Dans la foulée des discussions au Conseil sur un éventuel report de trois ans de la disparition des frais d’itinérance, actuellement encore prévue pour décembre 2015, le CSV a déposé le 30 janvier 2015 une question parlementaire urgente dans laquelle le député Laurent Mosar avait demandé au gouvernement luxembourgeois s’il avait donné son accord à la proposition lettone de reporter la fin du roaming et de créer un quota de communications au tarif local. "Dans l'affirmative, quelles sont les raisons ayant amené le gouvernement luxembourgeois à soutenir cette position, alors que celle-ci est préjudiciable pour les consommateurs européens et luxembourgeois?", avait-il encore demandé.
Pour mémoire, en septembre 2013 la Commission européenne avait soumis une proposition législative qui visait, entre autres, à encourager les opérateurs à renoncer aux surcharges pour les communications en itinérance à partir de juillet 2016. Dans la procédure législative qui suit une telle proposition, le Parlement européen avait pris position en avril 2014 en proposant l'abolition des surcharges d'itinérance sur tous les appels, SMS et transfert de données (Internet) à partir du 15 décembre 2015, sous réserve toutefois de certaines limites.
Au Conseil de l'Union européenne, une feuille de route sur le paquet Télécom datant du 7 janvier 2015 soumise par la Présidence lettonne du Conseil a proposé l’introduction d’une "allocation d'itinérance de base" qui viendrait compenser un report de trois ans de la disparition des frais, actuellement encore prévue pour décembre 2015. La Présidence lettonne s’appuie notamment sur l’avis du BEREC (ORECE), l’organisation des régulateurs européens dans le domaine des communications électroniques, qui estimait que la suppression des frais d'itinérance à travers l'Europe n’était "actuellement pas soutenable ni possible dans la pratique". Le rôle de la Commission européenne serait selon cette feuille de route de vérifier en attendant le marché de gros du roaming en vue d’une abolition des frais d'itinérance, et de présenter en juin 2018 au Parlement européen et au Conseil des ministres les conclusions de son rapport et, si nécessaire, faire des propositions législatives appropriées.
Le 4 février 2015, suite aux critiques de cette proposition, notamment de la part de l’ancienne commissaire Viviane Reding, le Premier ministre et ministre des Communications et des Médias Xavier Bettel avait déjà réagi et expliqué que le Luxembourg n’avait pas l’intention de "freiner" le processus, et que "personne ne s’était mis à genoux devant un lobby". Les ministres auraient agi sur base de l’avis du BEREC (ou ORECE) "qui avertit notamment que la disparition des frais d’itinérance ferait baisser les prix, mais que le prix des abonnements nationaux augmenterait, et que les répercussions n’ont pas été analysées d’une manière exacte", avait signalé Xavier Bettel.
Dans sa réponse publiée le 27 février 2015, le Premier ministre Xavier Bettel, en sa qualité de ministre des Communications et des Médias, souligne que "la suppression à terme des frais d'itinérance reste l'objectif déclaré des trois institutions européennes", et que ceci " est fortement soutenu par le gouvernement luxembourgeois".
Xavier Bettel relève en premier lieu le fait que l'abolition des frais d'itinérance signifie "un alignement des coûts des communications européennes sur les tarifs nationaux (appelé 'roam like at home')". Or, l'ORECE a souligné dans son rapport de décembre 2014 que "l'itinérance comporte des coûts" et qu' "in fine une des parties prenantes au dispositif devra supporter ces coûts", explique le Premier ministre.
"Les personnes en déplacement utilisent le réseau du pays visité, mais ils ont leur abonnement auprès d'un opérateur de leur pays de résidence", indique encore le ministre des Communications et des Médias. "Ce dernier devra alors indemniser l'opérateur du réseau utilisé par son client dans le pays visité", relève-t-il.
Or, selon Xavier Bettel, "en raison du déséquilibre des déplacements en Europe", compte tenu du fait que certains États membres sont des destinations touristiques typiques, d'autres moins, "ces versements entre opérateurs ne se compensent pas".
Par conséquent, les opérateurs des pays les plus visités seraient bénéficiaires nets de ces paiements, mais ils devraient aussi investir dans leurs réseaux "pour que ceux-ci ne soient pas congestionnés par le trafic accru pendant la saison touristique". Les opérateurs des autres États membres devraient quant à eux payer une compensation quand leurs clients se déplacent. "Si on applique le 'roam like at home', ils ne pourront plus récupérer ces coûts auprès de l'abonné", souligne Xavier Bettel. Ils subiraient donc une perte sur les communications de leurs clients en voyage dans l’UE, et chercheraient à compenser cette perte par une hausse des tarifs nationaux.
Pour cette raison le Conseil, et le Luxembourg également, "s'inquiètent de ce qu'une démarche trop brusque ne s'accompagne d'une hausse des prix nationaux" qui, selon le Premier ministre, porterait finalement préjudice aux consommateurs.
Dans ce contexte, ce seraient surtout les consommateurs qui ne voyagent jamais, ou peu, en dehors de leur pays, qui, selon le ministre, seraient "doublement pénalisés" puisqu'ils seraient amenés à payer - via la hausse du prix de leur abonnement national - pour les communications de ceux qui peuvent se permettre de passer leurs vacances à l'étranger.
"Pour éviter cet effet non désiré de l'abolition des frais de 'roaming', la Présidence lettonne propose de réduire encore une fois très fortement les frais d'itinérance, mais d'atténuer, dans une première phase, l'approche 'roam like at home' par le maintien d'une surcharge minimale qui permettrait aux opérateurs de récupérer leurs coûts, toute en mettant définitivement fin aux profits excessifs retirés du 'roaming'", relève le Premier ministre. En même temps, chaque utilisateur pourrait bénéficier d'un quota fixe mais limité d'appels, de SMS et de données sans surcharge (l’allocation d’itinérance de base). Xavier Bettel indique par ailleurs que ces propositions sont toujours en négociation.
"Le Gouvernement considère qu'une telle approche plus progressive - sans pourtant renoncer à l'objectif ultime qui reste l'abolition des frais d'itinérance - évitera des effets contre-productifs d'une abolition trop radicale, aux dépens des consommateurs", a conclu Xavier Bettel.