Dans un communiqué de presse publié le 11 février 2015, le syndicat Sidérurgie et Mines de l'OGBL annonce qu'il ne participera pas à la manifestation organisée par l'association européenne des producteurs d'acier Eurofer, le 15 février 2016 dans les rues de Bruxelles, afin de protester contre le dumping dont est victime le secteur sidérurgique et l'éventuel octroi du statut d'économie de marché à la Chine.
Le syndicat indépendant luxembourgeois dénonce d'abord le fait que cette mobilisation ait été lancée "sans concertation préalable avec les organisations syndicales" ni vérification de la position de leur fédération européenne IndustriAll. Il ne se joindra ainsi pas au mouvement, "sans toutefois empêcher qui que ce soit de s'associer à titre personnel à cette manifestation", dit-il.
L'OGBL ne peut pas non plus accepter les revendications exprimées par EUROFER, quand bien même il peut se retrouver "dans l'une ou l'autre revendication formulée". L'OGBL est ainsi d'accord sur les conséquences catastrophiques que pourraient avoir l'éventuel octroi du statut d'économie de marché à la Chine. Ce serait "une erreur fondamentale, remettant en question la survie, non seulement des quelque 380 000 emplois sidérurgiques en Europe, mais rendrait également extrêmement difficile la survie des millions d'emplois dans l'industrie manufacturière", dit-il.
Par contre, à la différence du patronat qui ne demanderait que des mesures d'urgence, telles l'établissement d'un prix plancher pour les produits sidérurgiques, l'OGBL revendique la mise en place de mesures visant à « pérenniser l'industrie sidérurgique européenne et des emplois de qualité", dit le syndicat.
Eurofer avait annoncé son initiative dans un communiqué de presse daté du 8 février 2016. Elle y disait son intention de regrouper 5000 manifestants, employés, employeurs et représentants syndicaux confondus, issus de plus de 15 Etats membres, pour démontrer leur attachement à un commerce libre et équitable, à la croissance et à l'emploi en Europe, et leur opposition au dumping chinois sur le marché européen et à l'attribution du statut d'économie de marché à la Chine. La manifestation serait organisée sous la protection de l'AEGIS, Alliance européenne de 30 secteurs industriels dont les producteurs d'acier, d'aluminium, de céramique, de verre, de panneaux solaires et de bicyclettes, qui le même jour avait lancé son "Manifesto pour un commerce libre et équitable".
"Les importations sous-évaluées en provenance de Chine, dont le volume a doublé depuis 18 mois, inondent le marché européen et causent des fermetures irréversibles et pertes d'emploi dans le secteur industriel européen", expliquait le directeur général d'EUROFER, Axel Eggert, dans le communiqué. Il soulignait que la Chine avait une surcapacité de 400 millions de tonnes d'acier, soit presque trois fois la demande européenne qui s'élève à 155 millions de tonnes et en attribuait la responsabilité à « l'intervention persistante de l'Etat dans l'économie chinoise."
Il rappelait aussi la position déjà exprimée le 13 janvier 2016, à l'occasion d'un débat d'orientation du Collège des Commissaires au sujet de l'attribution du statut d'économie de marché à la Chine, selon laquelle cette dernière ne remplit qu'un des cinq critères de l'UE pour obtenir le statut d'économie de marché. Ce serait une "folie économique et politique" de lui donner avant qu'elle n'en remplisse ces critères et les conditions prévues par l'Organisation mondiale du commerce.
Par ailleurs, Eurofer présentait un dernier argument selon lequel le dumping aurait des effets néfastes sur les objectifs du système européen d'échange de quotas d'émission (EU ETS). Les produits sous-évalués en provenance de Chine auraient "une empreinte environnementale plus importante – d'au moins 50 % – que leurs équivalents produits dans l'UE". "Ils sapent les objectifs de l'ETS pour réduire les émissions de CO2. L'actuelle proposition de la Commission européenne sur l'ETS après 2020 doit en conséquence garantir qu'elle ne mène pas à des coûts qui ne sont pas supportés par nos compétiteurs à l'échelle mondiale", estimait Axel Eggert, en évaluant à 34 milliards d'euros les coûts supplémentaires qu'engendrerait le nouveau système.
Dans son communiqué de presse, l'OGBL trouve la démarche paradoxale considérant que « ces mêmes employeurs, qui aujourd'hui appellent leurs salariés à manifester, sont largement responsables de la situation actuelle et de ses conséquences". Il évoque pour étayer son propos le "nombre disproportionné" de fermetures de sites de production en Europe et les sous-capacités qui en découlent. Cela aurait contribué "à créer un appel d'attraction pour certains produits chinois (en plus des prix bas pratiqués)". Il fait également référence aux divers partenariats existants entre certains groupes européens et chinois (via des "joint ventures") qui rendent "la situation actuelle plus qu'ambigüe".
La responsabilité patronale serait également engagée par la réduction constante du budget dédié à la "Recherche et Développement" ainsi que des investissements au sein des grands groupes européens au cours de ces dernières années. Enfin, autre circonstance aggravante, "la politique d'austérité salariale, pratiquée de manière concertée en Europe par l'ensemble des grands groupes affecte le pouvoir d'achat des populations et donc aussi indirectement la demande européenne d'acier", pense le syndicat.
Dans une dernière remarque, l'OGBL accueille également favorablement le courrier envoyé le 5 février 2016 par les ministres de 7 pays européens producteurs d'acier à la Commission européenne. L'OGBL salue ainsi l'initiative du ministre luxembourgeois de l'Economie, Etienne Schneider, et de ses homologues français, britannique, allemand, italien, polonais et belge, mettant en garde la Commission européenne et la présidence néerlandaise du Conseil de l'UE contre "un risque important et imminent d'effondrement du secteur européen de l'acier", confronté au "dumping" dans un contexte de surcapacité mondiale. Toutefois, l'OGBL fait remarquer qu'il est dommage que lorsque des grandes restructurations eurent lieu en Europe entre 2009 et 2012, "ces mêmes ministres n'ont pas trouvé le courage ou le temps d'intervenir".