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Changement climatique - Entreprises et industrie - Environnement
Réforme de l’ETS – Le Parlement européen revoit à la baisse l'ambition de la position de la commission Environnement
15-02-2017


carboneLe 15 février 2017, le Parlement européen a adopté sa position sur la réforme du marché européen du carbone après 2020, qui vise à rendre le système d'échange de quotas d'émissions de gaze à effet de serre (ETS ou SEQE) plus efficace au cours de la quatrième période d'échange (2021-2030).  

Adoptée à une courte majorité de adopté 379 pour, 263 contre et 57 abstentions, cette position constitue un niveau d'ambition supérieur à la proposition initiale faite le 15 juillet 2015 par la Commission européenne, mais inférieur à celui de la commission de l'environnement du PE.

Le 15 décembre 2016, les eurodéputés de la commission Environnement avaient soutenu l'annulation d'un maximum de 1 milliard de quotas d'émissions, proposé de porter le "facteur de réduction linéaire", c'est-à-dire la réduction annuelle du volume total de crédits, afin de parvenir aux baisses de carbone -  à 2,4 % à partir de 2021 plutôt que les 2,2 % proposés par la Commission européenne – et prévu que les industries à forte intensité énergétique disposent de possibilités accrues afin d'acquérir des quotas d'émission gratuits, par l'extension de la gamme des critères d'éligibilité pour les industries, qui limiteraient à 48 % la part des quotas mis aux enchères ( alors que la Commission en proposait 57 %). Les députés avaient aussi proposé de doubler la capacité de la réserve de stabilité du marché de 2015.

Une réduction annuelle de 2,2 % du volume total de crédits à partir de 2021 et un objectif de 2,4% "en 2024 au plus tôt"

Par son vote du 15 février 2017, le Parlement a ainsi rétabli le facteur de réduction linéaire à 2,2%, comme le prévoyait la Commission européenne, tandis qu'il se situe actuellement à 1,74 %. "L'objectif devrait être de porter ce chiffre à 2,4% en 2024 au plus tôt", souligne toutefois le communiqué de presse du Parlement européen.

Il a également rejeté l'idée de retirer au secteur à forte intensité énergétique qu'est le secteur du ciment l'allocation d'un milliard de quotas gratuits et d'instaurer une taxe carbone aux frontières pour le ciment importé dans l'UE.

Il a, en revanche, maintenu le compromis en l'état pour ce qui concerne notamment le doublement de la capacité de la réserve de stabilité du marché pour absorber le surplus de crédits sur le marché, responsable de la chute du prix du carbone. Déclenchée à partir de 2019, cette réserve absorberait jusqu'à 24 % des excédents de crédits lors de chaque année d'enchères, pendant les quatre premières années.  Les députés ont également convenu que 800 millions de quotas devraient être supprimés de la réserve de stabilité du marché à compter du 1er janvier 2021.

Le compromis de la commission ENVI est également conservé pour la mise en place de deux fonds, financés par la mise aux enchères de crédits ETS. Un fonds de modernisation aura pour but d'aider à moderniser les systèmes énergétiques de certains États membres. Un fonds pour l'innovation viendra soutenir l'investissement dans les énergies renouvelables, la capture du carbone et les innovations industrielles dans les technologies et procédés à faible émissions de carbone. Les eurodéputés proposent également la mise en place d'un fonds pour une "transition juste" afin de mettre en commun les recettes de la mise aux enchères de crédits pour promouvoir la formation et la réaffectation de la main-d'œuvre touchée par la transition professionnelle dans une économie en voie de décarbonisation.

Les eurodéputés n'ont pas touché non plus au compromis visant à mettre à contribution les secteurs des transports maritimes et aériens internationaux à la lutte contre le changement climatique. Ainsi, le secteur de l'aviation devrait recevoir 10 % de quotas d'émission en moins par rapport à la moyenne de la période 2014-2016, afin de les aligner sur les autres secteurs. Les revenus de la mise aux enchères pourraient être utilisés pour financer les mesures de lutte contre le changement climatique, dans l'UE et dans les pays tiers.

Concernant le secteur maritime, les eurodéputés estiment qu'en l'absence d'un système comparable à l'ETS opérant sous l'Organisation maritime internationale (OMI) en 2021, les émissions de CO2 dans les ports européens et durant les voyages au départ et à destination des ports de l'UE devraient être prises en compte à compter de 2023. Tandis qu'un fonds à créer œuvrerait à compenser les émissions maritimes, améliorer l'efficacité énergétique, faciliter les investissements dans les technologies innovantes et réduire les émissions de CO2 du secteur.

Le commissaire européen à l'Action pour le climat et l'Énergie, Miguel Arias Cañete, a félicité le Parlement pour ce résultat qui doit permettre d'ouvrir des négociations avec la Présidence maltaise du Conseil de l'UE. Le Conseil Environnement qui n'avait réussi à s'entendre le 19 décembre 2016 devrait tenter de progresser lors de sa prochaine réunion du 28 février 2017.

Les déclarations des groupes politiques du Parlement

"Ce vote marque une avancée importante pour remplir nos objectifs climatiques", s'est réjoui le rapporteur, l'eurodéputé du groupe ECR, Ian Duncan. "Le Parlement a approuvé des mesures ambitieuses, et nous avons envoyé un signal fort au Conseil: nous prenons la lutte contre le changement climatique au sérieux”, a-t-il ajouté.

Le PPE parle d'un texte "équilibré", qui "garantit que nous mettons en œuvre l'accord de Paris sur le climat tout en conservant les emplois et la compétitivité de l'industrie européenne". "Cette réforme inclue les incitations nécessaires pour continuer à réduire les émissions de CO2, tout en protégeant suffisamment les secteurs industriels exposés à la compétition internationale", a déclaré l'eurodéputé Ivo Belet. Le PPE évoque également sa crainte qu'une réforme plus ambitieuse provoquerait une délocalisation plutôt qu'une réduction des émissions.  "Une industrie forte et compétitive est cruciale pour rendre l'économie européenne plus durable", a ajouté pour sa part Esther de Lange.

Le groupe S&D accuse le groupe PPE d'avoir "saboté et dilué les éléments progressistes de la proposition", selon les propos du rapporteur pour le groupe S&D, Jytte Guteland. "L'accord n'incite pas suffisamment à l'innovation l'ensemble de l'industrie. Avec davantage d'ambition et des réductions plus élevées d'émissions à partir de 2021, il eût été possible d'obtenir des résultats dans la lutte contre le changement le climatique mais aussi de fournir plus de prévisibilité et de sécurité pour l'industrie", a-t-elle ajouté.

Le groupe ADLE a fait savoir qu'il soutenait "à contrecœur" le texte. "Les réformes actuelles du marché du carbone sont politiquement les meilleures possibles, mais ne répondent pas à l'ambition requise de l'accord de Paris sur le climat. Nous aurions aimé voir un marché du carbone plus strict, avec moins d'aides d'État et moins d'exemptions", a déclaré Gerben-Jan Gerbrandy, rapporteur fictif de l'ADLE et coordinateur de la commission de l'environnement. "Mais dans l'ensemble, ce paquet va nous faire avancer. Maintenant, les ministres de l'environnement de l'UE, se réunissant dans deux semaines, doivent rapidement s'entendre sur une position de négociation constructive".

Pour le groupe Verts-ALE, le Parlement "se plie aux diktats de l'industrie et tourne le dos aux engagements climatiques". C'est notamment le recul sur les mesures à appliquer aux cimentiers qui a fait réagir l'eurodéputé Yannick Jadot : "La suppression des allocations gratuites pour le secteur du ciment et du clinker, remplacé par un régime d'inclusion des importations (taxe aux frontières), aurait permis  de récupérer 1 milliard de quotas pour la période 2021 -2030, soit plusieurs milliards d'euros de revenus qui aurait pu financer l'action climatique." "En renonçant à agir concrètement contre les gaz à effet de serre, les députés freinent également la nécessaire transformation écologique de l'économie", a déclaré pour sa part Michèle Rivasi, avant d'ajouter : "Sans un signal-prix fort, le marché carbone ne peut être qu'inefficace"

D'autres réactions 

Les membres du réseau d 'ONG luttant contre le changement climatique, CAN Europe, ont fait part de leur déception quant à la volte-face du Parlement européen. Son directeur, Wendel Trio, a jugé "choquant que le Parlement ait choisi de se plier aux intérêts des industries polluantes au lieu de protéger les citoyens contre un changement climatique catastrophique". "Les réformes proposées rendront le marché du carbone inefficace pendant une décennie ou plus", pense-t-il, en appelant les "gouvernements progressistes" à réagir lors du prochain Conseil Environnement.

Le conseiller politique d'Oxfam Europe, Marc-Olivier Herman, qualifie le vote du PE d'«opportunité manquée pour le climat et pour ceux qui sont le plus durement affectés dans le monde par les dérèglements climatiques". Il a notamment déplore notamment que le texte ne prévoit pas d'affecter une part des recettes de l'ETS pour aider les pays pauvres à s'adapter aux impacts du changement climatique.

L'Association européenne des armateurs européens (ECSA) déplore que le Parlement européen mette "une pression irréaliste sur l'OMI avec des mesures régionales qui vont frapper durement le secteur au niveau mondial et feront très peu pour le climat, au risque de compliquer indûment l'obtention, le moment venu, d'un accord mondial que tout le monde souhaite à l'OMI", selon le Secrétaire général de l'ECSA, Patrick Verhoeven.