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Semestre européen
Semestre européen 2016 – La Commission décrit les défis que devront affronter les pays de l’UE dans des rapports par pays qui seront discutés avant la rédaction des recommandations en mai
26-02-2016


Le semestre européen 2016 a été lancé le 26 novembre 2015, avec la publication par la Commission de l'examen annuel de croissanceLa Commission européenne a publié le 26 février 2016 son analyse annuelle des défis économiques et sociaux auxquels font face les États membres de l’UE, à savoir les "rapports par pays". Ces rapports rédigés dans le cadre du semestre européen 2016 sont désormais publiés dès le mois de février de façon à suivre les réformes entreprises et à signaler à un stade précoce les défis que les Etats membres doivent relever. Ils vont donc servir de base au dialogue avec les États membres en vue de l’adoption, en avril, de leur programme national de réforme et leur programme de stabilité (pour les pays de la zone euro) ou de convergence (pour les pays hors zone euro), et conduiront à la formulation, à la fin du printemps, des recommandations par pays de la Commission.

Pour 18 États membres recensés dans le rapport 2016 sur le mécanisme d'alerte publié en novembre parallèlement à l’examen annuel de la croissance, les rapports par pays contiennent également le bilan approfondi réalisé dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques. Ce n’est toutefois qu’en mars que la Commission décidera de la catégorie PDM (procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques) dont doit relever chaque État membre visé par un bilan approfondi.

Dans le rapport consacré au Luxembourg, qui, comme les autres, reste un document de travail de la Commission et fera donc l’objet de discussions avant la formulation de nouvelles recommandations, les services de la Commission commencent par faire le point sur la situation économique du Grand-Duché à la lumière de l’examen annuel de la croissance publié le 26 novembre 2015, qui a recommandé que la politique économique et sociale de l’UE s’articule en 2016 autour de trois priorités: relance de l’investissement, poursuite des réformes structurelles pour moderniser les économies des États membres, et politiques budgétaires responsables.

La Commission se base notamment sur les prévisions d’hiver de la Commission et relève une "forte accélération" de l’activité économique au cours de ces dernières années, revenant à des taux de croissance proches de ceux d’avant la crise, puisque la croissance devrait poursuivre sa progression en 2016 et en 2017, à un rythme d’environ 4 %. Mais ses services ne manquent pas de juger "limités" les progrès réalisés dans la mise en œuvre des trois recommandations adressées au Luxembourg en 2015. Les auteurs du rapport pointent aussi un certain nombre de défis à relever. Nombre d’entre eux reviennent de façon récurrente dans les analyses de la Commission de ces dernières années. D’autres, comme la hausse des prix du logement et ses conséquences, ou encore les défis que constituent l’éducation et la nécessité de nouvelles infrastructures au vu des prévisions démographiques, semblent rejoindre des préoccupations formulées jusqu’ici dans les débats qui se livrent au niveau national.

La Commission juge "limités" les progrès dans la mise en œuvre des trois recommandations adressés au Luxembourg au titre du semestre européen 2015

Dans son rapport, la Commission fait le point sur la mise en œuvre des recommandations qui ont été adressées au Luxembourg dans le cadre du semestre européen 2015. Dans l’ensemble, les progrès sont jugés "limités".

"Aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne l’élargissement de l’assiette fiscale sur la consommation, la taxation récurrente des biens immobiliers et la fiscalité environnementale", pointent les services de la Commission qui mettent notamment l’accent sur "le nombre élevé de taux réduits de TVA qui ne répondent pas totalement à la réalisation d’objectifs de redistribution". Le rapport a toutefois été publié quelques jours à peine avant que le gouvernement ne présente son projet de réforme fiscale annoncée de longue date pour 2017, ce que la Commission ne perd bien sûr pas de vue.

"Peu de progrès ont été accomplis en vue de réduire les possibilités de retraite anticipée, alors que les passifs liés au vieillissement continuent de représenter un risque à long terme, en particulier en ce qui concerne le coût des retraites", critique encore la Commission qui relève que Le Luxembourg est le seul pays de l’UE où aucun nouveau relèvement de l’âge légal de départ à la retraite n’a été prévu par la législation.

Enfin, "aucun progrès n’a été accompli en ce qui concerne la réforme du système de fixation des salaires afin que l’évolution des rémunérations reflète celle de la productivité", commente la Commission. L’inflation étant restée très faible, l’évolution salariale est restée "modérée", notent toutefois les services de la Commission qui, de façon constante ces dernières années, se sont montrés très critiques vis-à-vis du mécanisme d’indexation des salaires, qui n’a pas été activé depuis octobre 2013. "Dans un contexte de faible évolution des salaires et de montée en puissance de la production, les pertes de compétitivité en matière de coûts se sont atténuées", commente par conséquent la Commission.

Le rapport fait aussi le point sur les progrès réalisés en vue d’atteindre les objectifs nationaux au titre de la stratégie Europe 2020. Si le Luxembourg affiche de bons résultats pour ce qui est du taux d’emploi, de l’efficacité énergétique, de la réduction du décrochage scolaire et de la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur, il ressort clairement du rapport que des efforts supplémentaires sont nécessaires en ce qui concerne les investissements dans la R&D, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les énergies renouvelables et la réduction de la pauvreté.

La Commission identifie un certain nombre de défis à relever

La Commission pointe depuis plusieurs années les risques que fait peser sur la viabilité à long terme des finances publiques l’augmentation des dépenses liées au vieillissement. Mais ses services tiennent aussi compte de nouvelles projections démographiques qui se traduisent par une nette révision à la baisse des estimations de dépenses par rapport aux données du rapport 2012 sur le vieillissement. Selon le rapport 2015 sur le vieillissement, les dépenses publiques de retraite du Luxembourg représenteront quatre points de pourcentage du PIB supplémentaires d’ici 2040, ce qui, note la Commission, constitue l’une des hausses les plus importantes parmi les États membres de l’UE. Ce résultat est dû à une forte augmentation du nombre de retraités par rapport au nombre de cotisants, est-il expliqué dans le rapport. La révision à la baisse est imputable presque exclusivement à des projections plus favorables concernant le taux de dépendance des personnes âgées et à l’hypothèse sous-jacente d’une forte croissance démographique. Ce qui met par ailleurs en évidence une pression accrue sur la demande d’infrastructures, y compris dans les domaines des transports, de l’éducation et des soins de santé.

Les services de la Commission s’attachent longuement à décrire les spécificités du marché de l’immobilier au Luxembourg et la question de la hausse constante des prix de l’immobilier apparaît pour la première fois aussi crûment comme un défi pour le Luxembourg qui risque de devenir, selon les termes choisis par les services de la Commission, "peu attrayant comme lieu de résidence, réduisant sa capacité à attirer et à conserver une main-d’œuvre très qualifiée, composée en grande partie de ressortissants étrangers". La pression sur les prix de l’immobilier résulte à la fois de l’offre et de la demande, expliquent les analystes de la Commission, qui synthétisent ainsi cette problématique incontournable au Luxembourg : "du côté de l’offre, la disponibilité de terrains et les formalités administratives semblent représenter un frein à la construction de nouveaux logements; du côté de la demande, une forte croissance de la population et de l’emploi, ainsi que, dans une moindre mesure, des politiques fiscales favorisant la propriété poussent les prix à la hausse". Les services de la Commission ne perdent pas de vue l’impact de cette évolution sur les problèmes de circulation routière du pays dans la mesure où les navetteurs vivent assez loin de leur lieu de travail.

La Commission souligne que le Luxembourg possède un secteur financier sain, pour lequel les risques peuvent être qualifiés de limités, où le secteur de la gestion de fonds d’investissement connaît une croissance constante et où les banques nationales affichent des ratios de fonds propres élevés et remplissent leur rôle d’intermédiaire en tant que fournisseuses de crédit à l’économie. Sans surprise, la Commission note que le secteur financier demeure le principal moteur de l’économie nationale, tout en relevant "la forte augmentation de la production économique" observée récemment, qui "s’explique essentiellement par le rétablissement de sa rentabilité". C’est notamment le secteur des fonds d’investissement qui a pris de l’essor, stimulé notamment par les mesures de politique monétaire non conventionnelles de la Banque centrale européenne, explique la Commission qui observe à l’inverse que le faible niveau des taux d’intérêt limite les performances du secteur bancaire et de la branche vie du secteur des assurances.

Mais elle ne perd pas de vue, ce qui n’a rien de nouveau, le fait que "la forte dépendance vis-à-vis du secteur financier, qui est une caractéristique structurelle de l’économie luxembourgeoise, représente un facteur de risque". Les efforts de diversification du gouvernement sont reconnus par les services de la Commission, avec les nuances qui s’imposent selon la réussite plus patente dans certains secteurs, comme les TIC que dans d’autres, comme la biotechnologie. Mais la Commission met aussi en garde contre le fait que "la diversification risque d’être freinée dans sa réalisation par un certain nombre de facteurs, notamment en matière d’innovation et d’esprit d’entreprise, ainsi que par le fait que dans certains secteurs l’évolution des salaires ne suit pas l’évolution de la productivité, ce qui limite les secteurs pouvant être visés, pour l’essentiel, à ceux à forte valeur ajoutée".

 La Commission, qui a fait des investissements une des priorités, pointe un investissement privé qui est "à la traîne", notamment par rapport à la croissance de l’économie, alors que l’investissement public est lui supérieur à la moyenne de la zone euro. "La croissance de l’investissement privé est faussée par les opérations importantes réalisées par les secteurs du transport de marchandises et des satellites", est-il en effet observé dans le rapport. Ses services mettent donc l’accent sur la réduction ou la suppression des obstacles à l’investissement et à l’innovation qui limitent le développement économique, notamment dans les secteurs des services aux entreprises et du commerce de détail. En outre, les performances du Luxembourg dans le domaine de l’entrepreneuriat sont inférieures à la moyenne de l’UE, est-il relevé. Enfin, les nouvelles projections démographiques poussent encore à accroître l’investissement public dans les infrastructures, relèvent une fois de plus les services de la Commission qui escomptent une reprise des investissements publics après une période d’assainissement budgétaire.

Du point de vue de l’emploi, la croissance reste "solide" pour les analystes de la Commission qui relèvent toutefois que "la situation a davantage profité aux travailleurs transfrontaliers qu’aux résidents", ce qui explique que, s’il reste très bas par rapport à la moyenne de l’UE, le taux de chômage n’a pas diminué et ne devrait reculer que légèrement en 2016. Il reste "difficile d’exploiter pleinement le potentiel d’emploi de la population résidente", pointe ainsi la Commission en soulignant que les taux d’emploi sont faibles chez les plus jeunes et les plus âgés. Ses services pointent une fois de plus de "nombreux freins financiers à l’emploi" découlant selon leur analyse de la conception du système de prestations sociales et du régime d’imposition conjointe.

"Les résultats en matière d’éducation" constituent un autre "sujet d’inquiétude" pour la Commission au vu de la stratégie visant à réaliser des efforts de diversification dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Les services de la Commission notent l’influence importante de la situation socioéconomique sur ces résultats, ce qui peut défavoriser particulièrement les personnes d’origine immigrée. "L’adaptation de l’enseignement et de la formation professionnels aux besoins du marché du travail reste une gageure", est-il ainsi indiqué dans le rapport.

Enfin, les services de la Commission observent que même si les risques de pauvreté et d’exclusion sociale au Luxembourg demeurent parmi les plus bas de l’Union, les transferts sociaux continuent de jouer un rôle essentiel dans la sortie de la pauvreté, d’autant plus que les inégalités de revenus ont augmenté (même si le niveau de départ était peu élevé).

En matière de finances publiques, jugées "globalement saines", les services de la Commission saluent le fait qu’elles soient "soutenues par un cadre stratégique solide". Mais ils ne perdent pas de vue non plus que "certaines caractéristiques du système fiscal luxembourgeois sont menacées par des évolutions internationales, sur lesquelles les pouvoirs publics n’ont pas de prise". De leur point de vue, la refonte du système fiscal qui a été annoncée (et présentée le 29 février, après la publication de ce rapport) pourrait intégrer ces facteurs externes dans la conception du régime fiscal. Pour la Commission, qui avait déjà formulé de telles suggestions lors des années précédentes, "une réforme fiscale bien conçue pourrait également contribuer à répondre aux défis environnementaux, qui se rapportent notamment à la transformation de l’économie luxembourgeoise en une économie sobre en carbone et économe en ressources".

Enfin, dernier défi identifié, la Commission relève que le Luxembourg éprouve des difficultés à respecter ses engagements concernant les objectifs fixés au titre de la stratégie Europe 2020 dans le domaine des émissions de gaz à effet de serre ne relevant pas du SEQE. Pour la Commission, cela s’explique par "la conception des politiques actuelles". "D’une part, les droits d’accises relativement faibles sur les carburants suscitent une demande en provenance des pays voisins ;  d’autre part, les voitures de société, qui constituent un important élément en nature des rémunérations, encouragent l’utilisation des véhicules privés plutôt que des transports publics. En outre, la hausse constante des prix des logements dissuade les ménages d’établir leur résidence au Luxembourg, exacerbant ainsi les embouteillages et la pollution", expliquent les experts de la Commission.