Les députés européens ont approuvé le 28 avril 2015 lors d’une séance plénière un compromis sur la limitation des biocarburants de première génération, a indiqué le Parlement européen dans un communiqué. Le projet législatif vise à plafonner la production de biocarburants traditionnels à 7 % de la consommation énergétique finale dans les transports d'ici 2020 et à accélérer le passage à d'autres sources comme les agrocarburants de seconde et troisième génération, produits à partir de déchets, de paille ou encore d’algues. Il vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par l'utilisation croissante des terres agricoles pour produire des biocombustibles.
Le compromis a été approuvé par 531 voix pour, 132 contre et 27 abstentions. Quatre eurodéputés luxembourgeois ont voté en faveur de la nouvelle législation, tandis que Claude Turmes (Verts) a voté contre, fidèle à son groupe. L’eurodéputée Viviane Reding (PPE) n’a pas voté.
Pour mémoire, ce compromis sur la réforme des agrocarburants entre le Parlement européen et le Conseil avait été approuvé le 14 avril 2015 par la commission de l’Environnement.
Ce compromis suit la position du Conseil, adopté en décembre 2014. Dans sa position initiale, la commission ENVI avait demandé un plafond de 6 %, tandis que la Commission européenne avait plaidé pour 5 %. Le projet législatif prévoit de modifier la directive sur la qualité des carburants 2009/30/CE et celle sur les énergies renouvelables 2009/28/CE. Cette dernière prévoit un objectif contraignant de 10 % d’énergies renouvelables, et pas uniquement de biocarburants, de la consommation finale d’ici 2020 dans le secteur des transports.
"Nous avons réussi à faire avancer un dossier très technique, technologique et idéologique", a déclaré le rapporteur du projet Nils Torvalds (ADLE), mais il s'est également demandé à haute voix si la législation, telle que modifiée, était assez forte. "Nous avions des objectifs beaucoup plus élevés. Tant en termes de réductions d'émissions de gaz à effet de serre qu'en matière de progrès technologique. Si l'Europe ne va pas de l'avant, elle restera à la traîne. Nous avons aussi le problème systémique de la minorité de blocage au Conseil, qui se transforme parfois en une dictature de la minorité, avec des États membres qui ont peur de l'avenir", a-t-il ajouté.
Un des grands enjeux du compromis était la prise en compte des "changements indirects de l'affectation des sols" (CIAS ou, en anglais, ILUC), demandée par le Parlement européen depuis 2008. La nouvelle législation prévoit que les fournisseurs de carburant fassent rapport aux pays de l'UE et à la Commission européenne du niveau estimé des émissions causées par le CIAS, c'est-à-dire la libération de plus de terres pour produire les cultures vivrières nécessaires au moment où les terres sont passées à la production de biocarburants. Ensuite, la Commission doit signaler et publier des données par rapport à ces émissions liées au CIAS et présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil à propos de la possibilité d'inclure des facteurs d'émission CIAS parmi les critères de durabilité existants.
Les États membres de l'UE devront fixer un objectif national, au plus tard 18 mois après l'entrée en vigueur de la directive, pour les biocarburants avancés, par exemple provenant de certains types de déchets et de résidus et de nouvelles sources telles que les algues, de la consommation énergétique totale dans les transports.
L’eurodéputée française Angélique Delahaye (PPE) s'est félicitée dans un communiqué du vote sur "un accord équilibré". "Notre rôle est d'accompagner et d'encourager un changement de cap afin de répondre aux besoins environnementaux, mais aussi de ne pas détourner les citoyens de l'Union européenne", a-t-elle déclaré, regrettant seulement qu'il n'ait pas été possible d'aller plus loin en fixant un objectif contraignant pour les biocarburants avancés.
Le groupe S&D a fait état dans un communiqué de "négociations très dures" avec les Etats membres, qui étaient "fortement influencés" par des lobbys. L’eurodéputé Seb Dance s’est néanmoins félicité que son groupe ait réussi à introduire dans le projet la prise en compte de la hiérarchie des déchets et les droits fonciers de la population indigène et qu’il y a aura une réévaluation dans cinq ans. Matthias Groote a jugé pour sa part que la nouvelle législation va améliorer la situation actuelle, mais qu’elle n’est "en aucun cas satisfaisante". Le groupe a l’intention de présenter de nouvelles propositions pour un usage "plus efficace et plus éthique" des agrocarburants, a-t-il ajouté.
Le groupe GUE/NGL s’est dit déçu du fait que le plafond de 6 % proposé par le Parlement européen n’ait pas été retenu. Il ne s’agit que d’un "grand échec" pour l’environnement et le Parlement européen, a déclaré dans un communiqué l’eurodéputée Kateřina Konečná, accusant le rapporteur Nils Torvalds d’avoir cédé à la pression des Etats membres et de l’industrie des agrocarburants. Elle a également critiqué le fait que les Etats membres ne sont pas obligés de rendre compte ou de de réduire les émissions causées par le CIAS.
Les Verts ont dénoncé une législation qui est "loin d'être performante" et qui "permet de continuer à promouvoir les agro-carburants responsables de la dégradation climatique". L’eurodéputée Michèle Rivasi a critiqué un "plafond résolument trop élevé" et accusé les Etats membres d’avoir réussi d’affaiblir la proposition de la Commission européenne. "Il est complètement insensé que l'Union européenne exacerbe cette tendance en incitant à l'utilisation de terres agricoles pour la production de carburants destinés aux voitures", a-t-elle dit.