Les ministres des Finances des États membres de l'UE ont adopté leurs conclusions sur les critères permettant l'établissement d'une liste commune des juridictions non coopératives en matière fiscale. L'élaboration d'une telle liste fait partie du paquet de nouvelles mesures de lutte contre l'évasion fiscale des multinationales présenté le 28 janvier 2016 par la Commission européenne et approuvé par le Conseil Ecofin du 25 mai 2016. Le 14 septembre 2016, la Commission européenne avait présenté son évaluation préalable ("tableau de bord") aux experts des États membres dans le cadre du groupe "Code de conduite (fiscalité des entreprises)" du Conseil.
La présélection des pays susceptibles d'être inscrits sur la liste noire, doit être achevée en septembre 2017, de telle manière que le Conseil puisse adopter la liste à la fin de l'année 2017. Des lettres seraient envoyées aux juridictions qui feront l'objet d'une évaluation négative d'ici janvier 2017, puis d'éventuelles discussions bilatérales seraient entreprises durant l'été suivant. Le groupe "Code de conduite (fiscalité des entreprises)" conduira et supervisera la procédure, soutenu en cela par le secrétariat du Conseil et les services de la Commission. Le travail se poursuit sur les mesures défensives éventuelles dont l'adoption est également prévue à la fin de 2017.
Dans sa stratégie de janvier 2016, la Commission avait suggéré quatre critères permettant d'analyser la situation de ces pays : la transparence de l'Etat en question, et notamment s'il a ratifié la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et s'il respecte les normes internationales en matière d'échanges d'informations ; une concurrence fiscale loyale, et notamment si le pays tiers a des pratiques contraires au Code de conduite du Forum sur les pratiques fiscales dommageables de l'OCDE ; la mise en œuvre du cadre inclusif pour la lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) de l'OCDE ; et son niveau d'imposition, à savoir si le pays ne possède pas d'impôt sur les sociétés ou pratique le taux zéro.
Le Conseil ECOFIN a retenu ces trois premiers critères. Pour ce qui est de la transparence fiscale, il a prévu une période de transition durant laquelle il suffirait aux pays scrutés de respecter deux des trois indicateurs; tandis que l'aspect du dernier bénéficiaire constituerait un quatrième indicateur intégré plus tard. Pour ce qui est du critère d'un système fiscal juste, il propose que soient inscrits sur la liste noire des juridictions offrant des mesures fiscales préférentielles qui pourraient être vues comme dommageables selon la résolution du 1er décembre 1997, sur un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, et celles facilitant la création de structures offshore en vue d'attirer des bénéfices qui ne reflètent pas l'activité économique réelle. Le respect du troisième critère serait évalué en fonction de la mise en œuvre des mesures prévues à ce titre par l'OCDE.
Par contre, le Conseil n'est notamment pas tombé d'accord sur la pertinence de retenir pour critère le taux d'imposition zéro. Ce dernier pourrait être réduit au rôle d'indicateur, du respect du critère de système fiscal juste. Le groupe code de conduite sera chargé d'évaluer "l'absence d'un système d'imposition des sociétés ou l'application d'un taux nominal égal à zéro ou presque zéro comme possible indicateur" de mesures visant à faciliter les structures offshore, visées par le deuxième critère, lit-on en effet dans les conclusions du Conseil.
"L'accord d'aujourd'hui entre Etats membres est une partie essentielle de notre stratégie conjointe pour relever les défis mondiaux tels que l'érosion de la base de l'impôt et la délocalisation des bénéfices. Cela montre que nous avançons dans notre quête d'être les pionniers dans ce domaine", a néanmoins déclaré,selon un communiqué du Conseil, le ministre slovaque des Finances, Peter Kažimír. Ce dernier a rappelé que le but premier de l'UE était d'inciter et non de punir. Ainsi, "un dialogue sera entamé avec les pays qui ne parviennent à remplir les critères que nous avons établis, et seules les juridictions refusant de coopérer et remplir les critères en temps imparti seront placés sur la liste noire", a-t-il dit.
Concernant la mise en œuvre de l'Assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), présentée le 25 octobre 2016, laquelle doit faciliter la lutte contre l'évasion fiscale mais aussi renforcer la compétitivité des entreprises, plusieurs Etats membres de l'UE ont exprimé leur préoccupation au vu des conséquences budgétaires d'une telle assiette commune. Ce fut notamment le cas du Danemark, de l'Espagne, de l'Irlande et de la Roumanie.
Pour le Luxembourg, le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a prévenu ses pairs que le parlement et le gouvernement luxembourgeois n'avaient pas encore été consultés. Toutefois, il a salué plusieurs points de la proposition, à savoir le fait qu'elle épargnait les petites et moyennes entreprises, qu'elle améliorerait la compétitivité des entreprises en Europe, grâce aux incitations fiscales en faveur des activités de recherche et des start-up ainsi que le fait qu'elle encourage les sociétés à financer leurs activités par des fonds propres et à tirer profit des marchés au lieu de s'endetter. Pierre Gramegna a également souligné l'intérêt d'une procédure en deux étapes, l'assiette commune devant faire l'objet d'un accord séparé de celui concernant la consolidation.
Anticipant des "discussions compliquées qui prendront du temps", le Commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, Pierre Moscovici, a prévenu que si la Commission a prévu une adoption de l'ACCIS en deux étapes, la consolidation ne serait pas négligée.
Les ministres des Finances européens ont aussi convenu de commencer à échanger des informations sur les bénéficiaires effectifs de sociétés écrans à compter du 1er janvier 2018. Cet échange sera mis en œuvre par une modification de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, qui figurait parmi les mesures présentées le 6 juillet 2016 par la Commission européenne.
Elle doit permettre de fournir aux autorités fiscales les informations détenues par les autorités d'un autre Etat membre responsables de la lutte contre le blanchiment d'argent, qui leur est nécessaire pour identifier les fraudeurs fiscaux, en obligeant les autorités fiscales à savoir qui est le bénéficiaire effectif de chaque entreprise, "trust" et fonds.