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Traités et Affaires institutionnelles
Après la nomination de José Manuel Barroso à Goldman Sachs, l'ONG Alter-UE demande la refonte des règles empêchant le pantouflage des anciens commissaires européens
28-07-2016


altereuDans une communication publiée le 28 juillet 2016, l'alliance d'ONG et de syndicats luttant pour la transparence contre l'influence des lobbys ALTER-EU condamne le choix de l'ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso de rejoindre la banque Goldman Sachs et énumère des propositions pour réformer les règles de lutte contre les "portes tournantes" ou pantouflage, qui encadre le passage dans le privé d'un ancien commissaire européen à l'issue de son mandat.

ALTER-EU pense que la nouvelle position de Barroso est "incompatible" avec le devoir édicté à l'article 245 du Traité sur le fonctionnement  de l'UE (TFUE), selon lequel tous les anciens commissaires doivent respecter les obligations découlant de leur charge "notamment les devoirs d'honnêteté et de délicatesse quant à l'acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages". "Goldman Sachs est impliquée de trop près dans la crise financière mondiale, et fait trop de lobbysme contre la règlementation financière, pour être un employeur convenable d'un ancien leader de l'UE", juge-t-elle.

ALTER-EU rappelle que la Commission, en janvier 2014, avait rejeté sa proposition de porter de 18 mois à 3 ans l'application des règles contre le pantouflage inscrite dans le Code de conduite des commissaires. Si elle l'avait au contraire acceptée, les trois nominations connues depuis la fin, au début de mai 2016, du délai de 18 mois imposée à la Commission Barroso II, au début de mai 2016, à savoir les nominations de José Manuel Barroso en tant que président non-exécutif de Goldman Sachs International (8 juillet 2016), de l'ancien commissaire en charge du commerce, Karel de Gucht, au conseil d'administration d'Arcelor Mittal (4 mai 2016) et de l'ancienne commissaire européenne, Neelie Kroes, en charge de la concurrence puis des nouvelles technologies, au sein du Comité de conseil en politique publique  de la société Uber (5 mai 2016) et du conseil d'administration de Salesforce (1er mai 2016), n'auraient pas été possibles. "Cela illustre une nouvelle fois, le besoin pour un remaniement des règles et de la culture de 'portes tournantes'  à Bruxelles", en conclut ALTER-UE.

Les propositions de réforme d'ALTER-EU

Comme la Commission a, par la voix d'un porte-parole le 12 juillet 2016, exclu une révision du Code de conduite, ALTER-EU compte sur le Conseil pour mettre en œuvre ses propositions de réforme, à savoir : 

  • Etendre de 18 mois à trois ans après leur mandat la période durant laquelle les anciens commissaires doivent techniquement notifier à la Commission s'ils envisagent d'exercer une activité professionnelle dans le secteur privé, de manière à évaluer les conflits d'intérêts potentiels devant une commission d'éthique.
  • Faire en sorte que cette interdiction d'une occupation en rapport avec son ancienne activité de commissaire couvre tous les sujets pour lesquels la Commission Barroso II a pris des décisions collectives, ainsi que tous les sujets dont ont traité les commissaires individuellement. Pour l'heure, selon le Code de conduite, l'occupation future d'un commissaire doit faire l'objet de l'avis du comité d'éthique, seulement si elle a un rapport avec le contenu du portefeuille du commissaire. "Tout autre rôle qui pourrait créer un conflit d'intérêt devrait aussi être inclus dans cette interdiction", ajoute encore ALTER-EU.
  • L'interdiction de lobbying devrait être définie de manière plus détaillée et devrait inclure le lobbying direct et indirect, ainsi que la fourniture de conseils en lobbying.
  • Enfin, la Commission devrait réformer l'actuel comité d'éthique ad hoc et le remplacer par un comité d'éthique "professionnel et complètement indépendant" qui serait responsable pour l'évaluation des nouvelles fonctions de commissaires proposées, ainsi que pour d'autres questions d'éthique dont devrait se saisir la Commission.

Les eurodéputés plaident aussi en faveur de réformes

ALTER-EU souligne l'urgence d'une réforme en mentionnant les nombreuses contestations qui ont suivi l'annonce de la nomination de José Manuel Barroso. Il fait notamment référence à deux lettres adressées par des eurodéputés de de différents groupes politiques (S&D, ALDE, Verts-ALE, GUE-NGL, EFDD et PPE).

La première lettre, datée du 20 juillet et cosignée par 36 eurodéputés, est adressée au président de la Commission européenne. Les expéditeurs mettent en garde la Commission contre le risque que "cette nomination ne fera que confirmer la perception cynique de millions de citoyens européens d'une relation malsaine entre les lobbys  et l'administration". "Cela discrédite toutes les institutions européennes", ajoutent-ils, en disant partager les vues exprimées par l'Ombudsman qui avait défendu, le 12 juillet 2016, la nécessité de réviser le Code de conduite des commissaires. Ils  proposent qu'une procédure soit enclenchée devant la CJUE pour obtenir le retrait de la future pension et des droits y relatifs que pourraient à terme percevoir José Manuel Barroso, et d'étendre l'interdiction faite aux anciens commissaires d'endosser un rôle présentant un conflit d'intérêt avec leur ancienne fonction, en la portant de 18 mois à 5 ans.

Le même jour, 53 eurodéputés avaient adressé une lettre à l'Ombudsman, Emily O'Reilly, lui demandant  de déterminer si la nomination de José Manuel Barroso enfreint l'article 245 du TFUE. Mentionnant le Statut des fonctionnaires des Communautés  européennes  qui prévoit une période de carence de deux ans et non de dix-huit mois, ces eurodéputés lui ont également demandé d'évaluer à la fois si cette différence de traitement entre fonctionnaires et commissaires européens est conforme au principe de l'égalité et de non-discrimination ancré dans les traités et la Charte des droits fondamentaux, et, dans le cas contraire, si la nomination de José Manuel Barroso peut être jugée légitime au regard du Statut des fonctionnaires.