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Protection des consommateurs - Télécommunications
Du point de vue de Claude Bizjak, qui s’exprime au nom des opérateurs alternatifs luxembourgeois, la suppression des frais d’itinérance n’est "pas soutenable économiquement"
04-02-2015


Dans le cadre des vives discussions que suscite la perspective d’un éventuel report de trois ans de la disparition des frais d’itinérance, Paperjam s’est enquis auprès de Claude Bizjak, secrétaire général de la Fédération des opérateurs alternatifs du Luxembourg (Opal), de la position des opérateurs. L’Opal regroupe la quasi-totalité des opérateurs alternatifs de télécommunication et est à ce titre un interlocuteur direct pour le gouvernement ainsi que pour les institutions nationales ou européennes régissant le secteur des télécommunications.www.paperjam.lu

La réduction des frais d’itinérance, connus souvent sous le terme de roaming, avait été un des chevaux de bataille de la Commission européenne du temps où Viviane Reding avait la main sur ce dossier, puis lorsque Neelie Kroes lui a succédé. Le "paquet Télécom" proposé par cette dernière en septembre 2013 prévoyait la disparition des frais d’itinérance. Une position que le Parlement européen avait soutenue en avril 2014 en fixant pour date d’abolition des frais d’itinérance la mi-décembre 2015. Le dossier était toutefois resté bloqué au Conseil.

Dans un souci de faire avancer le paquet Télécom, la Présidence lettone du Conseil de l’UE a proposé dans une feuille de route l’introduction d’une "allocation d'itinérance de base" qui viendrait retarder de trois ans la disparition des frais d'itinérance. Une proposition qui ne manque pas de faire débat au Luxembourg, où Viviane Reding, désormais eurodéputée, s’inquiète de la puissance du lobbying, ce dont s’est aussitôt défendu le Premier ministre et ministre des Communications et Médias, Xavier Bettel.

L’implémentation du principe 'roaming like at home' n’est actuellement "pas soutenable économiquement"

Du côté des opérateurs luxembourgeois, Claude Bizjak défend clairement la proposition faite par la Présidence lettone, dont il souligne qu’elle "se base sur une étude très poussée, qui a été effectuée par le corps des régulateurs télécoms européens (Berec)". Claude Bizjak rappelle que cette étude concluait en décembre 2014 que l’implémentation du principe 'roaming like at home' n’était actuellement "pas soutenable économiquement". Le principe du "roaming like at home" revient à supprimer les frais d’itinérance en payant le même prix que l’on appelle dans le pays où l’on se trouve ou dans un autre pays de l’UE.

"In fine, la décision ne va donc pas à l’encontre des intérêts des consommateurs, mais au contraire, elle rectifie une proposition qui aurait risqué d’enchérir les services mobiles nationaux"

Le logo de la Fédération des opérateurs alternatifs du Luxembourg (OPAL)Le secrétaire général de l’Opal explique la réalité à laquelle les opérateurs luxembourgeois sont confrontés au quotidien : "dans la pratique, pour tout le trafic généré en roaming par leurs clients, les opérateurs luxembourgeois sont tenus de rétribuer les opérateurs étrangers sur la base de tarifs wholesale qui sont souvent plus élevés que les prix nationaux offerts aux clients finaux".  Les tarifs "wholesale" sont tout simplement les tarifs de gros que les opérateurs appliquent entre eux. Claude Bizjak explique par conséquent qu’au Luxembourg, "l’application pure et dure du principe 'roaming like at home' aurait donc immanquablement mené à une augmentation substantielle des tarifs nationaux, ceci au détriment de la grande majorité des clients". "In fine, la décision ne va donc pas à l’encontre des intérêts des consommateurs, mais au contraire, elle rectifie une proposition qui aurait risqué d’enchérir les services mobiles nationaux", conclut le secrétaire général de l’Opal. Autant d’arguments qu’avaient avancés la veille le Premier ministre, qui est aussi ministre des Communications, et un de ses conseillers Pierre Goerens.

Claude Bizjak précise toutefois "que la réglementation n’a de facto pas été repoussée à 2018". Il explique en effet que le document mis sur la table par la Présidence lettone "prévoit la mise en place d’un nouveau mécanisme de régulation ('basic roaming allowance') qui pourrait entrer en vigueur dès l’été 2016".

 "Ce dernier serait réévalué au plus tard en 2018", poursuit le secrétaire général de l’Opal qui estime que cela "permettra aux pouvoirs politiques et aux opérateurs mobiles de trouver une solution qui ne mettra pas en péril le développement des infrastructures mobiles en Europe".

"Le roaming avait, a et aura toujours un coût – en tout cas pour les opérateurs"

Invité à réagir aux commentaires de l’ULC, qui avait pris position par voie de communiqué le 30 janvier en affirmant que "les frais d’itinérance constituent un bénéfice pur" pour l’industrie des télécommunications, Claude Bizjak juge que cette affirmation "témoigne d’un manque de compréhension du fonctionnement de l’itinérance".

 "Il est clair que les frais d’itinérance wholesale facturés par les opérateurs étrangers ne permettent pas aux opérateurs luxembourgeois d’appliquer purement et simplement les tarifs nationaux en roaming", justifie le secrétaire général de l’Opal qui estime que "la simple existence de ces tarifs wholesale (souvent plus élevés que certains tarifs nationaux pratiqués au Luxembourg, ainsi que le précise la rédaction de Paperjam) suffit à démontrer qu’il ne s’agit pas d’un 'bénéfice pur'". "Le roaming avait, a et aura toujours un coût – en tout cas pour les opérateurs", assure Claude Bizjak en affirmant que "c’est d’ailleurs aussi la conclusion de la Commission européenne".