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Dans un entretien au Tageblatt, Jean Asselborn plaide pour le dialogue avec la Turquie, sans faire de concession sur la question de l’Etat de droit
10-09-2016


tageblattDans un entretien publié par le Tageblatt le 10 septembre 2016, le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, revient sur la relation entre la Turquie et l’UE près de deux mois après la tentative de coup d’Etat qui a eu lieu en Turquie dans la soirée du 15 juillet 2016.

Le ministre y plaide pour le dialogue, comme l’a d’ailleurs fait à nouveau le Premier ministre, Xavier Bettel, dans un entretien publié le même jour dans les colonnes du même quotidien. "Le Luxembourg cultive la politique du dialogue", y explique le chef du gouvernement, convaincu qu’il serait "ridicule de croire que l’on peut résoudre une situation problématique si l’on se refuse au dialogue avec un autre Etat. Xavier Bettel souligne que si les Européens n’avaient pas persisté à affirmer clairement leur position dans le cadre du dialogue avec la Turquie, la peine de mort serait peut-être déjà redevenue réalité en Turquie. Pour Jean Asselborn, qui constate que les intentions turques sur la réintroduction de la peine de mort sont pour l’instant restées sans suite, "les déclarations très claires de l’UE ont porté leurs fruits".

Dans l’entretien qu’il a accordé au journaliste Dhiraj Sabharwal, Jean Asselborn relève que la plupart des pays de l’UE, et il cite notamment  la Grèce, Chypre ou encore le Benelux, sont d’avis qu’interrompre les relations avec la Turquie serait "une erreur considérable". Il dit prendre acte et respecter la position autrichienne, qui fait exception sur ce point, et explique que les dernières discussions au sein du Conseil de l’Europe portaient sur le constat d’une "situation difficile" et sur la nécessité de "tenir compte du fait que beaucoup de gens sont descendus dans la rue pour défendre la démocratie et non un parti ou le président". S’il juge "très grave ce qui est en train de se jouer en Turquie", Jean Asselborn n’en reste pas moins convaincu qu’il faut être "à nouveau en mesure de discuter avec le pays". "Dans une seconde phase, on pourrait poursuivre les négociations d’adhésion avec la Turquie", ajoute-t-il.

Lorsque le journaliste lui demande comment rétablir la confiance alors que l’Etat de droit est foulé aux pieds, Jean Asselborn explique qu’un dialogue basé sur la confiance sera possible à partir du moment où la partie turque aura éclairci comment il a été possible d’établir une liste de centaines de suspects quelques heures après la tentative de coup d’Etat. Jean Asselborn défend l’idée que le droit doit primer, et que la Turquie doit trouver des réponses conformes aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pour autant, Jean Asselborn estime aussi que "les politiques et les journalistes européens n’ont pas vraiment saisi la mesure de ce coup d’Etat militaire avorté" et de la "blessure" qui en a résulté. La mort de 300 personnes ou le bombardement du parlement laissent des "plaies durables", argue le ministre qui pense que "cela a été peut-être sous-estimé au début dans l’UE".

Interrogé sur l’accord trouvé en mars dernier entre l’UE et la Turquie portant sur les réfugiés, Jean Asselborn souligne que l’on peut "juger l’accord comme on veut, il est clair que le nombre de réfugiés arrivés en Grèce depuis la Turquie a reculé de façon dramatique". Et au vu de la situation en Syrie, où la guerre pourrait durer encore cinq ans si les choses continuent, Jean Asselborn insiste, comme il l’avait fait au début du mois d’août, sur le fait qu’il n’y a pas de plan B en ce qui concerne les réfugiés et la Turquie.

Jean Asselborn souligne aussi que l’argent de l’Union européenne ne va pas droit dans les caisses de l’Etat turc, mais sert à des projets en matière d’éducation et de santé qui aident les réfugiés. Le Luxembourg contribue à hauteur de 4,3 millions d’euros, dont 3,1 millions ont déjà été versés, à l’enveloppe d’aide de 3 milliards d’euros prévue par l’accord UE-Turquie. "Nous investissons dans une perspective pour les réfugiés syriens", lui fait écho le Premier ministre dans l’entretien donné au Tageblatt le même jour. Dans cet entretien, Xavier Bettel souligne aussi que "les conditions sont claires pour le gouvernement turc comme pour nous" et que "chacun doit s’en tenir à ce qui a été convenu".

Sur la question de la libéralisation des visas pour les citoyens turcs, Jean Asselborn rappelle que cinq conditions (sur les 72 conditions prévues par l’UE pour lever une obligation de visa avec des pays tiers) doivent encore être remplies en matière de protection des données, de coopération avec Europol, de lutte contre la corruption, de coopération judiciaire avec tous les Etats membres de l’UE (y compris Chypre) et de législation antiterroriste. "L’UE n’empêche pas la Turquie de se défendre contre le terrorisme", relève le ministre, mais il juge "inacceptable" la législation actuelle. "Le Premier ministre turc a insisté sur le fait que l’on ne pouvait pas modifier la législation antiterroriste actuellement. Du point de vue de l’UE, cela signifie très clairement que la libéralisation des visas n’est pour le moment pas à l’ordre du jour", commente Jean Asselborn.

Pour ce qui est de la perspective d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, Jean Asselborn affirme clairement qu’un "pays qui ne respecte pas ou qui foule aux pieds l’Etat de droit ne peut pas devenir membre de l’Union européenne". Et de ce point de vue, il glisse par ailleurs au journaliste que "vu comment la Hongrie se comporte actuellement, elle devrait sortir de l’Union européenne".