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La Commission européenne propose un renouvellement provisoire de l’autorisation du glyphosate, en attendant que "l’avis de l’ECHA dissipe les doutes subsistants"
01-06-2016


Le 1er juin 2016, la Commission européenne a fait savoir qu'elle proposerait aux Etats membres une prolongation provisoire de 12 à 18 mois de l'actuelle homologation du glyphosate.

Elle a pris cette décision après que le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et aliments pour animaux (comité "PAFF" pour Plants, Animals, Food and Feed) a, par deux fois, ajourné son vote sur le renouvellement de l'autorisation de cet herbicide le plus répandu, en l'absence de majorité qualifiée – 55 % des Etats membres représentant 65% de la population de l'UE – favorable à cette extension. La première fois, le 8 mars, il était question d'un renouvellement pour quinze ans de cette autorisation. La seconde fois, le 19 mai 2016, il était question d'une reconduction pour neuf ans. Dans les deux cas, le Luxembourg, représenté au sein du comité par un fonctionnaire de l'ASTA s'est abstenu.

Le comité d'experts est ainsi invité à se rencontrer le 6 juin 2016 pour discuter de nouveau du dossier et procéder au vote "sur la base d'une extension limitée, jusqu'à ce que l'avis de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) dissipe les doutes subsistants", a fait savoir le commissaire européen pour la santé et la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, dans une déclaration.

Vytenis Andriukaitis : "Nos décisions  devraient être basées sur la science et non sur l'opportunisme politique"

La Commission veut ainsi éviter qu'en l'absence d'approbation européenne à plus long terme, l'autorisation expire comme prévu le 1er juillet 2016 et que les Etats membres soient amenés à retirer les autorisations pour les produits contenant du glyphosate.

"Même si une majorité d'Etats membres est favorable au renouvellement, aucune majorité qualifiée n'a été atteinte, malgré les efforts de la Commission pour répondre aux demandes et préoccupations d'un certain nombre de gouvernements nationaux ainsi que celles du Parlement européen" exprimées dans une résolution adoptée le 13 avril 2016, a déclaré Vytenis Andriukaitis.

Le commissaire a par ailleurs souligné que la procédure européenne d'autorisation concernant les pesticides est "la plus stricte au monde" et que la proposition de renouvellement de la Commission s'appuyait sur les conclusions des évaluations de l'Agence européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) et de l'Institut allemand d'évaluation du risque (Bundesinstitut für Risikobewertung). Il a semblé déplorer que certains Etats membres ont été réticents à prendre position et a rappelé que si une substance active est approuvée au niveau européen, c'est ensuite aux Etats membres d'autoriser les produits sur leurs marchés respectifs. Ainsi, "[ceux] qui ne veulent pas utiliser les produits à base de glyphosate ont la possibilité de restreindre son usage. Ils n'ont pas besoin de se cacher derrière la décision de la Commission", a-t-il dit.

Par ailleurs, la Commission a fait savoir qu'elle préparait une seconde décision, qui se décline en trois recommandations "claires" à l'attention des Etats membres, afin qu'ils restreignent les conditions d'usage du glyphosate. Elle souhaite ainsi les appeler à réduire son usage dans les aires de jeux et parcs publics ainsi que dans les champs durant la période précédant la récolte. Ces limitations avaient été réclamées par le Parlement européen mais aussi par des ONG comme Greenpeace UE.

La Commission a également fait part de son intention d'interdire un co-formulant nommé tallowamine polyéthoxylé dans la composition des produits à base de glyphosate. Dans un mémo, la Commission souligne qu'elle a mis sur pied un groupe d'experts européens chargé de définir des critères servant à établissement d'une liste de co-formulants interdits.

"La responsabilité d'introduire ces mesures appartient aux Etats membres, mais je crois qu'il est important de promouvoir un usage soutenable des pesticides et herbicides", a dit le commissaire. En conclusion de son intervention, il a jugé "capital" le haut niveau de protection de la santé humaine et de l'environnement que fournit la législation européenne. Néanmoins, "je suis resté profondément convaincu que nos décisions devraient être basées sur la science et non sur l'opportunisme politique", a-t-il fait savoir.

Les premières réactions

Le principal syndicat agricole européen, le Copa-Cogeca, a appelé au renouvellement de l'autorisation du glyphosate "en l'absence d'alternative existante", selon une position rapportée par l'agence de presse AFP. Utilisé notamment dans les vignes et sur les cultures de fruits ou d'olives, la substance favorise selon le syndicat "les pratiques agricoles durables", notamment pour les agriculteurs qui ne labourent pas ou très peu leurs champs.

"Si les gouvernements ne sont pas certains que le glyphosate est sans danger, les Européens ne devraient pas y être exposés", a réagi Bert Wander, directeur de campagne d'un collectif qui a recueilli près de 1,5 millions de signatures contre l'utilisation du glyphosate sur la plate-forme de pétition Avaaz, toujours selon l'AFP.

"La Commission cherche l'approbation du glyphosate en en changeant le nom", a constaté Greenpeace UE, dans un communiqué. L'ONG déplore que la Commission continue d'ignorer l'existence de l'étude de l'Agence internationale pour la recherche sur le cancer de l'OMS. "Que l'autorisation court sur quinze, neuf ou deux ans ne change rien dans le monde réel. La même quantité de glyphosate sera dispersée dans les parcs, les aires de jeu et les jardins privés, ainsi que dans nos champs, vignes et vergers. Les niveaux de glyphosate dans nos corps ne changeront pas non plus. La Commission doit prendre en compte les préoccupations soulevées par les scientifiques indépendants, le Parlement européen et les citoyens en appliquant – tout au moins – des restrictions strictes pour limiter l'exposition humaine", a déclaré Greenpeace.

Premier groupe politique à réagir, les Socialistes & Démocrates ont notamment reproché à la Commission de laisser libre choix aux Etats membres de restreindre l'usage du glyphosate dans les jardins et parcs publics. "Une extension technique est une solution pour la Commission, mais pas pour le public européen. Pour les consommateurs, il n'est pas important de savoir qui se cache derrière qui, les gens veulent une alimentation saine et un environnement sure, et cette réponse sera différée de 18 nouveaux mois, c'est une mauvaise nouvelle pour nous", a déclaré Pavel Poc, le porte-parole du groupe pour le glyphosate.