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Élargissement
L’opposition islandaise dénonce le retrait de la candidature du pays à l'Union européenne par le gouvernement, jugeant que seulement le parlement peut révoquer cette décision
15-03-2015


Islande-adhesion Source: Parlement européenPrès de 7000 personnes sont descendues dans la rue à Reykjavik le 15 mars 2015 pour protester contre le retrait de la candidature du pays à l'Union européenne. Il s’agit du plus grand rassemblement depuis les manifestations de 2008-2009, lorsque les Islandais réclamaient la démission de leur gouvernement en pleine crise financière.

"Le gouvernement n'ose affronter ni le Parlement ni l'opinion publique sur cette question, mais essaie de tromper l'UE pour qu'elle accepte un changement de statut de l'Islande", a déclaré Arni Pall Arnason, qui dirige le plus important parti d’opposition, l’Alliance social-démocrate. L’opposition, composée de quatre partis, a de plus envoyé le 13 mars 2015 une lettre au président du Parlement européen, Martin Schulz. L’opposition est d’avis que seul le Parlement islandais peut révoquer la décision de l’adhésion. 

Pour rappel, le gouvernement islandais avait annoncé le 12 mars 2015 le retrait de sa candidature à l’UE, qui date de 2009, dans une lettre transmise à la Lettonie qui préside actuellement le Conseil de l’UE. Lors du début de son mandat en mai 2013, le nouveau gouvernement de centre-droit avait décidé de suspendre les négociations et annoncé dans son programme de coalition une évaluation de l’état des négociations et des développements avec l’UE qui devait être soumis à l’Althingi, le parlement islandais. Il indiquait par ailleurs que les négociations d'adhésion ne seraient poursuivies sans un référendum préalable.

Dans sa lettre, l’opposition critique le fait que la lettre envoyée par le gouvernement à l’UE "n’a été débattue ni avec le Parlement islandais", ni avec sa commission des affaires étrangères, "comme le stipule la loi pour des décisions majeures de politique étrangère", et qu’elle a été "gardée secrète vis-à-vis du public". Ainsi, cette lettre ne représente pas un changement de la position de l’Althingi du 16 juillet 2009, date à laquelle le parlement islandais avait donné au gouvernement le mandat de déposer une demande d’adhésion auprès de l’UE, mais une "description de la position politique de l’actuel gouvernement".

Le gouvernement a échoué en février 2014 à faire adopter une résolution sur le retrait de la candidature d’adhésion

Le gouvernement actuel avait proposé en février 2014 une résolution pour le retrait de la candidature d’adhésion, ce qui avait fait descendre environ 4000 personnes dans la rue, selon un article du magazine  Iceland Rewiew. Le gouvernement y expliquait entre autres que le processus d’élargissement n’était "pas compatible" avec les "intérêts vitaux" de l’Islande, en évoquant notamment les quotas de pêche. Il rappelait aussi que certains Etats membres auraient "utilisé le processus d’adhésion de l’Islande pour défendre leurs propres intérêts particuliers au lieu de considérer l’UE comme un ensemble". "Il semble que le processus est en grande partie relativement rigide, prenant peu en compte les circonstances particulières", arguait le gouvernement.

Mais la résolution n’a pas été approuvée par la commission des affaires étrangères, suite à de larges protestations, dont une pétition en lignée signée par plus de 50 000 personnes (sur une population de 323 000, soit 20 % de la population, selon l’opposition) qui réclamaient au gouvernement de tenir sa promesse d’organiser un référendum sur la question, indique Iceland Review dans un article du 15 mars 2015.

"Par conséquent, le seul mandat approuvé par l'Althingi sur la demande (d'adhésion) est le mandat original de demande d'adhésion du 16 juillet 2009" et "l’autorité juridique derrière cette demande reste inchangée", indique l’opposition. Les quatre partis d’opposition disent être d’accord sur le fait que la lettre du gouvernement "ne peut pas changer le statut de l’Islande vis-à-vis de l’UE" en raison des "principes de l’ordre juridique européen" stipulant la "primauté des résolutions parlementaires formelles sur de simples déclarations gouvernementales". "Seul l’Althingi peut changer le statut de l’Islande", conclut l’opposition.

L’opposition est soutenue par le groupe socialiste au Parlement européen, le S&D, qui réclame dans un communiqué que le gouvernement "respecte ses engagements" et qu’il organise un référendum sur l’adhésion. Lors du début de son mandat, le gouvernement islandais avait "déclaré clairement" que la décision sur la demande d’adhésion se ferait par un référendum, a rappelé Knut Fleckenstein, vice-président du S&D, qui appelle le gouvernement à trouver un accord avec l’Althingi et de respecter la volonté des manifestants.

L’Islande n’a pas formellement retiré sa candidature, indique la Commission

Une porte-parole de la Commission européenne a pour sa part affirmé lors d’une conférence de presse le 13 mars 2015 que la porte "reste ouverte" à l’Islande, en confirmant la réception de la lettre. C'est la "prérogative de l'Islande de prendre une décision libre et souveraine sur la manière de poursuivre sa relation avec l'UE", a dit Maja Kocijancic. Elle a précisé que l’Islande "n’a pas formellement retiré sa requête", mais qu’elle l’a suspendue pour la période de deux ans. Elle a ajouté qu’une demande de retrait doit être déposée au Conseil de l’UE qui décidera de la suite. "L'Islande reste un partenaire important pour l'UE", a-t-elle ajouté en citant sa participation à l'Espace économique européen et à l'Espace de libre circulation Schengen. Sur 27 chapitres de négociations ouvertes, 11 ont été fermés jusqu’à présent.

La politique d'élargissement a été "l'un des plus grands succès" de l'UE et "continue à être une des politiques européennes les plus établies", a estimé Maja Kocijancic, interrogée par un journaliste sur la question, alors que qu’au Royaume-Uni, un référendum sur la sortie de l’UE pourrait avoir lieu en 2017.