Le Bundestag allemand a approuvé, le 27 mars 2015, le projet de loi du gouvernement fédéral qui vise à lancer une redevance d'infrastructure ("Infrastrukturabgabe") pour l'utilisation des routes fédérales allemandes ("Bundesfernstraßen"), avec 433 votes pour, 128 votes contre, et six abstentions. Si l’achat d’une vignette sera obligatoire dès 2016 pour tous les conducteurs, même étrangers, qui circulent sur les routes fédérales allemandes, les résidents allemands payant une taxe de circulation bénéficieront quant à eux d'une ristourne fiscale.
Pour mémoire, ce projet, dont les modalités avaient été précisées par le gouvernement allemand le 30 octobre 2014, a fait l’objet de nombreuses discussions et débats. Nombreux sont en effet ceux qui y voient une violation du droit européen, et qui dénoncent une discrimination entre l’automobiliste allemand et celui étranger. Parmi les détracteurs de la "Maut", on compte notamment l’Autriche et les Pays-Bas, où le Club automobile néerlandais avait lancé une pétition contre le projet. Le ministre luxembourgeois des Infrastructures François Bausch s’était également exprimé contre le péage, tout comme l’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE). Le projet a également suscité des critiques au sein de la commission des Transports du Parlement européen, et notamment de son président, le député européen vert allemand Michael Cramer.
Le Bundestag prévoit par ailleurs que cette tarification variable augmente ses recettes de 13,6 millions d’euros. Pour ce qui est des recettes totales liées à l’introduction d’une vignette pour les routes fédérales allemandes, le gouvernement allemand estime que celles-ci devraient s’élever à environ 513 600 000 euros.
Pour le ministre fédéral allemand des Transports Alexander Dobrindt (CSU), qui a porté ce projet, il n’y a "absolument aucun doute" que la redevance, qu’il juge "raisonnable, juste et équitable", est compatible avec le droit européen et qu’elle se traduira par des recettes substantielles pour l’Allemagne, selon ses propos repris dans le communiqué du Bundestag. "A l'avenir, la mobilité financera l’infrastructure", a-t-il encore dit. L’introduction d’une telle vignette porte selon lui en germe un changement de système, qui se caractérise par un passage du financement par l'impôt vers le financement par l'utilisateur. Pour garantir l’entretien et l’extension du réseau routier, les investissements sont nécessaires, explique encore le ministre.
Le Bundestag révèle dans son communiqué de presse que la coalition gouvernementale et l'opposition ont eu des discussions en particulier en ce qui concerne la conformité du projet de loi avec le droit européen, ainsi que le niveau réel des recettes liées au projet.
Si les députés du CDU/CSU et du SPD se sont félicités du nouveau projet, les députés du parti Bündnis 90/Die Grünen et ceux de Die Linke, ont, eux, indiqué que la conformité du projet avec la législation européenne n’a pas encore été suffisamment vérifiée
Le député Herbert Behrens (Die Linke) a critiqué le fait que les conducteurs étrangers doivent payer une admission s’ils veulent se rendre en Allemagne, tandis que les conducteurs allemands n’y sont pas tenus. Il s’agit selon lui d’un "tour de passe-passe" qui ne sera pas accepté par l’UE.
Pour le président des Verts, Anton Hofreiter, le prélèvement est un monstre bureaucratique et n’est pas compatible avec le droit européen, selon ses propos repris dans le communiqué du Bundestag. Les Verts avaient proposé un amendement en vue de prévoir une région se situant à 30 kilomètres des frontières qui serait exemptée de frais de vignette. Celui-ci a toutefois été rejeté avec 451 voix contre, 58 voix pour et 59 abstentions. Un autre amendement introduit par les Verts qui visait à suspendre immédiatement le péage pour les voitures si la loi devait être déjugée par la Cour de justice de l’UE a également été rejeté (446 voix contre, 58 voix pour, 60 abstentions).
Dans une interview publiée dans le Tageblatt le 27 mars 2015, le ministre luxembourgeois des Infrastructures, François Bausch, s’est prononcé sur la nouvelle législation adoptée par le Bundestag. "Bien sûr, j’aurais voulu autre chose", a-t-il déclaré. "Mais la vignette est encore loin d’être adoptée", a-t-il souligné. Le ministre a par ailleurs plaidé pour une solution européenne, indiquant qu’en matière de péages, "nous avons trop de systèmes différents en Europe".
François Bausch a en outre rejeté l’idée d’introduire un péage sur les routes luxembourgeoises. "Nous ne devrions pas à présent tirer de la hanche", a-t-il déclaré, avant d’indiquer qu’à ses yeux, "cette polémique est inutile". "Sur ce sujet, nous devons être particulièrement prudents dans notre pays", a-t-il poursuivi, en évoquant la taille réduite des autoroutes luxembourgeoises. La charge logistique pour la mise en place d’un système de péage au Luxembourg ne serait selon lui pas rentable. En outre, la circulation risquerait de se déplacer vers les routes secondaires.
La commissaire européenne en charge des Transports, Violeta Bulc, examinera loi allemande sur la redevance d'infrastructure quand celle-ci entrera formellement en vigueur, selon les déclarations de son porte-parole reprises dans une dépêche de l’agence de presse AFP le 29 mars 2015.