Principaux portails publics  |     | 

Commerce extérieur - Environnement - Santé
Dans une lettre adressée à Jean-Claude Juncker, cinq ONG s’inquiètent de voir la Commission proposer de réformer le système d’autorisation de commercialisation d’OGM sur le modèle de celui désormais appliqué pour les autorisations de mise en culture
08-04-2015


Dans une lettre adressée au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le 8 avril 2015, cinq ONG font part de leurs inquiétudes quant à la proposition que la Commission européenne entend mettre sur la table le 22 avril prochain pour réformer la procédure d’autorisation à l’importation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’UE.

Alors qu’un accord a pu être trouvé après de longues années de négociations ardues sur un système d’autorisation de mise en culture d’OGM qui laisse aux Etats membres la possibilité d’interdire sur leur territoire la culture d’OGM autorisés dans l’UE, la Commission  envisagerait en effet d’appliquer le même principe pour les importations d’OGM principalement destinés à l’alimentation humaine et animale. Un système "à la carte" que Greenpeace, Friends of the Earth Europe, Food and Water Europe, l’IFOAM, qui réunit les agriculteurs bio, et Slow food voient comme "une tentative de faire passer la responsabilité de l’UE aux Etats membres" qui "ne rendrait pas l’UE plus démocratique" à leurs yeux.

Le système actuel d’autorisation, dénoncé tant par les pro-OGM que par ceux qui s’y opposent, conduit la Commission à devoir prendre des décisions par la procédure de comitologie dans la mesure où les blocages au Conseil, qui doit se prononcer à la majorité qualifiée, se répètent de façon systématique à chaque nouvelle demande d’autorisation.

Le dernier exemple en date, qui est cité par les ONG dans leur lettre, concernait la mise en culture du maïs TC1507 que la Commission n’a pas eu "d’autre choix que d’autoriser" faute de majorité qualifiée pour l’interdire. Entre temps les nouvelles règles concernant la mise en culture, confirmées par le Conseil le 2 mars 2015, ont été publiées au Journal officiel de l’UE le 13 mars 2015 et sont donc désormais en vigueur.

Mais pour les signataires de cette lettre, cet exemple témoigne d’un "déficit démocratique criant", et ils insistent sur le fait que "le fossé qui se creuse entre l’UE et ses citoyens" évoqué par Jean-Claude Juncker dans ses priorités est particulièrement profond en ce qui concerne les OGM.

Les cinq signataires de la lettre rappellent à Jean-Claude Juncker les  engagements pe-juncker-elu-140715qu’il a pris lors de sa nomination au poste de président de la Commission européenne. Il avait en effet indiqué aux eurodéputés réunis en plénière qu’il ferait en sorte que les règles de procédure pour l’autorisation des OGM soient revues. "Je ne voudrais pas que la Commission puisse décider alors qu’une majorité des Etats membres ne l’y auraient pas invité", avait-il déclaré devant le Parlement européen en juillet 2015.  Un engagement que l’on retrouve aussi dans ses priorités.

Or, le nouveau système que la Commission s’apprêterait à proposer selon les ONG continuerait de laisser à la Commission la possibilité d’autoriser des OGM contre la majorité des Etats membres au Conseil et contre la position de Parlement européen, dénoncent les auteurs de ce courrier.

Selon eux, une telle proposition poserait par ailleurs des problèmes à la fois pratiques et juridiques et cela ne parviendrait pas à protéger les citoyens européens et l’environnement des risques posés par les OGM.

Dans le communiqué de presse diffusé par les ONG qui ont rédigé cette lettre, il est ainsi fait mention de l’accord de libre-échange actuellement négocié entre l’UE et les Etats-Unis (TTIP). Les ONG estiment en effet que le projet de la Commission "pourrait permettre à la Commission d’ouvrir le marché européen aux OGM" et ils soulignent que "les autorités américaines font pression sur la Commission pour laisser passer 17 OGM actuellement en attente d’autorisation à l’importation". Car si les pays auraient en principe le droit de s’opposer à l’importation d’OGM autorisés au niveau européen dans le cadre des nouvelles règles que la Commission se préparerait à proposer, les ONG s’inquiètent de voir ces possibles exemptions ne pas valoir devant les règles du marché intérieur ou les accords de commerce internationaux. "Les craintes exprimées dans le contexte des négociations du CETA et du TTIP pourraient dans ce cas s’avérer réelles", ajoute ainsi Martina Holbach, chargée de campagne chez Greenpeace Luxembourg.

Martina Holbach estime que "la crédibilité de Jean-Claude Juncker" va être mise à l’épreuve dans cette affaire. "Au lieu de la réforme urgente des procédures d’autorisation, il risque d’y avoir bientôt plus d’autorisations d’OGM en Europe sous la bannière du libre-échange", craint en effet la militante écologiste qui appelle le président de la Commission à "supprimer les faiblesses du système d’autorisation au lieu de lancer la balle dans le camp des Etats membres et de se soustraire ainsi à ses responsabilités".

"Nous espérons que vous tiendrez votre promesse de renforcer le contrôle démocratique sur les autorisations d’OGM de façon à rendre l’UE plus démocratique et à donner la priorité aux préoccupations des citoyens", concluent les signataires de cette lettre.