La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne (UE) doit jouer un "rôle fondamental" dans la politique européenne de la migration, a déclaré Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, le 12 mai 2015 à Luxembourg.
La Haute Représentante, qui effectuait une visite de travail au Grand-Duché, a ainsi estimé que cette Présidence qui débutera en juillet 2015 et qu’elle juge "très importante", arrive à un "moment crucial". Selon elle, le "message clé" de cette Présidence devrait être que l’Europe arrive à "faire face à des défis humanitaires et sécuritaires en tant qu’Europe", c’est-à-dire "les institutions européennes avec les Etats membres", a-t-elle insisté. Cette visite intervient d’ailleurs à la veille de la présentation par la Commission européenne d’un Programme européen en matière de migration.
L’Europe est prête à prendre sa responsabilité, mais celle-ci "ne peut pas seulement être européenne" et doit être partagée avec le Conseil de sécurité de l’ONU, a estimé Federica Mogherini. La responsabilité doit être "régionale", a-t-elle encore insisté, en énumérant la Libye, les pays arabes et africains et l’Union africaine. Elle a ainsi rendu compte de sa visite à New-York, la veille, où elle avait présenté devant le Conseil de sécurité les actions de l’UE pour faire face aux drames de l’immigration et plaidé pour une résolution commune qui autoriserait l'arraisonnement et éventuellement la destruction des navires utilisés par les trafiquants.
"Nous ne pouvons pas travailler seuls, il faut un partenariat si nous voulons mettre fin à ces tragédies", avait-elle notamment déclaré la veille à New-York, en appelant à un "effort commun et global". "Ce n'est pas seulement une urgence humanitaire, mais aussi une crise sécuritaire, puisque les réseaux de trafiquants sont liés à des activités terroristes et les financent", avait-elle expliqué. Elle avait également évoqué une "possible opération navale" contre les trafiquants qui est en cours de préparation et qui doit être discutée et adoptée lors du Conseil des Affaires étrangères du 18 mai 2015, avant d’être "lancée" fin juin. Enfin, elle avait affirmé que pas un seul réfugié ou migrant intercepté en mer ne serait renvoyé contre son gré.
La destruction de ces navires est "cruciale" pour l’UE, car elle détruit ainsi le modèle commercial des organisations de trafic d’êtres humains, avait-elle par ailleurs insisté dit lors d’une conférence de presse à New-York, interrogée sur la réticence de la Russie sur ce point. Il ne s’agit pas seulement du problème de la Méditerranée ou de l’Europe, mais d’un problème qu’il faut aborder "à un niveau global" et "l’ONU est le point de référence pour cela", avait-elle ajouté. A Luxembourg, la Haute Représentante a dit attendre la résolution du Conseil de sécurité pour que l’UE puisse agir en conformité avec le droit international en ce qui concerne la destruction de navires des trafiquants, sur base du chapitre 7 de la Charte des Nations unies.
Il est crucial de sauver des vies et de démanteler des organisations criminelles qui risquent d’alimenter le terrorisme, a répété Federica Mogherini à Luxembourg, ajoutant que la destruction des navires n’était qu’un élément parmi d’autres dans une stratégie "globale" contre le trafic d’êtres humains et qu’il fallait également renforcer les voies d’entrée légales dans l’UE.
La Présidence luxembourgeoise jouera par ailleurs un rôle crucial dans la mise en œuvre du Programme européen en matière de migration que la Commission européenne va présenter le 13 mai 2015 et sur lequel les ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur ainsi que les chefs d’Etat et de gouvernement ont pris une "position commune décisive", selon la Haute Représentante. Pour rappel, les chefs d’Etat et de gouvernement avait décidé lors d’un Conseil européen extraordinaire le 23 avril 2015 de tripler les moyens de l’opération de surveillance maritime Triton et envisagé la destruction de navires, tandis que les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur s’était accordés le 20 avril 2015 sur un plan en dix points pour lutter contre les trafiquants en Méditerranée.
Le Programme de migration inclura la proposition d’un système de quotas pour les réfugiés, a indiqué Federica Mogherini qui considère un tel système comme une "partie intégrante" de la politique européenne en matière de partage des charges ("burden sharing") qu’elle préfère appeler "partage des responsabilités". "Les réfugiés ont l’idée de venir en Europe et non pas de venir dans un Etat membre particulier", a-t-elle ajouté. "Il faut assurer que tous les Etats membres assument à parts égales cette responsabilité en tant qu’Européens", a-t-elle insisté.
Federica Mogherini s’est également dite "convaincue" du fait que le Luxembourg jouera un rôle crucial pour garantir une "stricte coordination entre la politique étrangère au niveau communautaire et les efforts des Etats membres", en évoquant le fait qu’il s’agit de la première Présidence pour le Grand-Duché depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a instauré le poste de Haut représentant pour les Affaires étrangères.
Jean Asselborn s’est pour sa part engagé à "tout faire" pour que la politique étrangère de l’UE soit efficace et serve l’image de l’UE. La Présidence luxembourgeoise aura un rôle important à jouer dans la question de la répartition des réfugiés entre les Etats membres, a-t-il encore estimé, jugeant que l’immigration constituera le point fort de la Présidence. Il a également évoqué la 12e réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Asia-Europe Meeting (ASEM), qui aura lieu les 5 et 6 novembre 2015 à Luxembourg et qui accueillera 53 délégations, dont 31 européennes et 22 de l’Asie. Quant aux élections britanniques, il a estimé que des pourparlers entre l’UE et le Royaume-Uni auront très probablement lieu au deuxième semestre 2015, en référence à des articles de médias selon lesquels le Premier ministre David Cameron pourrait avancer le référendum sur une sortie de son pays de l’UE de 2017 à 2016.
Durant sa visite de travail, Federica Mogherini a également eu une entrevue avec Etienne Schneider, Vice-Premier ministre et ministre de la Défense luxembourgeois, a indiqué le gouvernement dans un communiqué. Les pourparlers portaient entre autres sur la révision de la stratégie de sécurité de l’UE qui sera discuté lors du Conseil des Affaires étrangères du 18 mai 2015. Pour Étienne Schneider, cette révision doit tenir compte des nouveaux défis sécuritaires qui se posent à l’UE, indique le communiqué : "La sécurité s’est significativement détériorée dans le voisinage européen depuis décembre 2013, comme en témoigne les exemples à l’Est et au Sud de l’Union européenne. Alors que de telles crises sont devenues plus complexes et plus intenses, d’autres défis se sont pérennisés comme la menace cyber ou le risque d’attaques terroristes." Etienne Schneider et Federica Mogherini ont encore discuté sur la Présidence luxembourgeoise pendant laquelle le Luxembourg organisera plusieurs séminaires relevant de la politique de sécurité et de défense commune, dont les communications satellitaires pour la défense et la sécurité, ou encore les partenariats public-privé en matière de défense. Quant à une future mission de l’UE dans la Méditerranée, le Luxembourg "pourrait contribuer à cette mission par la mise à disposition de capacités satellitaires ou d’avions de surveillance maritime", a fait savoir le gouvernement.
Federica Mogherini a par ailleurs été reçue par le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel et le Grand-Duc. Elle a eu une entrevue avec le président de la Chambre des députés, Mars Di Bartolomeo, et avec les membres de la commission des Affaires étrangères et européennes, de la Défense, de la Coopération et de l’Immigration.