Frontex va prochainement ouvrir un bureau régional à Catane en Sicile, pour mieux gérer le grand flux de migrants qui traversent la Méditerranée, a indiqué le 4 juin 2015 l’agence qui s’occupe de la gestion des frontières de l’UE. "L’objectif est de se rapprocher du terrain. Avec les gardes-frontières, nous allons interroger les migrants pour aider l’Italie à préparer l’éloignement des étrangers en situation irrégulière qui ne relèvent pas de l’asile", a déclaré Fabrice Leggeri, le directeur de Frontex au journal Les Echos. Le personnel de ce bureau régional, un premier projet de ce type pour Frontex, comprendra des agents d'Europol, agence européenne de lutte contre la criminalité organisée.
Selon Frontex, près de 100 000 franchissements illégaux de la frontière extérieure de l’UE ont été enregistrés depuis le début de l’année, contre 40 000 sur la même période de l'an dernier. Cela s'explique pour une part par "un afflux très important de Kosovars" entre janvier et mars, avec une "très forte pression sur la frontière hongroise", a expliqué le 3 juin 2015 Fabrice Leggeri à la presse à Paris, comme le rapporte l’agence afp.
Il a désigné deux routes d'immigration : celle de la Méditerranée centrale, allant de la Libye vers le sud de l'Italie, et celle de la Méditerranée orientale allant de la Turquie vers la Grèce, qui est beaucoup moins mortelle. Dans le cas de la route entre Turquie et Grèce, l'évolution des arrivées est spectaculaire avec, a-t-il noté, une explosion de "+ 550 % pour la route passant par la mer Egée".
En Grèce, le nombre de migrants a fortement augmenté depuis le début de l'année, indique l’afp. Après avoir été multipliées par trois au premier trimestre par rapport à la même période de l'année dernière, les arrivées en Grèce pour le seul mois d'avril ont enregistré une hausse de 870 % par rapport à avril 2014, selon les données de la section grecque du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Quelque 13 500 migrants sont entrés en Grèce, dont 58 % Syriens et 21 % Afghans, ajoute l’afp.
Tandis qu’environ la moitié des migrants sur cette route sont des Syriens, Fabrice Leggeri note une "quasi disparition" des Syriens dans les flux arrivés par l'Italie, remplacés par des migrants d'origine sub-saharienne "qui ont d'avantage un profil de migrants irréguliers économiques". Aux Echos, il a expliqué pourquoi : "Les familles syriennes préfèrent éviter la Libye car les conditions de sécurité s’y sont nettement dégradées. Les passeurs sont beaucoup plus violents en Libye". Et d’ajouter : "Depuis janvier, les Syriens ne viennent plus de Libye. La situation change. Les routes migratoires sont extrêmement flexibles et peuvent se modifier rapidement".
Fabrice Leggeri appelle dans cette interview à renforcer l’identification et la prise d’empreintes des migrants, un des points qui figurent dans l’agenda en matière de migration de la Commission, "pour mieux préparer l’éloignement éventuel de ceux qui n’ont aucune possibilité juridique d’obtenir un titre de séjour". Selon lui, la Commission européenne "a prévu le renforcement du rôle de Frontex pour aider les Etats membres de l’UE à préparer et effectuer l’éloignement des étrangers en situation irrégulière". En Méditerranée centrale, il pourrait y avoir à certains moments jusqu’à 60 % des migrants qui ne seraient pas des demandeurs d’asile, a-t-il ajouté. Néanmoins, Frontex assure également des opérations de secours : "Parallèlement, dès qu’il y a des appels de détresse reçus, les moyens de Frontex sont mis à disposition pour faire du secours en mer", a précisé Fabrice Leggeri.
La situation est "toujours très critique en Sicile", a déclaré Fabrice Leggeri, rappelant qu’un nombre "record" de 5 000 migrants partis sur 25 bateaux de Libye ont été secourus le week-end dernier en l’espace de trois jours. Il s’agit de "la vague la plus importante de migrants que l’on n’a jamais vue", avait averti Fabrice Leggeri dans un communiqué qui indique que 17 corps ont également été découverts.
Interrogé sur le nouveau plan opérationnel de Triton, signé fin mai après la décision du Conseil européen de tripler les moyens de l’opération, Fabrice Leggeri a indiqué aux Echos que Frontex a multiplié par deux les moyens aériens et par trois certaines catégories de bateaux. "On va déployer neuf équipes de gardes-frontières dans les ports de débarquement pour auditionner les migrants à chaque débarquement en Sicile", a-t-il ajouté.
Quant à l’opération navale en Méditerranée contre les trafiquants, que le Conseil des Affaires étrangères vient d’approuver et pour laquelle l’UE cherche à avoir l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU, Fabrice Leggeri a expliqué qu’elle sera pilotée par le Service européen d’action extérieure (SEAE). "Frontex ne peut pas aller détruire des bateaux", a-t-il dit.
Sans compter les 5 000 migrants secourus le week-end dernier, 37 000 migrants sont arrivés depuis le début de l’année en Italie, selon le communiqué de Frontex, tandis que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) évoque un nombre de 45 000 personnes. "Au cours du mois de mai seulement, l’Italie a enregistré près de 20 000 arrivées. Cette année, les pays du sud de la Méditerranée en ont enregistré plus de 85 000", a déclaré Federico Soda, Directeur du Bureau de coordination de l’OIM pour la Méditerranée dans un communiqué.
L’OIM estime que 1 829 migrants ont trouvé la mort en traversant la Méditerranée entre le 1er janvier et le 7 mai 2015, contre 207 pour la même période de l’an dernier. Selon l’infographie publiée par l’OIM, 1 780 personnes ont perdu leur vie en traversant la Méditerranée entre la Libye et l’Italie, contre seulement 31 entre la Turquie et la Grèce. De manière générale, ces statistiques confirment, selon l’ONG, que l’année 2015 "s’avère être une année encore plus meurtrière que 2014, alors que près de 3 300 migrants ont péri".