La Médiatrice européenne, Emily O’Reilly, a salué les mesures récentes de la Commission européenne afin d’accroître la transparence des négociations en cours sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TTIP en anglais) en publiant, le 23 mars 2015, les réponses de l’institution à ses dernières recommandations émises en la matière en janvier 2015.
Pour mémoire, la Médiatrice européenne avait ouvert une enquête d’initiative sur la transparence des négociations du TTIP fin juillet 2014 face aux préoccupations soulevées par le public en raison, notamment, de la non-divulgation de documents clés et du soupçon d’un accès privilégié accordé à certaines parties prenantes. La Médiatrice avait alors estimé que le Conseil de l’UE et la Commission devraient "urgemment […] renforc[er] leur proactivité en matière de politique de transparence" et avait fait un certain nombre de suggestions aux deux institutions. Elle avait parallèlement lancé une consultation publique sur le sujet.
Dans ce contexte, la Commission européenne a répondu par différentes mesures que l’institution mentionne notamment dans son opinion sur l’enquête d’initiative de la Médiatrice transmise à cette dernière à une date non précisée. Il s’agit notamment de l’initiative sur la transparence dans les réunions de la Commission ainsi qu’en matière d’accès public aux documents du TTIP prise par le collège des commissaires le 25 novembre 2014. De son côté, le Conseil avait finalement accepté, en octobre 2014, de publier le mandat de négociation relatif au TTIP sur lequel il s’était accordé en juin 2013 mais qui était resté confidentiel jusque-là, si ce n’est en raison de fuites.
Le 7 janvier 2015, à l’occasion de la présentation des résultats de sa consultation, Emily O’Reilly avait alors salué le "réel progrès" accompli par la Commission, tout en soulignant qu’une grande part des répondants étaient demandeurs de mesures destinées à renforcer encore la transparence. Jugeant sur cette base "que des mesures supplémentaires [étaient] nécessaires", la Médiatrice avait annoncé le même jour sa décision de clore son enquête d’initiative tout en soumettant à la Commission de nouvelles recommandations.
Dans sa décision de clôture d’enquête rendue le 7 janvier 2015, Emily O’Reilly demandait ainsi à la Commission de favoriser l'accès du public au plus grand nombre de documents, et en particulier aux textes de négociations consolidés avant que l’accord ne soit finalisé, tout en informant le partenaire américain de l’importance accordée à cet élément par l’UE. "La Commission devrait également informer les Etats-Unis de la nécessité de justifier toute demande de leur part de ne pas divulguer un document donné", écrivait la Médiatrice, qui soulignait que l’institution avait "besoin d'être convaincue par ce raisonnement".
"Je suis consciente que la Commission doit parfois s'entretenir de manière confidentielle avec les États-Unis afin de pouvoir négocier efficacement. Toutefois, la réticence des États-Unis à publier certains documents du TTIP n'est pas en soi une raison suffisante pour évincer le public européen", indiquait Emily O’Reilly, citée dans un communiqué de son institution. "La Commission doit, à tout moment, s'assurer que les exceptions au droit fondamental des citoyens européens à l'accès aux documents sont bien fondées et entièrement justifiées", avait-elle ajouté.
Pour la Médiatrice, il s’agissait par ailleurs que la Commission assure une divulgation plus proactive des documents du TTIP n’étant pas soumis à exception, notamment en évaluant à intervalles réguliers et prédéterminés la possibilité de publication de ces documents dès leur finalisation en interne. Pour ceux qui ne pourraient être rendus publics, la Médiatrice suggérait de publier leur référence ainsi que les raisons justifiant leur confidentialité. Elle appelait par ailleurs la Commission à publier sur son site les nombreux documents relatifs au TTIP qu’elle a déjà dû divulguer en réponse à des requêtes portées en vertu de la législation sur l’accès aux documents de l’UE.
Emily O’Reilly demandait également à la Commission d’étendre les obligations de transparence qu’elle s’est fixé concernant les réunions avec les représentants d’intérêts (organisations professionnelles, groupes de pression ou ONG) tenues dans le cadre de TTIP, aux niveaux des directeurs, des chefs d’unité et des négociateurs, entre autres en publiant les noms des participants à ces réunions. De même, la Commission était invitée à examiner le moyen de garantir que les obligations visant à assurer un équilibre approprié et une représentativité dans ses réunions avec des parties prenantes leur soient également étendues. Enfin, Emily O’Reilly demandait la publication systématique des ordres du jour et des comptes rendus de ces réunions ainsi que des contributions des parties prenantes. La Commission était appelée à veiller à ce que les documents déjà transmis à certaines des parties prenantes le soient à l’ensemble du public.
Dans sa réponse aux dernières recommandations de la Médiatrice, la Commission se félicite des suggestions d’Emily O’Reilly dont elle assure qu’une partie ont déjà été prises en compte tandis que "d’autres méritent plus ample réflexion".
Ainsi, sur la question de l’accès du public au plus grand nombre de documents du TTIP, la Commission souligne qu’elle "partage complètement" l’approche de la Médiatrice sur la nécessité d’un accès aussi large que possible, mais elle rappelle que dans le contexte d’une négociation internationale, son engagement politique en faveur de la transparence "se limite à ses propres documents". Or, les Etats-Unis "ont explicitement demandé à l'UE de ne pas publier les documents préparés par leur soin ou les "textes consolidés" contenant des contributions émanant de leur part", précise la Commission. Dès lors, elle ne publiera aucun texte de négociation consolidé, "qui appartiennent conjointement" aux deux parties, "sans l’accord explicite des USA" mais elle s’engage à assurer dans le même temps un large accès à ces documents pour le Parlement européen et les États membres de l'UE.
Pour ce qui relève d’une divulgation plus proactive des documents, la Commission "rappelle respectueusement" que la première série de propositions juridiques de l'UE dans les négociations du TTIP a été publiée le 7 janvier 2015, soit une "première" dans des négociations commerciales bilatérales. "D’autres documents élaborés au cours des négociations seront automatiquement considérés pour une publication similaire", ajoute-t-elle. La Commission promet par ailleurs qu’elle rendra publique une liste de tous les documents relatifs au TTIP qui sont partagés avec le Conseil et le Parlement européen, "donnant ainsi une indication des documents qui existent au-delà de ceux qui sont rendus publics".
Quant aux documents divulgués en réponse à des requêtes spécifiques dans le cadre du règlement sur l’accès aux documents, la Commission note qu’elle "examine actuellement les moyens de les rendre plus systématiquement accessibles" à travers son registre des documents, tandis qu’elle réfute qu’un accès privilégié soit offert à quelque partie prenante que ce soit dans le cadre des négociations. "Il n'y a pas de groupes de la société civile ou d'organisations qui obtiennent un accès privilégié avant les autres", affirme ainsi l’institution.
Enfin, concernant l’extension des obligations en matière de transparence ou de représentation équilibrées, la Commission rappelle que dans le cadre de sa nouvelle initiative de transparence, elle publie depuis le 1er décembre 2014 des informations sur toutes les réunions avec des entreprises, des ONG ou des individus indépendants tenues par les commissaires, les membres de leur cabinet, et les directeurs-généraux de la Commission. Or, pour des raisons de "proportionnalité", la Commission souligne qu’elle ne considère pas approprié de publier les ordres du jour ou compte-rendu de telles réunions et qu’elle "n’envisage pas, à l’heure actuelle, d’étendre les obligations de transparence" aux niveaux des directeurs, des chefs d’unité et des négociateurs. Dans ce contexte, elle soutient par ailleurs que la publication des noms des participants aux réunions sans leur consentement soulèverait des questions en matière de protection des données, un argument contesté par la Médiatrice.
"La protection des données ne doit pas être utilisée comme un obstacle automatique à l’examen par le public des activités de lobbying dans le contexte du TTIP", indique ainsi Emily O’Reilly dans un communiqué diffusé le 23 mars 2015. "Il est possible de régler les questions de protection des données en informant les participants, lorsqu'ils sont invités à des réunions, de l'intention de publier leurs noms", suggère-t-elle dès lors.
En réaction aux réponses de la Commission, Emily O’Reilly s’est encore félicitée du fait que la Commission "a noué un dialogue constructif avec la Médiatrice afin d’accroître la transparence des négociations du TTIP". Elle s’est ainsi dite "satisfaite de la façon dont la Commission a progressé en renforçant les mesures de transparence déjà en place", tout en soulignant qu’il était "possible de faire plus dans les mois à venir pour sensibiliser encore davantage le public au contenu et aux implications du TTIP".
La Médiatrice a par ailleurs salué "le Parlement européen et les groupes de la société civile qui ont aussi prôné une transparence accrue". "La responsabilité démocratique d'examiner les négociations au nom de leurs électeurs, de dialoguer avec les citoyens européens et de décider du futur du TTIP est maintenant entre les mains des représentants élus", a-t-elle conclu.