La Commission européenne a adopté le 5 juillet 2016 une proposition visant à renforcer davantage les règles de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux afin de combattre le financement du terrorisme et d'accroître la transparence en ce qui concerne les bénéficiaires effectifs d’entreprises et de fiducies ("trusts").
"La Commission Juncker a fait de la lutte contre l’évasion fiscale, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme l’une de ses priorités", écrit le collège des commissaires dans son communiqué. Les modifications qu’elle a proposées sont censées permettre de réagir face aux nouveaux moyens de financement du terrorisme, d'accroître la transparence pour combattre le blanchiment de capitaux et de contribuer à renforcer la lutte contre l’évasion fiscale.
Cette proposition de la Commission est la première initiative prise dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme de février 2016 et elle s’inscrit également dans une démarche plus large visant à accroître la transparence fiscale et à lutter contre les pratiques fiscales abusives. C’est pourquoi la Commission a présenté en parallèle, une communication en réponse à la récente divulgation des "Panama Papers".
L’adoption, en mai 2015, du quatrième train de mesures contre le blanchiment est qualifiée par la Commission "d’étape importante dans l'amélioration de l’efficacité des efforts déployés par l’UE dans la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant d’activités criminelles et contre le financement d'activités terroristes". Il établit des normes strictes pour empêcher le blanchiment de capitaux, notamment l’obligation pour les États membres de mettre en place des registres nationaux des bénéficiaires effectifs des entreprises et de certains "trusts". "Les États membres se sont engagés à mettre ce train de mesures en œuvre au plus tard à la fin de l’année 2016", souligne la Commission, ce qui se ferait plus rapidement que ce qui avait été initialement prévu.
Comme annoncé dans le plan d’action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, la Commission a proposé le 5 juillet 2016 des modifications visant à empêcher que le système financier ne soit utilisé à des fins de financement d'activités terroristes:
Renforcer les pouvoirs des cellules de renseignement financier de l’UE et faciliter la coopération entre elles: le champ des informations accessibles aux cellules de renseignement financier serait élargi et elles auraient accès aux informations contenues dans les registres centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement ainsi que dans les systèmes centraux de recherche de données, que les États membres devraient mettre en place pour identifier les titulaires de comptes bancaires et de comptes de paiement;
Agir sur les risques de financement du terrorisme liés aux monnaies virtuelles: afin d'empêcher les utilisations abusives de monnaies virtuelles à des fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, la Commission propose d’inclure les plateformes de change de monnaies virtuelles et les fournisseurs de services de portefeuille de stockage dans le champ d’application de la directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. Ces entités seraient tenues d'effectuer des contrôles liés à la vigilance à l'égard de la clientèle lors de l'échange de monnaies virtuelles contre des monnaies réelles, ce qui mettrait fin à l’anonymat associé à ce type d'échanges;
Contrer les risques liés aux instruments prépayés anonymes (par exemple, les cartes prépayées): la Commission propose également de réduire au minimum le recours aux paiements anonymes au moyen de cartes prépayées, en abaissant les seuils en-dessous desquels une identification n'est pas requise de 250 euros à 150 €euros et en élargissant les exigences relatives à la vérification de l'identité des clients. Le principe de proportionnalité a été pris en considération et une attention particulière a été accordée à l’utilisation de ces cartes par les citoyens vulnérables sur le plan financier;
Appliquer des contrôles plus stricts aux pays tiers à risque: conformément aux dispositions de la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, la Commission propose d'harmoniser la liste des contrôles applicables aux pays dans lesquels la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présentent des lacunes. Les banques devraient procéder à des contrôles supplémentaires («mesures de vigilance») sur les flux financiers en provenance de ces pays. La liste de pays, établie sur le modèle de la liste du GAFI, serait, pour des raisons procédurales, formellement adoptée le 14 juillet par acte délégué.
La proposition devrait également renforcer les mesures introduites par la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux au moyen des modifications suivantes:
Accorder au public un accès illimité aux registres des bénéficiaires effectifs: les États membres rendraient publiques certaines informations contenues dans les registres des bénéficiaires effectifs des sociétés ou "trusts" liés à des activités commerciales. Des informations sur tous les autres «trusts» figureraient dans les registres nationaux et seraient mises à la disposition des parties qui feraient valoir un intérêt légitime. Les bénéficiaires effectifs qui possèdent 10 % d'une société présentant un risque d’être utilisée à des fins de blanchiment de capitaux et de fraude fiscale seraient inscrits dans les registres. Le seuil resterait fixé à 25 % pour toutes les autres sociétés.
Mettre en relation les registres: la proposition prévoit l’interconnexion directe des registres pour faciliter la coopération entre les États membres.
Étendre le champ des informations accessibles aux autorités: la Commission a proposé que les comptes existants et nouveaux fassent obligatoirement l’objet de contrôles liés à la vigilance. Cette mesure empêcherait que les comptes qui sont potentiellement utilisés à des fins d'activités illicites échappent à la détection. Les sociétés et "trusts" passifs, tels que ceux qui ont été mis en évidence par les "Panama Papers", feraient également l'objet de contrôles plus rigoureux et de règles plus strictes.
Les propositions d’actualisation des règles en vigueur sont destinées à être adoptées par le Parlement européen et le Conseil statuant conformément à la procédure législative ordinaire.
En ce qui concerne la liste de l’UE des pays tiers à haut risque dont les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présentent des lacunes stratégiques, la Commission précise que la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux prévoit que la Commission adopte une telle liste trois fois par an. La Commission tiendra compte des travaux réalisés au niveau international par le groupe d’action financière. L'UE continuera de coopérer dans tous les domaines politiques pertinents avec les juridictions concernées, notamment au moyen de la coopération au développement, l’objectif ultime étant qu'elles soient mises en conformité et puissent être retirées de la liste. La liste est un acte délégué qui sera également présenté au Conseil et au Parlement européen dans le cadre de la procédure habituelle.