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Semestre européen - Economie, finances et monnaie
Le Conseil national des finances publiques plaide pour l’adoption par le Luxembourg d’un objectif budgétaire à moyen terme ambitieux
13-04-2016


Conseil national des Finances publiques (CNFP)Le Conseil national des finances publiques (CNFP) est un organisme indépendant chargé d’évaluer les finances publiques du Luxembourg. Il a été créé par la loi du 12 juillet 2014 relative à la coordination et à la gouvernance des finances publiques. Sa création s'inscrit dans le cadre de la nouvelle gouvernance économique européenne, à savoir du Six-pack, du Two-pack et du Pacte budgétaire.

Le CNFP a publié le 13 avril 2016 une note de réflexion sur la fixation de l’objectif budgétaire (OMT) à moyen terme du Luxembourg pour les années 2017 à 2019. Il fait largement usage dans cette note de sa compétence de pouvoir évaluer les prévisions macroéconomiques et budgétaires qui sont établies dans le cadre de la planification budgétaire, en évaluant celles de la Commission européenne.

Dans sa note, le CNFP constate que le Luxembourg est appelé, "à travers ses divers engagements européens et nationaux, (…) à présenter une situation budgétaire durablement saine".

Il précise que selon le "Pacte de Stabilité et de Croissance" ainsi que d’après la loi du 12 juillet 2014, "la situation budgétaire du Luxembourg est considérée être en équilibre lorsque l’objectif budgétaire à moyen terme (‘OMT ‘) est atteint" et que "l’OMT est actuellement fixé à +0,5 % du PIB en termes structurels".  Pour le CNFP, "l’OMT forme donc un ancrage important dans la gouvernance économique et ainsi contribue à la conduite d’une politique budgétaire prudente à court et à moyen terme."

L’OMT a un triple objectif :

  1. réserver une marge de sécurité suffisante par rapport à la limite de 3 % du PIB fixée pour le déficit public ;
  2. garantir la soutenabilité à long terme des finances publiques ou une progression rapide vers leur soutenabilité ;
  3. et en tenant compte de ce qui précède dégager une marge de manœuvre budgétaire suffisante, notamment pour assurer les besoins en investissement public.

La note souligne qu’ "au titre de la procédure applicable, le Luxembourg est appelé à fixer son OMT pour la période 2017-2019 dans la prochaine actualisation du programme de stabilité et de croissance (PSC) que le gouvernement entend publier fin avril".  Il est précisé que "le gouvernement peut librement choisir le niveau de l’OMT sans que ce dernier ne puisse toutefois être fixé ni en-dessous d’un "OMT minimal" théorique déterminé par la Commission européenne, ni en-dessous d’un seuil de -0, 5% du PIB suivant le ‘Pacte budgétaire’".  

Le CNFP rappelle ensuite qu’ "à l’occasion du dernier tour de fixation des niveaux d’OMT en Europe en 2013, 14 Etats membres de l’UE se sont fixés un OMT plus ambitieux que le minimum requis".

Selon ses calculs "et en application du mode de calcul pour l’OMT minimal, le Luxembourg pourrait en théorie abaisser son OMT de +0,5 % du PIB à -0,5 % du PIB".  

On lit ensuite : "Le CNFP met cependant en garde contre une réduction mécanique de l’OMT du simple fait de la baisse du niveau théorique minimal, puisque cette baisse découle largement de la projection de 1,1 million d’habitants d’ici 2060, hypothèse plus favorable pour les finances publiques en comparaison à l’ancienne hypothèse datant de 2012."

En clair, le CNFP se trouve confronté à deux hypothèses  démographiques que la Commission  européenne a publiées l’une dans son "Ageing Report" de 2012 et l’autre dans son "Ageing Report" de 2015.

En 2012, l’hypothèse est celle d’un Luxembourg peuplé en 2060 par 730 000 habitants. Les dépenses pour les pensions seraient alors de 18,6 % du PIB.  En 2015, l’hypothèse est celle d’un Luxembourg qui compte 1,1 million d’habitants, et les dépenses pour les pensions ne représenteraient plus que 13,4 % du PIB. Ce scénario macroéconomique est jugé "bien plus optimiste qu’auparavant" et la projection démographique "révisée significativement à la hausse".

Mais le CNFP cite la Commission européenne, qui, dans son rapport sur le Luxembourg de février 2016 souligne à la page 21 que "même si elle a été revue à la baisse, l’augmentation prévue des dépenses totales liées au vieillissement constitue toujours un défi de taille." D’un côté, "l’amélioration par rapport à la projection précédente s’explique essentiellement par des projections démographiques plus favorables". Et de l’autre côté, "les hypothèses démographiques sous-jacentes impliquent cependant que le Luxembourg risque de se trouver confronté, dans l’avenir, à d’importants besoins d’investissement pour faire face à la demande croissante d’infrastructures, y compris dans le domaine des transports, de l’éducation et de la santé, ainsi qu’aux coûts d’entretien ou de fonctionnement associés à celles-ci." 

Pour le CNFP, l’hypothèse de 2015 repose, lit-on dans ce contexte, "sur un scénario bien plus favorable et plus contesté".

Dans l’hypothèse optimiste de 2015, et si le gouvernement voulait stabiliser la dette publique en-dessous de 60 % du PIB, seuil permis par les traités et accords, un OMT minimal  de - 0,5 % serait possible entre 2017 à 2019. Dans l’hypothèse plus prudente de 2012, il faudrait garder, pour stabiliser la dette publique en-dessous de 30 %, l’OMT minimal actuel de + 0,5 %, qui a valu de 2014 à 2016.

Le gouvernement veut néanmoins stabiliser la dette publique en-dessous de 30 %. Dans le cas de l’hypothèse optimiste de 2015, un OMT minimal de + 0,25 %, serait possible, s’il s’agit de stabiliser la dette publique en-dessous de 30 %. Mais si l’hypothèse moins optimiste de 2012 était retenue, l’OMT minimal devrait être, pour garder la dette en-dessous de 30 %, de + 1,75 %.       

Le CNFP souligne dans sa note que l’OMT minimal est calculé par la Commission européenne et communiqué à chaque Etat membre en amont de l’élaboration du PSC afin que les gouvernements respectifs puissent en tenir compte dans la fixation de leur OMT.  Il dit "n’avoir actuellement pas connaissance de la valeur qui a été communiquée au Luxembourg en vue de la fixation de l’OMT pour les années 2017 à 2019." Et il ajoute : "Il a cependant procédé à sa propre estimation de l’OMT minimal sur la base des principes énoncés ci-avant et avec les données, forcément incomplètes, qui sont à sa disposition."

Il penche en fait pour les hypothèses plus prudentes, partant du constat que depuis  l’entrée en vigueur de la réforme des pensions en 2013, il n’y a plus eu de nouvelles réformes structurelles de sorte que "la composante relative au préfinancement des dépenses liées au vieillissement serait par conséquent maintenue au même niveau que lors de la dernière fixation de l’OMT en 2012 et il en résulte un OMT minimal inchangé à +0,5 % du PIB pour le Luxembourg."

Le CNFP met en garde contre une réduction  de l’OMT minimal à un niveau inférieur à + 0,5 %, la hausse des projections démographiques ne lui suffisant pas, d’autant plus qu’une hausse démographique induirait nombre d’autres dépenses en infrastructures pour couvrir l’ensemble des besoins d’une population en expansion. Il plaide pour "maintenir des objectifs budgétaires ambitieux qui auraient pour effet de donner un signal fort sur l’orientation budgétaire à court et à moyen terme, tout en assurant le maintien d’une marge de manœuvre nécessaire pour faire face aux défis plus vastes et complexes qui se présentent sur le long terme." Sans le dire explicitement, il pointe vers un OMT minimal qui tend vers les + 1,75 %, ce qui équivaudrait à un ordre de grandeur de 894,5 millions d'euros partant du PIB de 2015.