Le 25 mai 2016, le Conseil Ecofin s'est réuni avec pour principal sujet à l'ordre du jour la proposition de directive sur la lutte contre l'évitement fiscal par les grandes entreprises. La réunion aura, selon les termes du ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, servi "à déblayer le terrain". Malgré "la forte pression pour agir", décrite en début de session publique par le ministre néerlandais des Finances, Jeroen Djisselbloem, la conclusion éventuelle de l'accord a été reportée au Conseil ECOFIN du 17 juin 2016. Pour cause, les discussions ont mis au jour certaines inquiétudes que des modifications du texte par la Présidence ont en partie apaisées. Jeroen Dijsselbloem s'est dit confiant dans les possibilités d'obtenir un accord à la réunion de juin. "Nous avons eu un débat constructif aujourd'hui, qui nous a permis de réduire le nombre de questions à résoudre", a-t-il constaté.
Le texte fait partie des propositions présentées le 28 janvier dernier par la Commission européenne afin de renforcer la lutte contre l'évasion fiscale des entreprises. Il constitue une réponse coordonnée de l'UE aux pratiques fiscales agressives mises en œuvre par les grandes entreprises.
Il met en place de nouvelles règles dans six champs spécifiques. Il prévoit :
La majeure partie des inquiétudes soulevées par les Etats membres avaient trait aux sociétés étrangères contrôlées (SEC). Le Luxembourg a, à ce sujet, fait part de son inquiétude du fait que le texte de la Présidence déviait trop du critère retenu par la jurisprudence de la CJUE, à savoir qu'il fallait considérer si une entité était totalement artificielle, pour lui appliquer les règles SEC qui réattribuent le revenu d'une filiale contrôlée peu taxée à sa société mère. Dans ce dernier cas, la société mère doit acquitter l'impôt dans l'État où elle a son siège social. La Bulgarie, l'Irlande, la Hongrie, Malte, la Lettonie et la Belgique considéraient comme le Luxembourg qu'il fallait se concentrer sur les entités purement artificielles. "Qu'on s'éloigne du totalement artificiel ça se comprend. Le Luxembourg ne s'y oppose pas. Tout dépend de la définition de la substance", a fait savoir Pierre Gramegna, au sortir de la réunion.
Dans le dernier projet de compromis rédigé le jour même, la Présidence prévoyait que ces règles ne s'appliqueraient pas si la SEC avait été mise sur pied pour "des raisons commerciales valides et poursuivait une activité économique soutenue par une équipe et des actifs" notamment, a rapporté l'Agence Europe. Dans une déclaration distincte, le Conseil appellerait le groupe Code de conduite à développer des lignes directrices donnant plus de clarté sur la définition de la substance réelle par rapport à ce qui est artificiel.
Le Luxembourg a par ailleurs obtenu une modification de la proposition de la présidence néerlandaise, afin que la charge de la preuve incombe non pas à l'entreprise, mais bien aux administrations fiscales comme c'était le cas dans le texte original. C'est "une amélioration considérable", car le texte aurait créé "une insécurité juridique importante" en rompant avec la pratique actuelle, a fait savoir Pierre Gramegna.
Pierre Gramegna a également continué à défendre des conditions égales de concurrence (level playing field) comme il s'y était déjà employé lors des précédentes réunions de l'ECOFIN. "C'est bien que l'Europe montre le chemin. Il faut vérifier que les autres suivent. Mais, si l'Europe avance très vite et seule, la base de la fiscalité en Europe sera élargie et cela risque de rendre l'Europe moins compétitive et faire en sorte qu'il sera plus difficile d'attirer des investissements." Ainsi, a-t-il préconisé qu'une fois cette "directive très ambitieuse" adoptée par le Conseil en juin, "il serait important d'avoir un argumentaire qui démontre à quel point l'Europe est ici un pionnier, puisque sur de nombreux points nous allons plus loin que les recommandations de l'OCDE et du G20".
Le Luxembourg, par la voix de son ministre des Finances, avait, à l'instar de quelques-uns de ses homologues, mis en garde de ne pas céder à la précipitation, et "de ne pas sacrifier la qualité par une rapidité extrême". L'Irlande demandait elle aussi du temps, rejetant l'idée que les règles sur les SEC soient déclenchées dès que le taux effectif dans le pays tiers est inférieur à 50 % du taux de référence de l'État membre. L'Irlande déplorait l'introduction par une voie détournée d'un taux minimal d'imposition. La Commission a donc préparé une déclaration à inclure dans le procès-verbal du Conseil garantissant que cette directive n'imposerait pas de taux d'imposition minimum effectif.
Le Conseil a également adopté deux autres éléments du paquet sur l'évitement social de janvier 2016. Ainsi, il a adopté le projet de directive introduisant des obligations en matière de déclarations pays par pays ("reporting") des grandes entreprises européennes aux administrations fiscales nationales, qui avait fait l'objet d'un accord le 8 mars 2016. Il a adopté aussi ses conclusions sur l'aspect de la proposition touchant aux pays tiers. Les conclusions renvoient à l'établissement d'une liste européenne de juridictions non coopératives, sur laquelle le travail commencera en septembre 2016.
Le Conseil a également adopté ses conclusions concernant le plan d'action TVA présenté le 7 avril 2016 par la Commission. Les conclusions soulignent l'importance de la coopération administrative, en particulier l'échange automatique d'information, afin de prévenir les fraudes à la TVA. D'ailleurs le Conseil a adopté un rapport spécial sur la Cour des comptes au sujet des fraudes à la TVA.
Le Conseil salue les projets de réduction des charges liées au respect de la législation sur la TVA pour les entreprises et souligne le besoin de faciliter le commerce numérique transfrontalier. Les Etats membres saluent l'intention de la Commission de proposer une flexibilité accrue sur les taux de TVA, tout en notant le besoin pour le système de TVA de maintenir un niveau suffisant d'harmonisation. La Commission fera une proposition au plus tard en 2017 sur un système TVA pour le commerce transfrontalier. Par ailleurs, le Conseil a adopté une directive maintenant le taux minimal de TVA à 15 % jusqu'à la fin de 2017, en attendant l'adoption du nouveau système.
Enfin, le Conseil ECOFIN a également adopté ses conclusions sur les examens approfondis et la mise en œuvre des recommandations par pays.