Les ministres de l’Intérieur de l’UE se sont réunis le 12 mars 2015 pour le premier volet d’un Conseil JAI consacré principalement à la lutte contre le terrorisme et à la gestion des flux migratoires.
Les ministres ont aussi confirmé formellement l’accord trouvé en novembre dernier avec le Parlement européen sur la modification du règlement relatif aux procédures d’insolvabilité, ouvrant la voie à une entrée en vigueur prochaine du texte dès que le Parlement européen l’aura adopté en deuxième lecture.
En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, un sujet qui fait l’objet d’une grande attention de la part des ministres notamment depuis les attentats qui ont frappé Paris en janvier dernier, les ministres ont discuté de la mise en œuvre des mesures déjà annoncées lors de leur réunion informelle de la fin janvier 2015 à Riga et de la déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement du 12 février. Les services de presse soulignent que les ministres ont concentré leurs discussions sur les domaines dans lesquels "des résultats peuvent être atteints dans les prochains mois". Ils reviendront sur la question lors de leur prochaine réunion dans le but de faire rapport sur les progrès accomplis au Conseil européen du mois de juin.
Ainsi, en ce qui concerne le renforcement du Code Frontières Schengen, les ministres se sont entendus pour mettre en œuvre des contrôles systématiques des documents et des personnes aux frontières extérieures sur la base d’une évaluation des risques dès juin 2015, indiquent les services de presse du Conseil.
L’enjeu est de faire "un usage optimal des règles existantes", a expliqué Rihards Kozlovskis, ministre letton de l’Intérieur qui présidait la réunion. Ces contrôles se feront sur la base d’indicateurs de risque commun, a-t-il expliqué à la presse. Le commissaire en charge des Affaires intérieures et des Migrations, Dimitris Avramopoulos, a précisé que les travaux étaient en cours depuis janvier, en étroite coopération entre les Etats membres, le Service d’Action extérieure de l’UE, Frontex, Europol et Interpol, pour définir ces indicateurs communs que les autorités en charge de la surveillance des frontières utiliseront pour conduire les contrôles systématiques sur les personnes. La liste des indicateurs devrait être finalisée dans les prochaines semaines, a-t-il indiqué.
Lors du débat, précise un communiqué de presse diffusé par le gouvernement, le ministre de la Sécurité intérieure Etienne Schneider, qui représentait le Luxembourg, a signalé que le Luxembourg se tient "prêt à mettre en œuvre les mesures visant à renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union".
Ce débat a été notamment marqué par la volonté exprimée par la délégation française d’aller plus loin encore en réformant le Code Frontières Schengen. "Des contrôles systématiques et coordonnés, cela nous permet dès à présent de franchir une étape très significative. Mais je pense que ces contrôles seraient plus efficaces s'ils étaient obligatoires", a expliqué le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Il a par conséquent proposé "que l'on mette en place des contrôles coordonnés systématiques dès à présent et que l'efficacité de ces contrôles étant démontrée, on puisse par une réforme du code Schengen faire en sorte de les rendre obligatoires".
Pour ce qui est de contrer l’utilisation qui est faite d’Internet pour promouvoir le terrorisme ou l’extrémisme violent, les ministres ont demandé à Europol de mettre en place une unité spéciale qui devrait être opérationnelle dès juillet 2015, a expliqué le ministre letton en soulignant par ailleurs que le dialogue avec les fournisseurs d’accès à Internet était ouvert. Cette nouvelle unité aura vocation à offrir une capacité de signalement commune pour l’Union ; elle permettra ainsi de rassembler tous les sites dont le contenu pose problème et de centraliser les informations provenant des Etats membres.
Étienne Schneider a explicitement soutenu les propositions de la Présidence lettonne en ce qui concerne le signalement des contenus extrémistes sur Internet, indique le communiqué du gouvernement.
En ce qui concerne le trafic d’armes à feu, le Conseil a invité la Commission à proposer des moyens de lutter contre et à proposer avec Europol des solutions pour renforcer l’échange d’information et la coopération opérationnelle sur ce phénomène.
Le communiqué de presse du gouvernement luxembourgeois ajoute que, pour ce qui est du volet de l’amélioration de l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres, le ministre Étienne Schneider a souligné qu’il était difficile d’évaluer les contributions des États membres dans l’échange d’information en soutenant que cette problématique «relève surtout de la confiance mutuelle et de la responsabilité politique de chaque État membre».
Enfin, le Conseil s’est entendu pour prendre contact activement avec le Parlement européen afin de parvenir à des progrès décisifs dans les prochains mois sur la mise en œuvre d’une directive établissant un système européen d’échange des données passagers (PNR) dotée de solides garanties en matière de protection des données. Pour rappel, au Parlement européen, un nouveau rapport est sur le métier depuis peu.
Second grand sujet à l’ordre du jour des ministres, "la pression migratoire" qui "ne cesse d’augmenter", comme l’a signalé Rihards Kozlovskis. Sur ce point, les ministres ont discuté des moyens de faire face aux récents développements et se sont concentrés sur les actions concrètes qui pourraient être mises en œuvre pour répondre aux problèmes les plus aigus.
S’il s’agit dans un premier temps de mettre en œuvre les mesures déjà identifiées par la Task Force Méditerranée et dans les conclusions du Conseil du 10 octobre dernier, le ministre letton a bien souligné que les ministres avaient veillé à identifier de nouvelles mesures concrètes. Autant d’idées qui devraient être prises en compte dans la stratégie que la Commission européenne s’apprête à présenter, comme l’a indiqué le commissaire Avramopoulos.
Parmi elles, le ministre letton a évoqué un accord des ministres sur une surveillance plus stricte des frontières extérieures et, par conséquent, un renforcement des ressources et des capacités opérationnelles de Frontex.
Autre action concrète pointée par les ministres, la nécessité de lutter contre les réseaux criminels de passeurs et de trafic d’êtres humains, et ce afin de protéger les migrants. Dans ce contexte, le renforcement de la coopération avec les pays tiers est apparu "essentiel" aux yeux des ministres, comme il ressort des principaux résultats rédigés par les services de presse du Conseil.
Il ressort toutefois des déclarations de différents ministres que ce sujet a fait l’objet de vifs échanges portant plus précisément sur la question de la création de centres d’accueil dans ces pays. "Si la question libyenne n'est pas résolue, il est inutile de parler d'immigration avec l'espoir de bloquer les départs", a ainsi averti le ministre italien Angelino Alfano. "La priorité pour toute la communauté internationale doit être de monter des centres en terre africaine pour traiter là-bas les demandes d'asile et décider si elles sont recevables", a-t-il plaidé. L'Allemagne et l'Autriche plaident également pour de tels centres d'accueils. "Mais cela va prendre du temps", a averti le ministre allemand, Thomas de Maizière, qui suggère, comme son homologue français, que de tels centres pourraient être pris en charge par le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU (UNHCR). Un des enjeux est de "définir avec le HCR les conditions du traitement de ceux qui relèvent de l'asile en Europe afin d'éviter qu'ils ne prennent des bateaux", a expliqué Bernard Cazeneuve. "Sur ce sujet, nous n’avons pas encore trouvé d’accord entre les Etats membres", a toutefois précisé le ministre letton.
Enfin, les ministres ont mis l’accent sur la nécessité de renforcer l’action de l’UE non seulement dans la région de la Méditerranée, mais aussi aux frontières avec les pays des Balkans occidentaux.
"Nous avons discuté de la tendance à la hausse des demandes d’asile provenant des pays des Balkans occidentaux, et notamment du Kosovo, dont l’immense majorité sont infondées", a expliqué le commissaire à l’issue du Conseil. Malgré la baisse considérable notée récemment par le commissaire dans l’afflux de demandeurs d’asile provenant de ces pays, il a indiqué que tous les ministres étaient d’accord sur la nécessité, parallèlement aux actions en cours, de "régler le problème à sa racine et d’investir dans le développement socio-économique de la région de façon à réduire les raisons principale qui expliquent le départ de ces personnes".