Le député ADR Fernand Kartheiser a posé au ministre des Affaires étrangères et européennes, ministre de l’Immigration, Jean Asselborn une série de questions qui touchent à de grands problèmes soulevés dans le cadre de la crise des réfugiés : une liste européenne et/ou luxembourgeoise de pays d’origine de demandeurs de protection internationale considérés comme sûrs qui inclurait les pays du Maghreb Maroc, Algérie, Tunisie, et le respect par la Turquie de son engagement de proposer dans le cadre du mécanisme 1:1 de réinstallation de réfugiés syriens en Europe des listes équilibrées de personnes. Jean Asselborn lui répond avec force détails.
Dans sa réponse sur la question de la liste des pays sûrs, publiée le 21 juin, Jean Asselborn précise que le Luxembourg dispose depuis 2007 d’une liste nationale de pays d’origine de demandeurs de protection internationale sûrs, cette liste étant régulièrement réévaluée et le cas échéant revue. Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie ne se trouvent pas sur cette liste. Le Luxembourg suit l’évolution de la situation politique et des droits de l’homme, et il n’est pas prévu de mettre ces pays sur une liste de pays sûrs.
Jean Asselborn précise également que même si un demandeur de protection internationale vient d’un pays d’origine considéré comme sûr, il n’essuie pas automatiquement un refus. Sa situation individuelle est prise en considération, et s’il remplit malgré tout les conditions, il peut se voir accorder une protection.
Entre mai 2014 et avril 2016, donc sur deux ans, 172 personnes venant des pays du Maghreb ont fait une demande de protection internationale, 4,47 % de toutes les demandes faites au cours de cette période. Pendant la même période. 625 ressortissants de ces Etats ont reçu au cours de cette même période un permis de séjour à différents titres : comme membres de la famille d’un ressortissant luxembourgeois ou de l’UE, ou comme ressortissants d’un pays tiers qui a droit à un titre de séjour.
Au niveau européen, la directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale prévoit un mécanisme qui permet aux Etats membres de désigner des pays d’origine sûrs" qui permet de soumettre certains ressortissants de ces pays à des procédures accélérées. La Commission veut renforcer depuis 2015 ce mécanisme et vise la création d’une liste commune de pays sûrs. Le ministre renvoie notamment aux conclusions du Conseil JAI du 20 juillet 2015 en la matière, et à la priorité à donner aux pays des Balkans occidentaux, et à la proposition de la Commission du 9 septembre 2015 qui prévoit de considérer l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l’ARYM, le Kosovo, le Monténégro, la Serbie et la Turquie comme des pays sûrs. Les travaux sont toujours en cours.
Dans sa question sur la réinstallation de réfugiés syriens venant de Turquie dans le cadre du mécanisme 1:1 décidé lors de la conclusion de l’accord UE-Turquie du 18 mars 2016, le député Kartheiser se réfère à des informations du magazine allemand "Der Spiegel"qui cite un représentant du Luxembourg qui aurait dit au cours d’une réunion à Bruxelles que la Turquie ne présentait pas de listes de réfugiés équilibrées, "mais avec des cas médicaux graves ou des réfugiés à formation très faible".
Dans sa réponse, publiée le 22 juin 2016, le ministre Asselborn précise que ces listes sont établies par la Turquie et transmises aux Etats membres de l’UE par l’intermédiaire de l’UNHCR. Jean Asselborn dit : "Au cours de l’analyse des profils des personnes qui ont été soumis au Luxembourg et aux autres Etats membres, il est apparu qu’il y avait peu de Syriens avec un certificat de fin d’études et aussi de nombreuses personnes présentant des problèmes de santé. Dans ce contexte, il faut cependant tenir du compte que l’UNHCR dispose de critères clairs pour déterminer les personnes vulnérables qui doivent en fonction de cela être réinstallées prioritairement. Et parmi ces personnes l’on trouve des cas médicaux, des enfants et des personnes âgées." Le Luxembourg connaît le profil de ces personnes depuis la fin-avril 2016, lors de la "mission de sélection" de fonctionnaires luxembourgeois dans le cadre du mécanisme 1:1.
Le ministre explique ensuite que le Luxembourg a "insisté", pour que le groupe de personnes à réinstaller soit le plus équilibré possible et que les Syriens remplissant les critères et désireux de se voir réinstallés en Europe puissent en formuler la demande. Ce message du Luxembourg a été convoyé au Conseil, à la Commission et à la représentation de celle-ci en Turquie, qui se trouve en contact direct avec les autorités turques.
27 Syriens ont été réinstallés entretemps au Luxembourg, dont la moitié sont des enfants. Les adultes de ce groupe ont des degrés de formations divers. Le ministre estime qu’il est difficile de prévoir comment ces personnes vont s’intégrer sur le marché du travail luxembourgeois. "Cela dépendra de leur capacité à apprendre les langues du pays et de leur formation."
La sélection de ces personnes, toutes désireuses de venir au Luxembourg pour y être réinstallés, se fait sur base d’interviews menées par les "missions de sélection" en Turquie. La décision du Luxembourg est communiquée à l’UNHCR qui transmet aux autorités turques. Pour Jean Asselborn, il n’est pas possible de parler de violation de l’accord par les autorités turques, car les Etats membres décident en fin de compte qui va être accueilli sur leur sol.
Le Luxembourg s’est engagé à verser 4,3 millions d’euros pour cofinancer la facilité de 3 milliards d’euros prévue dans le cadre de l’accord UE-Turquie, dont 1 milliard provient des fonds de l’UE et 2 des Etats membres. Une première tranche de plus de 3 millions a été payée par le Luxembourg en 2016, une deuxième suivra en 2017. Les Etats membres ont versé entretemps 1,285 milliards et se préparent à payer le reste de leur dû convenu.
Jean Asselborn souligne dans sa réponse que "le Luxembourg est d’avis que la poursuite des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE sont dans l’intérêt de l’UE", et l’ouverture d’un nouveau chapitre, le chapitre 33, dans le cadre de l’accord du 18 mars, est considérée comme positive, car "cela permet d’aborder des sujets difficiles avec la Turquie". D’où également l’engagement du Luxembourg en faveur de l’ouverture des chapitres 23 et 25 qui ont trait aux droits fondamentaux et au système judiciaire.
Quant à la libéralisation du régime des visas pour les ressortissants turcs, qui fait aussi partie de l’accord, mais dont le projet remonte déjà à un accord de reconduction de 2013, Jean Asselborn réitère la position du Luxembourg : la Turquie doit remplir les 72 conditions prévues. La Turquie a fait des progrès, admet le ministre, mais il conclut : "Il est cependant clair pour l’UE comme pour la Turquie qu’il est actuellement peu probable que les critères soient remplis d’ici la fin du mois de juin."