Un accord a pu être trouvé le 5 mai 2015 entre négociateurs du Conseil, du Parlement européen et de la Commission sur la réserve de stabilité du marché que la Commission avait proposé de créer dans le cadre du système européen d’échange de quotas d’émission (EU ETS ou SEQE).
La Commission avait mis sa proposition sur la table en janvier 2014, en même temps que son projet d’objectifs en matière de climat et d’énergie pour 2030. L’idée de la Commission était de créer une réserve de quotas en retirant du marché 12 % de quotas en cas d’excédent pour les réinjecter en cas de besoin. Cette proposition s'inscrivait dans la foulée du gel temporaire de 900 millions de quotas excédentaires adopté en décembre 2013 avec l’objectif de relever le prix des quotas, tombés très bas. L'enjeu est en effet de réformer le SEQE de façon à réduire les surplus grandissant de quotas qui s’établit actuellement à plus de deux milliards de quotas (un quota équivaut à une tonne de CO2). Selon la Commission, le gel de quotas n’est qu’une "mesure temporaire à court terme", alors qu’une réserve de stabilité du marché permettra de gérer les surplus de quotas et d’améliorer la résilience du système à des chocs importants.
Les eurodéputés de la commission de l’Environnement (ENVI) avaient adopté leur position en février 2015, et avaient ce faisant donné mandat au rapporteur, Ivo Belet (PPE), pour entamer les négociations avec le Conseil.
Les députés proposaient d'introduire la stabilité de réserve du marché dès 2018 afin de réduire au plus vite l'excédent de crédits carbone, et ce alors que la Commission proposait de mettre en place la réserve en 2021, au début de la prochaine période d’échange de quotas d’émission du SEQE. Les parlementaires proposaient par ailleurs d'empêcher le retour automatique sur le marché, à partir de 2019, d'une partie des 900 millions de quotas "gelés" et de les placer dans la réserve. Enfin, ils souhaitaient que les profits générés par la mise aux enchères de 300 millions de quotas soient investis dans un "fonds spécial pour l'innovation énergétique" conçu pour aider la transition du secteur industriel vers les technologies faibles en carbone.
Au Conseil, le sujet avait été abordé en décembre 2014 à l’occasion d’un Conseil Environnement qui suivait donc de peu l’accord trouvé au Conseil européen d’octobre 2014 sur les objectifs de l’UE pour 2030 qui mentionnait le système d’échange de quotas doté d’un instrument de stabilisation du marché comme le principal instrument de l’UE pour y parvenir. Les conclusions de ce Conseil évoquent des "progrès considérables" dans les discussions. Au sein du Conseil, une quinzaine de pays, parmi lesquels le Luxembourg, s’étaient engagés à ce moment-là pour soutenir la création d’une réserve de stabilité du marché dès 2017 et du transfert des quotas gelés dans cette réserve. Cette vision n’était toutefois pas partagée par tous les Etats membres, la Pologne ayant rassemblé autour d’elle une fragile minorité de blocage dont l’ambition était notamment d’empêcher que la réserve de stabilité ne soit mise en place avant 2021. La position adoptée en Coreper fin mars 2015 était donc basée sur la date de 2021.
Finalement, le lapidaire communiqué de presse du Conseil indique que les négociations en trilogue ont permis de s’entendre sur la création d’une réserve de stabilité dès le 1er janvier 2019. Par ailleurs, les quotas actuellement gelés seront placés dans la réserve de marché, stipule l’accord trouvé. Quant aux quotas non alloués, ils seront transférés directement dans la réserve en 2020 et leur usage ultérieur sera considéré dans le cadre d’une révision plus large du système d’échange de quotas d’émissions. L’accord prévoit en effet une révision du système et de la réserve "afin de prendre en compte les fuites de carbone et les questions de compétitivité, ainsi que les sujets liés à l’emploi et au PIB".
Le groupe PPE a réagi par un long communiqué saluant l’accord trouvé en trilogue. Ivo Belet, rapporteur, s’y félicite d’avoir "trouvé un bon équilibre entre une réforme ambitieuse et efficace de l’ETS" et il salue "les fortes garanties pour l’industrie intensive en carbone" qu’il assure afin de prévenir les fuites de carbone. "Cette réforme va assurer que les prix du carbone incitent à investir dans des énergies plus propres ; elle offre des assurances à l’industrie et garantit une transition progressive et équilibrée vers une production pauvre en carbone", résume le rapporteur qui salue "l’engagement de la Commission sur un fonds pour l’innovation visant à aider l’industrie à se convertir à des technologies pauvres en carbone". Giovanni La Via, qui préside la commission ENVI, a salué pour sa part un compromis "satisfaisant pour toutes les parties" et qui "place l’UE en position de leader en vue de la Conférence de Paris sur le climat (COP21)". Antonio Tajani, rapporteur pour la commission de l’Industrie (ITRE), qui devait rédiger un avis sur ce texte, a mis en avant les "seuils d’activation du MSR adéquats" qui vont permettre à l’industrie de s’adapter au nouveau système sans coût additionnel, ainsi qu’il s’en est réjoui.
Du côté du groupe S&D, Matthias Groote, rapporteur fictif, a lui aussi exprimé sa satisfaction en rappelant qu’il avait insisté pour une mise en place rapide de cette réserve de stabilité. Le parlementaire se réjouit aussi à l’idée que les quotas gelés et non alloués soient transférés dans la réserve, ce qui va selon lui corriger "le déséquilibre entre l’offre et la demande" et donc établir "des prix plus stables du CO2 sur le long terme". "Le compromis prévoit un allègement pour les Etats membres plus pauvres", se félicite-t-il en expliquant que les quotas supplémentaires mis aux enchères résultant de la répartition (à peu près 10 % des quotas sont répartis à des fonds de solidarité et de croissance) ne seront pas pris en compte pour la réserve de stabilité du marché. Matthias Groote, qui souligne l’importance de l’échange de quotas pour la politique climatique de l’UE, se réjouit de voir le système retrouver le cap en devenant plus flexible grâce au système de réserve de stabilité.