Le 19 mai 2015, la Commission européenne a lancé une procédure d'infraction contre l'Allemagne concernant l'application de sa loi sur le salaire minimum au secteur des transports. Après un échange d'informations avec les autorités allemandes et une analyse juridique approfondie des dispositions de cette loi, la Commission a adressé à l'Allemagne une lettre de mise en demeure, première étape d'une procédure d'infraction. Berlin a désormais deux mois pour y répondre.
Pour mémoire, le 1er janvier 2015, l’Allemagne a instauré par une loi un salaire minimum à 8,50 euros de l'heure. Cette loi s'applique également aux entreprises établies hors d'Allemagne qui fournissent des services sur le territoire allemand. Dans certains secteurs, notamment les transports, les entreprises établies hors d'Allemagne sont tenues à des obligations de notification envers les autorités douanières allemandes et doivent utiliser à cette fin les formulaires ad hoc que leur fournissent les autorités allemandes. Le contrôle de l'exécution de ces obligations incombe aux autorités douanières allemandes. Toute infraction à ces obligations de notification est passible d'une amende de 30 000 euros au maximum, et si le montant de la rémunération versée n'est pas conforme au droit allemand, l'amende peut atteindre 500 000 euros.
Cette loi avait en conséquence suscité un fort mouvement d’opposition de la part des transporteurs routiers internationaux, notamment polonais et tchèques, où le salaire minimum représente environ un quart du salaire minimum en Allemagne. D’aucuns estimaient que celle-ci était « anti-européenne » et qu’elle constituait une pratique de « dumping social ».
Dans ce contexte, et face au flou qui entoure l’application de la législation européenne en matière de dumping social, l’Allemagne avait décidé de suspendre temporairement l’application de son nouveau salaire minimum aux routiers en transit, en attendant une décision de la Commission européenne. En revanche, le salaire minimum continuait de s'appliquer au cabotage et au transport international de et vers l'Allemagne.
Si la Commission soutient « sans réserve » l'instauration d'un salaire minimum en Allemagne, mesure « conforme à l’engagement de la Commission Juncker en matière de politique sociale », elle considère que l'application de la loi sur le salaire minimum à toutes les opérations de transport qui touchent le territoire allemand restreint de manière disproportionnée la libre prestation des services et la libre circulation des marchandises.
Plus particulièrement, la Commission estime que l'application de cette loi au transit et à certaines opérations de transport international n'est pas justifiée, en ce qu'elle crée des obstacles administratifs disproportionnés au bon fonctionnement du marché intérieur. Elle considère que des mesures plus proportionnées pourraient être prises pour garantir la protection sociale des travailleurs et une concurrence équitable sans porter atteinte à la libre circulation des services et des marchandises.
La Commission conclut qu’en tant que gardienne des traités, elle doit veiller à ce que l'application des mesures nationales soit parfaitement compatible avec le droit de l'UE, notamment la directive sur le détachement des travailleurs (directive 96/71/CE), l'acquis en matière de transports et le principe de libre circulation des services et des marchandises inscrit dans le traité, eu égard au principe de proportionnalité.
A noter que selon la Commission, la lettre de mise en demeure fait spécifiquement référence à la loi allemande sur le salaire minimum et ne préjuge aucunement des autres initiatives que la Commission pourrait prendre pour clarifier les règles, par exemple dans le cadre du train de mesures sur la mobilité des travailleurs, qui devrait être adopté avant la fin de l'année.