015 pour laisser une chance aux initiatives de paix en cours.

Les ministres européens des Affaires étrangères ont par ailleurs poursuivi leur la réflexion sur la manière dont l'action extérieure de l'UE peut contribuer à la lutte contre le terrorisme, en vue de préparer la réunion informelle des chefs d'État ou de gouvernement de l'UE du 12 février, qui sera consacrée à cette question. Le Conseil a également adopté des conclusions relatives, entre autres, à la situation en Libye, en République centrafricaine (RCA) ainsi que sur la menace que représentante le groupe terroriste Boko Haram en Afrique de l’Ouest. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, y représentait le Grand-Duché.

Ukraine : le Conseil adopte une liste élargie de personnes et entités sanctionnées mais repousse l’entrée en vigueur de ces mesures restrictives au 16 février

Alors que l’Ukraine n’était pas officiellement à l’ordre du jour du CAE du 9 février 2015 – qui devait adopter sans débats une liste mise à jour des personnes et entités sanctionnées conformément aux demandes du CAE extraordinaire du 29 janvier consacré à l’Ukraine après les attaques à Marioupol et dans la région du Donbass –, le sujet s’est invité à l’agenda des ministres européens en raison de l’intensification des combats dans l’est de l’Ukraine et des récents efforts diplomatiques dans ce contexte.

Sous l’impulsion du président de la République française, François Hollande, et de la chancelière allemande, Angela Merkel, qui se sont rendus à Kiev puis à Moscou les 5 et 6 février 2015 pour y rencontrer leurs homologues ukrainien, Petro Porochenko, et russe, Vladimir Poutine, un nouveau sommet devrait en effet être organisé à Minsk (Biélorussie) le 11 février 2015. Ce sommet réunira les quatre dirigeants en vue de la conclusion d’un accord sur la mise en œuvre des accords de Minsk, signés le 5 septembre 2014 entre représentants des séparatistes et du gouvernement ukrainien, et qui n’ont été que très peu respectés. Pour mémoire, ceux-ci prévoyaient notamment un cessez-le-feu – constamment violé –, le retrait des groupes armés illégaux et de l’équipement militaire ainsi que la sécurisation de la frontière russo-ukrainienne.

Lors de sa réunion du 9 février, le Conseil a donc adopté, "à l'unanimité", la nouvelle liste de personnes et d’entités ayant menacé ou porté atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, tout en repoussant leur entrée en vigueur, qui sera conditionnée aux derniers développements politiques, au 16 février 2015. Il s’agit "de laisser la place aux efforts diplomatiques en cours", a expliqué la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, lors de la conférence de presse tenue à l’issue de la réunion. "Nous sommes unis dans la conviction que le règlement de la crise ne peut être que politique et les ministres ont donc appuyé les efforts entrepris en vue d'une nouvelle réunion [le 11 février] pour arriver enfin à une application intégrale des accords de Minsk", a-t-elle ajouté, soulignant qu’"il [était] de notre devoir de donner une chance à cette tentative".

Sont ainsi visées par un gel des avoirs et une interdiction de visas dans l’UE 19 nouvelles personnes et 9 entités de plus parmi "les séparatistes de l’est de l’Ukraine et leurs soutiens en Russie", lit-on dans les conclusions du Conseil. Parmi celles-ci, se trouvent 5 personnalités et une entité russes, précise le Bulletin quotidien de l’Agence Europe daté du 9 février. En cas de mise en application via leur publication au Journal officiel de l’UE le 16 février, cela porterait à 151 le nombre de personnes et à 37 le nombre d’entités concernées.

Interrogé par la radio luxembourgeoise 100,7 en marge du Conseil, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a estimé que la non-publication des sanctions le 16 février relèverait d’un "scénario terriblement optimiste" quant à l’issue des nouvelles discussions de Minsk. Selon le ministre, il s’agirait notamment que le cessez-le-feu soit garanti par la Russie et respecté par l’Ukraine, que la Russie s’engage au contrôle des frontières et empêche tout passage d’armes ou d’hommes vers l’Ukraine et que le territoire de l’est du pays ainsi que les milices qui y opèrent soient remises sous le contrôle de l’Etat ukrainien.

Sur la question d’une potentielle livraison d’armes au gouvernement ukrainien, qui est notamment évoquée du côté des USA et parmi certains Etats membres comme la Lituanie, le ministre Asselborn a souligné au micro de la radio 100,7 qu’elle n’avait pas été à l’ordre du jour du CAE, "et c’est bien comme ça", a-t-il dit, alors qu’il s’était déjà prononcé quelques jours plus tôt contre une telle option.

"Je pense que ce serait un des plus beaux cadeaux à faire à ceux qui veulent continuer de mettre en question la souveraineté de l’Ukraine", a-t-il ainsi estimé. Selon le ministre, cité dans l’édition du 10 février du quotidien luxembourgeois Tageblatt, les clivages internes dans l’UE et l’affaiblissement de la relation transatlantique sont  d’ailleurs "tout ce que ces gens attendent". "La meilleure arme de Poutine contre l'Ukraine serait la désunion dans l'Ouest", a encore confié Jean Asselborn au quotidien grand-ducal Luxemburger Wort qui le cite dans son édition du 10 février. "Nous devons l’éviter à tout prix", a-t-il considéré.

Le Conseil demande le renforcement de l'échange d'informations et de la coopération avec les pays tiers en matière de lutte contre le terrorisme

Dans le contexte des conséquences des attentats de Paris de janvier 2015 et suite aux discussions menées sur le sujet au CAE du 19 janvier 2015, le Conseil a par ailleurs adopté des conclusions relatives à la lutte contre le terrorisme. Destinées à préparer le débat lors du sommet informel des chefs d’Etat et de gouvernement du 12 février, elles détaillent certaines orientations et pistes d’action en la matière et appellent notamment à renforcer l'échange d'informations et la coopération avec les pays tiers.

"Le Conseil a décidé de renforcer, en urgence, son action extérieure pour lutter contre le terrorisme, en particulier en Méditerranée, au Moyen-Orient, y compris au Yémen, et en Afrique du Nord, en particulier en Libye, et au Sahel", lit-on ainsi dans les conclusions du Conseil. "La coopération avec les partenaires clés sera renforcée, de nouveaux projets pour soutenir le renforcement des capacités seront lancés et les actions pour lutter contre la radicalisation et l'extrémisme violent seront intensifiées", est-il par ailleurs précisé sur la page dédiée au CAE du 9 février sur le site du Conseil.

Dans leurs conclusions, les ministres européens des Affaires étrangères insistent particulièrement sur la tenue de dialogues ciblés sur la sécurité et le contre-terrorisme avec l'Algérie, l'Égypte, l'Irak, la Jordanie, le Maroc, le Liban, l'Arabie saoudite, la Tunisie ou encore avec la Turquie, pays avec lequel la collaboration doit aussi être renforcée. Le dialogue doit aussi être maintenu avec la Ligue arabe, l'Union africaine ou toutes les autres organisations régionales pertinentes, comme le G5 Sahel, dit le Conseil. Par ailleurs, des experts en sécurité devraient être affectés dans les délégations clefs de l'UE pour renforcer les liens avec les autorités locales dans la lutte contre le terrorisme.

Les conclusions recommandent encore le lancement de nouveaux projets pour aider les pays de ces régions intéressés à consolider leurs services de police et de renseignement notamment. Cela via des projets dans les domaines de l'application de la loi, de la justice pénale, des réformes dans le secteur de la sécurité, de la surveillance des frontières, des communications stratégiques, ou de la prévention de la radicalisation entre autres.

L'UE étudiera aussi les moyens de renforcer les liens entre les agences européennes et leurs homologues dans les pays tiers en élaborant "des cadres d'échange d'informations" afin notamment de "renforcer l'application de la loi et la coopération judiciaire". En outre, la prévention de la radicalisation et de la violence extrémiste passera par une "amélioration de la communication stratégique et l’élaboration d'une stratégie de sensibilisation pour le monde arabe, y compris le développement de contre-récits à la propagande terroriste", disent les ministres.

L’UE soutient le processus de dialogue engagé en Libye

Saluant la tenue d'un processus de dialogue libyen facilité par les Nations unies, processus "qui doit être le plus inclusif possible", les ministres européens des Affaires étrangères réitéré leur "plein soutien" à ce processus dans leurs conclusions. "L'UE est disposée à contribuer aux mesures de confiance, comme convenu lors des pourparlers de Genève, et étudie avec la mission de soutien de l'ONU en Libye comment aider l'ONU dans les différentes pistes de dialogue envisagées pour le processus", ont ainsi souligné les ministres qui ont appelé ceux qui ne l'ont pas encore fait à participer aux discussions.

Affirmant qu'il n'y a pas de "solution militaire" au conflit en Libye, le Conseil assure que "seule une solution politique peut fournir une voie à suivre soutenable et contribuer à la paix et la stabilité". "Il est essentiel à ce stade d'avoir un cessez-le-feu inconditionnel qui soit respecté et appliqué par toutes les parties", ont ajouté les ministres, alors que dans ses conclusions, le Conseil souligne sa "profonde préoccupation devant la poursuite des violences" et "déplore les pertes de vies humaines causées par les divisions et les conflits politiques en cours sur le terrain".

Les ministres ont ainsi appelé toutes les parties à assurer la protection des civils et la facilitation de l'assistance aux personnes dans le besoin, en assurant un accès humanitaire "sûr, sans entrave et en temps opportun" et la sécurité des travailleurs humanitaires. Pour l'UE, qui condamne fermement toutes les violations des droits de l'homme, la coopération de tous les acteurs concernés en Libye avec la Cour pénale internationale est d'une "importance cruciale".

Les ministres ont aussi réaffirmé leur volonté d'introduire "dès que cela est jugé nécessaire et en pleine coordination" avec le Représentant spécial de l'ONU, Bernardino León, des mesures restrictives à l'encontre de ceux "qui sapent le processus de dialogue", comme la résolution 2174 du Conseil de sécurité de l'ONU les y autorise contre les personnes qui menacent la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou qui compromettent sa transition politique.

Enfin, dans leurs conclusions, les ministres ont également souligné que "l'indépendance et le bon fonctionnement de la banque centrale de Libye, la National Oil Corporation et d'autres institutions financières clés doivent être préservés et protégés", alors qu’ils ont condamné les actions contre les actifs, les institutions financières et les ressources naturelles de la Libye.

"On doit tout faire pour que ce qui se passe en Syrie ne se reproduise pas en Libye", a déclaré le ministre luxembourgeois, Jean Asselborn, cité dans l’édition du 10 février du Bulletin de l’Agence Europe, le ministre ajoutant que "l'UE devait forcer au dialogue".

L’UE "reste fortement préoccupée par la situation humanitaire en RCA"

Dans des conclusions adoptées sur la situation en République centrafricaine (RCA), le Conseil souligne que l’UE "reste fortement préoccupée par la situation humanitaire en RCA", en particulier pour ce qui est "du sort des populations déplacées et isolées à l'intérieur du pays ainsi que des populations réfugiées dans les pays voisins". Les ministres condamnent dans ce contexte "les exactions graves et répétées des groupes armés contre les populations civiles et les travailleurs humanitaires".

Selon les conclusions du Conseil, l'UE demeure par ailleurs "favorable à la recherche d'une solution pour une cessation effective et durable des hostilités". Les ministres en appellent ainsi "aux  groupes armés actifs en RCA à participer à ce processus en respectant le cadre de la transition et les principes de lutte contre l'impunité pour les responsables de crimes graves au regard du droit international".

Le Conseil rappelle par ailleurs qu’au moment où l'opération européenne EUFOR RCA aura achevé son mandat au 15 mars 2015 et transféré sa mission dans la capitale à la mission des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), une nouvelle mission militaire de conseil de l'UE (EUMAM RCA), établie le 19 janvier 2015, d'une durée d'une année, sera déployée à Bangui en appui des Centrafricains et en étroite coordination avec la MINUSCA.  "EUMAM RCA fournira au gouvernement centrafricain des conseils d'experts , y compris en matière de genre et droits de l'homme, dans la perspective de la réforme des Forces Armées Centrafricaines en une force armée professionnelle, démocratiquement responsable et représentative des composantes de la nation", détaillent les conclusions, selon lesquelles "le Conseil devra agréer le lancement de cette nouvelle mission PSDC, qui devrait atteindre sa capacité opérationnelle initiale le 1er mars 2015". 

Le Conseil indique enfin que la transition en RCA "devra aboutir à des élections présidentielles et législatives bien organisées, libres, justes, crédibles". A cet égard, l'UE appelle les autorités concernées à apporter les précisions indispensables à la poursuite du processus électoral, en particulier les modalités de mise en œuvre des opérations électorales, afin de pouvoir mobiliser tous les acteurs dans le respect du calendrier électoral prévu, précisent encore les conclusions du CAE du 9 février.

Le Conseil assure du soutien de l’UE au déploiement d’une force multilatérale de l’Union africaine pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram au Nigéria

Les ministres des Affaires étrangères ont par ailleurs condamné "la poursuite des violences et des atrocités effroyables commises dans le nord-est du Nigéria par Boko Haram à l'encontre des populations civiles, et en particulier contre des femmes et des enfants", le groupe étant considéré comme une menace croissante non seulement pour la paix et la sécurité du Nigeria, mais pour celle de la région entière et donc du Cameroun, du Tchad, et du Niger.

Le Conseil appelle ainsi à une "réponse urgente et globale pour prévenir d'autres actes terroristes et criminels de Boko Haram", dans ses conclusions. Selon le Conseil, "l'ampleur de la menace terroriste de ce groupe extrémiste requiert une réponse tant du Nigeria, qu'une réponse collective et globale pour venir à bout du terrorisme". Les ministres saluent donc "la décision prise par les États de la région de déployer une force multinationale avec l'aval de l'Union africaine" et assurent que "l'UE est prête à soutenir cette force par un large éventail d'instruments, y compris, si nécessaire, en recourant à la Facilité pour la paix en Afrique".

Le Conseil se dit par ailleurs "particulièrement préoccupé par les conséquences humanitaires des attaques" dont il relève qu’elles ont déjà fait plus d'un demi-million de personnes déplacées au Nigeria et des centaines de milliers de réfugiés dans les pays voisins. Tout en rappelant qu'il est "de la responsabilité première des États de protéger les populations civiles", le Conseil promet que l'UE "continuera de fournir une aide d'urgence aux populations en détresse humanitaire et accroîtra ses efforts humanitaires dans toute la région".