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Parlement européen
Le choix de Viviane Reding de rejoindre la fondation Bertelsmann et le groupe Nyrstar suscite des remous dont s’étonne l’eurodéputée et ancienne commissaire
13-11-2014


L'information selon laquelle Viviane Reding, eurodéputée PPE et ancienne vice-présidente de la Commission, rejoint le Conseil de surveillance de la Fondation Bertelsmann et le Conseil d’administration de Nyrstar continue de susciter commentaires et réactions.

La radio 100,7 a ainsi diffusé le 13 novembre 2014 un reportage de Michel Delage sur le sujet. Le journaliste a obtenu de Viviane Reding un entretien diffusé dans son intégralité sur le site de la radio socioculturelle.

Viviane Reding explique son choix comme "logique" et assure avoir veillé à ce qu’il n’y ait aucun lien entre ses nouvelles attributions et ses responsabilités de commissaire

L’eurodéputée explique notamment les raisons pour lesquelles elle a choisi ces deux entité100komma7s. "C’est un choix logique", a-t-elle affirmé au micro de Michel Delage.

"Bertelsmann est une entreprise établie au Luxembourg", où RTL, qui fait partie du groupe de médias allemand, est "un gros contribuable". Une partie des revenus du groupe sont versés à la Fondation Bertelsmann, think tank qui a pour ambition d’analyser la société de façon à agir sur la pauvreté, le développement des PME et qui est engagée dans la promotion de la culture, ainsi que l’a résumé la parlementaire européenne. "Ce sont des choses auxquelles je peux m’identifier", affirme Viviane Reding qui s’est sentie "honorée" d’être sollicitée pour un tel poste et l’a donc accepté.

Pour ce qui est de Nyrstar, Viviane Reding, qui se présente comme "une fille de la minette", rappelle avoir grandi dans un environnement où les mines et l’acier faisaient partie du paysage. Aussi, quand l’entreprise minière belge, dont le CEO est luxembourgeois, lui a demandé de rejoindre le conseil d’administration, elle raconte avoir pris le temps de regarder ce que faisait Nyrstar et de trouver cela "passionnant".

Viviane Reding explique aussi avoir veillé dans ses choix à ce qu’il n’y ait "aucun lien avec ses anciennes responsabilités de commissaire". Et lorsque Michel Delage fait remarquer que l’industrie des télécommunications, que Viviane Reding connaît bien du fait de ses fonctions au sein de la Commission Barroso I, est une grande utilisatrice de zinc, métal dont Nyrstar est un des spécialistes, l’ancienne commissaire assure qu’il n’y "aucun lien". Cela fait partie des choses qu’a vérifiées le comité éthique qui a analysé la demande qu’elle a faite à la Commission avant d’accepter ses nouvelles missions, explique Viviane Reding qui rapporte aussi avoir eu "beaucoup de propositions" et qui choisit les missions dans lesquelles elle pourra "apporter sa contribution" et "y trouver du plaisir".

Viviane Reding s’étonne des remous suscités par sa décision et ne voit "rien d’extraordinaire" dans son parcours

Viviane Reding trouve "important et juste" que les anciens commissaires n’aient pas le droit de faire du lobbying dans les 18 mois qui suivent la fin de leur mandat. "Je n’ai pas l’intention de faire du lobbying pour qui que ce soit dans les prochains mois", a-t-elle d’ailleurs assuré au micro de Michel Delage en soulignant qu’être membre d’un CA n’avait rien à voir avec des fonctions de lobbyiste en chef.

L’eurodéputée dit ne pas comprendre les remous suscités par ses nouvelles fonctions. Les eurodéputés qui travaillent ou qui siègent dans des conseils d’administration sont nombreux, argue-t-elle, ne voyant "rien d’extraordinaire" dans son parcours qu’elle qualifie de "relativement normal". "Quand on prend son mandat au sérieux, on ne vote pas sur des textes où l’on risque d’être partial", affirme Viviane Reding, qui estime que cela vaut tant pour elle que pour les eurodéputés qui ont une entreprise familiale ou un cabinet d’avocat.

Selon LobbyControl, Bertelsmann soutient des groupes de lobbying qui s’engagent en faveur  du TTIP

Dans son reportage Michel Delage cite pourtant les critiques formulées par l’association allemande LobbyControl qui a publié un papier sur le cas Reding sur son site Internet le 13 novembre 2014.www.lobbycontrol.de

L’association, qui souligne les liens étroits qui existent entre la Fondation Bertelsmann et le groupe médiatique du même nom,  relève "l’immense savoir d’initié politique" que va apporter l’ancienne commissaire à Bertelsmann. Dans le parcours politique de Viviane Reding, LobbyControl retient notamment qu’elle a été en charge des médias et de la société de l’information pendant son mandat dans la Commission Barroso I, avant d’avoir à s’occuper  notamment de la réforme de la protection des données sous Barroso II. La commissaire apporte son savoir-faire politique en matière de média, de protection des données et d’éducation, ce qui est du plus haut intérêt pour le domaine d’activités de Bertelsmann, note LobbyControl.

Mais l’association allemande relève surtout que Viviane Reding a été vice-présidente de la Commission qui a lancé les négociations sur l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP). Or, LobbyControl estime que "Bertelsmann est, en tant qu’entreprise de services mondiale, un des bénéficiaires potentiels du TTIP et soutient des groupes de lobbying qui s’engagent en faveur de l’accord de libre-échange". "La Fondation Bertelsmann a promu massivement le TTIP", ajoute LobbyControl qui a déjà épinglé la fondation dans ses travaux sur le TTIP. 

LobbyControl pointe aussi la rémunération prévue pour les membres du Conseil de surveillance qui reçoivent une rémunération de base annuelle équivalant à 30 % de celle des membres du Conseil de surveillance du groupe Bertelsmann, soit en moyenne 60 000 euros en 2012, précise l’association allemande.

Pour ce qui est de l’obligation de ne pas pratiquer de lobbying, LobbyControl souligne qu’elle vaut pour la Commission, et pas pour les autres institutions. Le travail de Viviane Reding au sein de la commission du Commerce international au Parlement européen n’est donc pas concerné, met en évidence l’asbl allemande.

Plaidoyer de plusieurs parlementaires européens, parmi lesquels Claude Turmes, pour un délai de carence de trois ans

LobbyControl, qui pointait aussi le fait que Viviane Reding a reçu le feu vert de la part de ses anciens collègues et qui considère que les critères en matière de conflit d’intérêt sont formulés de manière trop vague, juge trop bref le délai de carence de 18 mois imposé aux anciens commissaires. L’asbl exige un délai de carence de trois ans, qui devrait être compensé par une indemnité transitoire en conséquence.

Un groupe de parlementaires européens mené par Dennis De Jong a d’ailleurs adressé un courrier dans ce sens au nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, en date du 1er novembre 2014. Ces 25 parlementaires provenant des groupes GUE/NGL, Verts/ALE, ALDE, S&D et EFDD demandent une révision du code de conduite des commissaires de façon  notamment à allonger à trois ans le délai pendant lequel tout ancien commissaire se voit interdire tout lobbying auprès de la Commission, et ce sur tous les sujets sur lesquels la Commission Barroso II a pris des décisions collectives. Parmi les signataires de ce courrier, on trouve notamment l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts/ALE).

"Les nouveaux employeurs de Viviane Reding ont en matière de politique commerciale des intérêts divergents de ceux de la majorité des gens en Europe", souligne Ska Keller, inquiète notamment du fait que Viviane Reding est rapporteur pour l’accord TISA

L’eurodéputée Ska Keller, qui appartient au même groupe politique que Claude Turmes, a pour sa part réagi le 13 novembre 2014 en dénonçant une "situation absurde". Certes, Viviane Reding n’a pas le droit de faire de lobbying auprès de la Commission pendant 18 mois, mais en tant que parlementaire européenne, elle n’en aurait de toute façon pas besoin, relève l’eurodéputée allemande.

"En tant que rapporteur pour l’accord sur le commerce des services (TiSA), Viviane Reding a pour responsabilité de veiller à ce que les services de santé, les services liés à l’eau ou l’éducation publique ne soient pas privatisés", souligne Ska Keller qui ajoute que sa collègue au sein de la commission du commerce extérieur ( INTA) doit aussi veiller à ce que "la protection des données ne sombre pas dans cet accord de libre-échange qui porte sur les services". Or, s’inquiète l’eurodéputée allemande, "les nouveaux employeurs de Viviane Reding ont en matière de politique commerciale des intérêts divergents de ceux de la majorité des gens en Europe".

"Viviane Reding doit choisir entre représenter des multinationales ou bien ses électeurs", conclut Ska Keller.