Ce plan d'action que la Commission inscrit dans le cadre de son programme "Mieux légiférer" adopté le 15 mars 2016, développe :
La Commission présentera en 2017 une proposition législative relative à un système de TVA définitif pour les échanges transfrontaliers, qui sera fondé sur le principe de la taxation dans le pays de destination des biens. La Commission considère que la règle qui veut qu'un fournisseur de biens perçoive la TVA auprès de son client devrait être étendue aux opérations transfrontalières. "Un tel système permettra de garantir un traitement cohérent des opérations nationales et transfrontalières tout au long de la chaîne de production et de distribution, et de restaurer les caractéristiques fondamentales de la TVA dans les échanges transfrontaliers, à savoir le système des paiements fractionnés caractérisé par son caractère autorégulateur", dit la Commission.
Dans le même temps, un portail internet à l'échelle de l'Union serait mis en place pour assurer un système de perception de la TVA simple pour les entreprises et un système plus robuste pour les États membres pour collecter les recettes.
Le manque à gagner de TVA s'est élevé à près de 170 milliards d'euros en 2013, dit la Commission européenne. Or, la TVA rapporte 1000 milliards d'euros, soit 7 % des budgets des Etats membres. La fraude transfrontalière est à elle seule, selon les estimations, à l'origine d'une perte de recettes de TVA de quelque 50 milliards d'euros par an dans l'Union.
"Il s'agit d'un énorme gaspillage d'argent qui pourrait être investi dans la croissance et l'emploi. Il est temps de récupérer ces recettes", a dit le commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, Pierre Moscovici. Il serait possible d'obtenir un gain immédiat de 40 milliards d'euros en traitant les opérations transfrontalières comme des opérations domestiques, et de "considérer que l'ensemble de notre marché intérieur est notre grand marché domestique", ce qui mettrait fin aux opérations de récupération de la TVA qui sont celles où 80 % de la fraude a lieu. "Concrètement, ceci signifie pour les entreprises qu'une transaction entre Bruxelles et Madrid sera traitée de la même manière qu'entre Bruxelles et Anvers", a précisé le commissaire.
La Commission proposera également durant l'année 2016 des mesures destinées à renforcer les outils utilisés actuellement par les États membres pour échanger des informations sur la fraude à la TVA, les mécanismes de fraude et les bonnes pratiques. Elle proposera également un rapport d'évaluation sur la directive concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances fiscales, tandis qu'en elle présentera une proposition visant à améliorer la coopération administrative en matière de TVA et Eurofisc.
En vertu des règles actuelles, les États membres doivent respecter une liste préétablie de biens et de services lorsqu'il s'agit d'appliquer des taux de TVA réduits ou nuls. La Commission envisage d'accorder à l'avenir une plus grande souplesse aux États membres. Elle propose deux options, pour lesquelles les taux nuls et réduits en vigueur actuellement seraient maintenus :
- la première consisterait à maintenir le taux normal minimal de 15 % et à réexaminer régulièrement la liste des biens et services pouvant bénéficier de taux réduits, en se fondant sur les contributions des États membres.
- la deuxième consisterait à supprimer la liste des biens et services pouvant bénéficier de taux réduits. Cette option nécessiterait cependant des garanties afin d'empêcher la fraude, d'éviter la concurrence fiscale déloyale au sein du marché unique et pourrait aussi accroître les coûts de conformité pour les entreprises.
Dans ses conclusions du 18 mars 2016, le Conseil européen avait salué cette intention de la Commission "d'inclure des propositions pour une plus grande flexibilité pour les États membres en ce qui concerne les taux réduits de TVA, qui contiendrait l'option d'un taux zéro sur les produits sanitaires". Cette déclaration faisait notamment suite à la décision du Royaume-Uni d'introduire dans son prochain projet de budget un taux réduit de TVA sur les produits sanitaires. La Commission européenne a d'ailleurs fait savoir le 7 avril 2016 qu'elle se montrerait compréhensive envers cette décision du Royaume-Uni, qui se met en infraction vis-à-vis de la directive TVA actuelle, mais devrait être à l'avenir conforme avec le nouveau système.
La Commission européenne considère que le système de TVA actuellement applicable au commerce électronique transfrontière est complexe et onéreux à la fois pour les États membres et les entreprises. "Les entreprises de l'Union sont en situation de désavantage concurrentiel, étant donné que certains opérateurs de pays tiers peuvent importer dans l'Union des biens en exonération de TVA", précise-t-elle. La complexité du système fait qu'il est également difficile, pour les États membres, de garantir le respect des règles. La Commission entend ainsi présenter d'ici à la fin de 2016 une proposition législative visant à moderniser et à simplifier la TVA pour le commerce électronique transfrontière dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique.
Il s'agira notamment de faire en sorte que les publications électroniques puissent bénéficier du même taux réduit que les publications papiers. Cette dernière mesure était par la passé une revendication présentée par le Luxembourg, dans le cadre des débats qui l'avait mené à être épinglé avec la France par un arrêt rendu en mars 2015 par la Cour de justice de l'UE, pour leur application d'un taux réduit de TVA sur les livres électroniques. Toutefois, dans un article du 7 avril 2016, le journaliste du Luxemburger Wort, Diego Velazquez rapporte que la sensibilité du Luxembourg à ce sujet a évolué, selon les confidences d'une source européenne révélant que "le sujet a perdu en importance pour le Luxembourg" qui ne fait plus partie des "lobbyistes" en faveur de cette mesure. "La raison serait que, depuis le 1er janvier 2015, les services électroniques, tels que les livres électroniques, sont imposés dans le pays où le client est établi, et non plus là où le e-commerçant s'est installé", avance le journaliste.
La proposition législative de la Commission européenne en faveur du commerce électronique devrait aussi étendre la notion actuelle de guichet unique à l'ensemble du commerce électronique transfrontalier, y compris à la vente à distance. Il s'agirait également d'introduire des simplifications communes à toute l'Union en faveur des petites entreprises qui débutent dans le commerce électronique, de rationaliser les contrôles dans ce secteur et de supprimer l'exonération de TVA pour l'importation de petits envois provenant de fournisseurs établis dans des pays non membres de l'UE.
Le plan d'action a d'ores et déjà reçu le soutien du groupe des Socialistes & Démocrates (S&D) qui estime ces propositions conformes à sa propre stratégie en matière de lutte contre la fraude fiscale et l'évitement fiscal. "En effet, la Commission a enfin créé un régime définitif, qui modifie le lieu de destination, afin de combattre la fraude à la TVA, particulièrement dans le secteur agroalimentaire." "Si la modification des règles prendra du temps, elle est indispensable car le système actuel est arrivé à un point de rupture", lit-on dans son communiqué.
Chez les Verts, Sven Giegold a critiqué la position bienveillante de la Commission vis-à-vis du Royaume-Uni en particulier, et des Etats membres en général. "Chaque pays doit décider lui-même pour quels produits il y aurait des TVA réduites. C'est l'abandon d'un marché commun, dans lequel les taxes devraient partout et le plus possible se situer à la même hauteur. La Commission européenne a trop rapidement exaucé le souhait du Royaume-Uni qui a exigé cette liberté – peu importe que cela conduise à une concurrence fiscale inefficace dans l'UE."
Dans une courte publication, la confédération patronale européenne Business Europe a elle aussi apporté son soutien au plan de la Commission. "Il peut donner une impulsion hautement nécessaire" pour moderniser le système de TVA. "Nous soutenons particulièrement l'effort pour enlever les obstacles de TVA sur l'e-commerce et le renforcement du marché unique en la matière."