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Agriculture, Viticulture et Développement rural - Environnement
Une étude de la Commission européenne sur la disparition des colonies d'abeilles dans l'Union européenne montre que le taux de mortalité est plus important dans le nord de l’UE
05-05-2015


Le logo de l'étude Epilobee sur la mortalité des colonies d'abeille réalisée par la Commission européenne (c) Commission européenneLe 5 mai 2015, la Commission européenne a publié le rapport final de son étude épidémiologique sur la disparition des colonies d'abeilles dans l'Union européenne (UE), Epilobee 2012-2014. L’objectif de cette étude menée sur deux ans était d’établir un état des lieux de la mortalité des colonies d’abeilles dans les Etats membres participant et d’étudier les principales maladies affectant les abeilles, après que l’EFSA, l’autorité de surveillance alimentaire européenne, avait pointé, en 2009, le fait que les systèmes de surveillance des abeilles dans l’UE étaient trop faibles et qu’il n’existait pas de données relatives à la mortalité des abeilles. Un premier rapport (Epilobee 2012-2013) avait déjà été publié en août 2014, présentant les résultats observés lors de la première année d’analyse.

L’étude, financée par la Commission européenne a hauteur de 3,3 millions d’euros, a été réalisée par le laboratoire de référence de l’UE pour la santé des abeilles, l'Agence de sécurité sanitaire française (Anses) basé à Sophia-Antipolis (France) et a porté sur quelque 32 000 colonies d’abeilles dans 17 Etats membres (Allemagne, Angleterre et pays de Galles, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Pologne, Portugal, Slovaquie, Suède) . Le Luxembourg n’a pas pris part à l’étude.

L’étude montre que les pays du nord de l’UE sont les plus touchés par le phénomène de la disparition des abeilles. Même si les disparitions de colonies d’abeille ont diminué lors de la deuxième année (variant de 2,6 % à 23,4 % selon les pays en 2013-2014 et de 3,1 % à 35,9 % en 2012-2013), deux années consécutives d’analyse ne suffisent pas à établir une tendance générale, notent les auteurs du rapport, les conditions climatiques ayant très certainement influencé les pertes hivernales, et il faudrait mettre ces résultats en perspective avec d’autres facteurs de risque comme les pesticides, les agents pathologiques ou la nourriture ingérée par les abeilles. En ce qui concerne les maladies, l’étude note une tendance à la baisse lors de la deuxième année. Alors que la loque américaine et la varroose ont été présentes dans presque tous les Etats membres aux cours des deux années, les autres maladies ont été plutôt faiblement représentées.

D’une manière générale, ces résultats sont à interpréter avec précaution, notent les auteurs du rapport. Il appartient encore de les analyser et les interpréter conjointement avec l’EFSA car les corrélations avec les facteurs de risque potentiels comme la température et le climat, connus pour avoir des effets sur les disparitions d’abeilles, sont toujours à l’étude.

Les principaux résultats de l’étude

Le taux de mortalité annuel

En 2013-2014, deux Etats membres ont enregistré des taux de mortalité des colonies d’abeille supérieurs à 20 % : la France avec 23,4 % et la Belgique avec 22,6 %. Dans cinq autres Etats membres, le taux de mortalité était supérieur à 10 % : en Suède (19,2 %), au Danemark (17,6 %), en Finlande (13,9 %), en Estonie (11,1 %) et en Grèce (10,6 %). Cinq pays enregistraient des taux de mortalité inférieurs à 10 % : il s’agissait de l’Allemagne et de l’Espagne avec 9,4 %, du Portugal avec 9 %, de l’Estonie avec 7,5 % et de la Hongrie avec 6,3 % alors que les deux autres Etats membres restant se plaçaient sous la barre des 5 % : Slovaquie (2,7 %) et Lituanie (2,6 %).

Au cours de l’année 2012-2013, les taux de mortalité étaient bien plus élevés avec six pays où ils dépassaient les 20 % : Belgique (35,9 %), Angleterre (34,7 %), Suède (32,3 %), Estonie (28 %), Finlande (27 %) et France (22,3 %). Dans six autres pays, ils étaient supérieurs à 10 % : Danemark (18,5 %), Portugal (18,1 %), Pologne (16,9 %), Lettonie (16,9 %), Allemagne (16,3 %) et Espagne (16 %) alors que dans les cinq Etats membres restant, ils étaient inférieurs à 10 % : en Hongrie (9,9 %), Grèce (8,2 %), Slovaquie (6,2 %), Italie (5,1 %) et Lituanie (3,1%).

D’une manière générale, c’est dans les pays du nord de l’Europe que le taux de mortalité des abeilles était le plus élevé.

La mortalité hivernale

Au cours de l’hiver 2012-2013, la mortalité des abeilles a varié de 3,2 % à 32,4 % selon les Etats membres, des chiffres nettement supérieurs aux taux relevés au cours de l’hiver suivant (2013-2014) où il variait entre 2,4 % à 15,4 % selon les pays.

En 2013-2014, six pays enregistraient des taux de mortalité supérieurs à 10 % : la Suède (15,4 %), le Danemark (14,9 %), la Belgique (14,8 %), la France (13,7 %), le Finlande (12,4 %) et l’Estonie (10,2 %), soit des pays situés pour la plupart au nord de l’Europe. Au contraire, seuls cinq pays enregistraient des taux inférieurs à 5 % : l’Italie (4,8 %), la Hongrie (4,8 %), la Pologne (4,5 %), la Slovaquie (2,5 %) et la Lituanie (2,4 %).

Au cours de l’hiver 2012-2013, cinq Etats membres ont dépassé les 20 % : la Belgique (32,4 %), l’Angleterre (29,3 %), la Suède (28,7 %), la Finlande (23,7 %) et l’Estonie (23 %). Sept Etats membres se plaçaient au-dessus de la barre des 10 % : le Danemark (19,8 %), la Lettonie (18,7 %), la Pologne (16 %), le Portugal (14,9 %), la France (14,2 %), l’Allemagne (13,3 %) et l’Espagne (10,2%). Seule la Lituanie enregistrait un taux de mortalité des colonies d’abeilles inférieur à 5 % (3,2 %). 

La mortalité pendant la saison apicole

Les taux de mortalité des colonies pendant la saison apicole ont été largement inférieurs aux pertes hivernales : au cours de la saison du printemps-été 2013, le taux de mortalité a dépassé les 10 % en France seulement (10,5 %), l’Angleterre (8,8 %), la Belgique (7,5 %), l’Espagne (6,5 %) et la Finlande (5,8 %) se plaçant entre 5 % et 10 % et les douze restant étant tous en dessous des 5 %.

L’année suivante (printemps-été 2014), le taux de mortalité a augmenté en France pour atteindre les 11,1 %, alors que seulement deux pays se situaient au-dessus des  5 % : Belgique (9,1 %) et Grèce (5,7 %), les treize autres étant sous les 5 %. Globalement, les taux sont restés relativement proches de la saison précédente.

Variabilité des maladies

En 2013-2014, la maladie AFB ("American Foulbrood" ou loque américaine) était en recul par rapport à l’année précédente : observée dans tous les Etats membres à l’exception de l’Allemagne, avec des taux inférieurs à 6 % (sauf en Lettonie où il pouvait atteindre jusqu’à  10,5 %), elle était présente dans presque tous les Etats membres en 2012-2013, sauf en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, avec des taux dépassant les 6 % en Lituanie et en France. Globalement, sur les deux ans, les taux d’AFB n’ont jamais dépassé les 12 %.

En 2013-2014, la maladie EFB (European Foolbrood ou "loque européenne") a été observée dans seulement cinq Etats membres (Belgique, Finlande, France, Italie et Lettonie), avec des taux n’excédant pas les 5 %. A l’exception de la Belgique, ces quatre Etats membres avaient également des cas d’EFB durant la première année du programme.

En ce qui concerne la varroose, des cas ont pu être relevés dans quatorze Etats membres durant la deuxième année, la Finlande ayant été exempte. En 2012-2013, c’était la Lituanie qui n’avait enregistré aucun cas. Alors que cinq pays avaient enregistré des taux supérieurs à 40 % en 2012-2013, les taux de varroose ont nettement diminué l’année suivante et étaient tous inférieurs à 15 %.

Quant à la nosémose, dix pays présentaient des cas en 2013-2014 alors qu’ils étaient douze en 2012-2013. Le taux maximal a atteint 55,8 % en Pologne en 2012-2013 alors que tous les autres Etats membres enregistraient des taux inférieurs à 16 %. Durant la seconde année, le taux maximal a été enregistré en Pologne également mais il avait alors nettement diminué à 22,6 %.

Enfin, en ce qui concerne la paralysie chronique, des cas ont été relevés dans quatre Etats membres (Belgique, France, Pologne et Espagne) au cours de l’année 2013-2014 mais les taux n’ont pas excédé les 2 %. En 2012-2013, la maladie était présente en France, en Italie et en Espagne seulement avec des taux tous inférieurs à 1,5 %.

Les réactions

Après la publication des résultats par la Commission, plusieurs scientifiques ont vivement réagi au fait que l’étude ne prenne aucunement en compte l’effet des pesticides sur la mortalité des colonies d’abeille. "Cette étude est un peu étrange", a ironisé l'apidologue David Goulson, professeur à l'université du Sussex (Royaume-Uni), cité par un article du journal Le Monde après la publication du premier rapport en 2014. "Ils dépensent plus de 3 millions d'euros pour étudier la santé de l'abeille et ne mentionnent même pas le mot “pesticide” !"

Gilles Salvat, directeur de la santé animale à l'Anses qui a réalisé l’étude, a justifié ce choix sur les coûts que cela aurait impliqué : "si nous avions d'emblée effectué un très grand nombre de prélèvements et d'analyses supplémentaires, le coût aurait été prohibitif. A l'avenir, des études plus ciblées seront faites", a-t-il indiqué au journal Le Monde.

Gérard Arnold, directeur de recherche au CNRS, a pour sa part indiqué que ce choix était "politique, pas scientifique.". "Si on ne recherche que des agents infectieux, on ne risque pas de trouver des résidus de pesticides", a-t-il ajouté.