Les attentats qui ont frappé Paris en janvier dernier faisaient partie des sujets à l’ordre du jour du Conseil européen informel du 12 février 2015, et notamment la réponse à donner à la menace terroriste sur le territoire de l’UE, que le président du Conseil européen, Donald Tusk, a évoqué comme "les ennemis de l’intérieur" de l’UE.
"Nous allons coopérer pour faire face à cette menace, non avec émotion ou de façon excessive, mais avec calme et détermination", a assuré Donald Tusk avant d’annoncer que les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient entendus sur "de nouvelles priorités dans la lutte contre le terrorisme". "Ce dont nous avons le plus besoin c’est un accord sur l’échange de données passagers au sein de l’UE", a-t-il insisté.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a pour sa part souligné qu’en matière de terrorisme, l’essentiel de ce qui avait été dit était "la répétition de ce qui était déjà connu", ce qui expliquait pourquoi le sujet n’avait suscité "ni débat ni controverse".
Le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a souligné lors de son briefing à la presse luxembourgeoise, que "personne n’est à l’abri" de la menace terroriste. Dans ce contexte, l’échange entre services est "important" à ses yeux, tout comme la prévention, dont il a été question, notamment dans le contexte des prisons, lieux connus de radicalisation, ou encore sur Internet.
La lutte contre le terrorisme est en fin de compte le seul sujet sur lequel les chefs d’Etat et de gouvernement ont publié une déclaration commune à l’issue de ce Conseil européen informel. Ils y rappellent leur attachement aux valeurs fondamentales et aux droits de l’homme et s’engagent à les "préserver et à protéger chacun de la violence motivée par des considérations ethniques ou religieuses et par le racisme". Les chefs d’Etat et de gouvernement assure aussi qu’ils "combattron[t] les ennemis de nos valeurs" et renforceront "l'action menée contre les menaces terroristes, dans le plein respect des droits de l'homme et de l'État de droit".
Trois axes ont été définis qui serviront d’orientations pour les travaux qui seront effectués dans les mois à venir.
Première priorité, "assurer la sécurité des citoyens constitue une nécessité immédiate". Pour y parvenir, les chefs d’Etat et de gouvernement veulent "mieux utiliser les instruments dont nous disposons et les étoffer, en particulier afin de déceler et d'empêcher les déplacements ayant un lien avec le terrorisme, notamment les déplacements de combattants terroristes étrangers".
Comme l’a mis en avant Donald Tusk, ils demandent par conséquent au Parlement et au Conseil d’adopter "d’urgence" une "directive robuste et efficace relative à un système européen de dossiers passagers (PNR), en l'assortissant de garanties solides en matière de protection des données".
"En ce qui concerne le PNR, il y a eu des avancées importantes de la part du Parlement européen ces derniers jours, qui devraient permettre d’aboutir à un accord dans ce dossier avant la fin de l’année", a expliqué le Premier ministre Xavier Bettel devant la presse luxembourgeoise. "Ce soir, nous avons insisté sur la nécessité que le PNR devrait être assorti de dispositions solides en matière de protection des données", a-t-il indiqué, en soulignant qu’il s’agit d’un "aspect très important pour le Parlement européen, et c’est également très important pour le gouvernement luxembourgeois". "Notre gouvernement souhaiterait également voir des avancées rapides dans les négociations sur le nouveau règlement européen pour la protection des données", a ajouté le Premier ministre luxembourgeois.
Dans leur déclaration, les chefs d’Etat et de gouvernement plaident aussi, comme l’a souligné Jean-Claude Juncker, pour que "le cadre Schengen existant soit pleinement exploité afin de renforcer et de moderniser le contrôle aux frontières extérieures". Les chefs d’Etat et de gouvernement se disent "d’accord pour procéder sans délai à des contrôles systématiques et coordonnés de personnes jouissant du droit à la libre circulation au moyen de bases de données pertinentes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, en nous fondant sur des indicateurs de risque communs". La Commission est invitée à présenter rapidement des orientations opérationnelles à cet effet. Les chefs d’Etat et de gouvernement annoncent aussi qu’ils examineront également "une modification ciblée du code frontières Schengen là où cela est nécessaire pour permettre des contrôles permanents, sur la base d'une proposition de la Commission".
"Nous en avons fait en sorte que l’on n’accuse pas Schengen de tous les maux" puisque Schengen "fait partie de la solution et non du problème", a commenté Jean-Claude Juncker. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont donc entendus pour "faire en sorte que toutes les potentialités soient utilisées sans ajouter de nouvelles règles ou dispositions", a précisé le président de la Commission.
Le président français, François Hollande, a insisté sur le fait que "si on veut garder Schengen, il faut que la frontière extérieure soit un moyen de contrôler qui vient et qui part". "Cela prendra du temps pour changer les règles", a toutefois reconnu François Hollande.
Xavier Bettel a souligné l’importance là encore de "trouver une mesure équilibrée" en ce qui concerne les contrôles aux frontières. "Nous ne sommes pas ceux qui poussent pour tout contrôler", a-t-il expliqué en pointant "une matière sensible". "Certains sont prêts à faire exploser Schengen", a mis en garde Xavier Bettel, en soulignant bien que ce serait "un très mauvais signal". En aucun cas les contrôles aux frontières ne doivent pas être "une généralité" aux yeux du Premier ministre luxembourgeois, mais il s’agit de ne tomber "ni dans un excès ni dans l’autre", en donnant la possibilité d’agir de façon ciblée et préventive lorsque c’est nécessaire.
Les chefs d’Etat et de gouvernement plaident ensuite dans leur déclaration pour intensifier l’échange d’informations et la coopération entre les services répressifs et les autorités judiciaires, pour renforcer la coopération dans la lutte contre le trafic d’armes à feu et pour renforcer la coopération entre les services de sécurité des Etats membres. Les Etats membres sont par ailleurs invités à mettre en œuvre rapidement les règles renforcées visant à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Enfin, les chefs d’Etat et de gouvernement souhaitent que les travaux visant l'adoption de la directive relative à la sécurité des réseaux et de l'information progressent rapidement.
Deuxième priorité identifiée, la prévention de la radicalisation, pour laquelle les chefs d’Etat et de gouvernement veulent "rassembler les instruments dans le cadre d'une approche globale destinée à faire face à ce phénomène". Il s’agit ainsi de prendre des mesures pour "déceler et retirer les contenus promouvant le terrorisme ou l'extrémisme sur Internet, notamment dans le cadre d'une coopération renforcée entre les autorités publiques et le secteur privé au niveau de l'UE, également en collaboration avec Europol pour mettre en place des capacités de signalement de tels contenus sur Internet". En parallèle, il est aussi question d’établir des stratégies de communication destinées à promouvoir la tolérance, la non-discrimination, les libertés fondamentales et la solidarité dans toute l'UE, ainsi que d’élaborer des messages destinés à contrecarrer les idéologies terroristes, notamment en donnant la parole aux victimes. Les chefs d’Etat et de gouvernement veulent aussi des initiatives concernant l'éducation, la formation professionnelle, l'emploi, l'intégration sociale et la réinsertion, dans le contexte judiciaire, afin qu'une parade soit trouvée aux facteurs contribuant à la radicalisation, y compris dans les prisons.
Enfin, troisième axe de l’action future, les chefs d’Etat et de gouvernement soulignent que les relations extérieures de l'UE contribuent également à combattre la menace terroriste, qui s'intensifie dans certaines régions du voisinage de l'UE, en particulier en Syrie et en Libye. Ils entendent donc s’attaquer aux crises et aux conflits, en particulier dans notre voisinage méridional, en procédant à un réexamen stratégique de l’approche de l’UE. Ils veulent aussi dialoguer davantage avec les pays tiers sur les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme, en particulier dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et au Sahel, mais également dans la région des Balkans occidentaux, notamment en menant avec les partenaires de nouveaux projets de renforcement des capacités (par exemple en matière de contrôle des frontières) et en ciblant mieux l'assistance de l'UE. Il s’agira aussi d’instaurer, au niveau international, une coopération soutenue et coordonnée avec les Nations unies et le Forum mondial de lutte contre le terrorisme, ainsi qu'avec les initiatives régionales pertinentes et, plus largement, d’instaurer un dialogue entre les cultures et les civilisations afin de promouvoir ensemble les libertés fondamentales.