Les ministres de l’Environnement de l’UE se sont réunis le 17 octobre 2016 à Luxembourg pour leur premier Conseil depuis la ratification par l’UE de l’accord de Paris. Les suites à donner à cet accord en termes d’engagements concrets ont d’ailleurs été l’un des principaux sujets de leurs discussions.
Le débat d'orientation des ministres s’est articulé autour des propositions de la Commission relatives au partage de l’effort entre les Etats membres pour réduire de façon collective de 30 % les émissions de gay à effet de serre dans les secteurs non couverts par l’ETS. Il s’agit là d’un règlement sur la répartition de l'effort et d’un règlement concernant l'utilisation des terres, le changement d'affectation des terres et la foresterie (règlement UTCATF, plus connu sous l’acronyme anglais LULUCF). Le règlement sur la répartition de l'effort porte sur des secteurs tels que les transports et le bâtiment et fixe des objectifs de réduction des émissions pour chaque État membre. Le règlement UTCATF concerne la contribution que peuvent apporter l'utilisation des terres et la foresterie en vue d'atteindre les objectifs de réduction des émissions.
Si la ministre luxembourgeoise de l’Environnement, Carole Dieschbourg, a insisté lors de ce débat sur la nécessité de prendre ses responsabilités, cette première discussion a été animée, laissant présager d’âpres négociations. "J’insiste pour que les flexibilités qui existent dans le cadre de l’accord contribuent effectivement à l’effort de réduction d’émissions en Europe, et ne deviennent pas un artifice comptable pour cacher une réduction d’ambition", a lancé la ministre, visiblement consciente des difficultés à venir.
Certaines délégations sont en effet vent debout contre les objectifs de réduction des émissions proposés par la Commission et demandent des clarifications sur la méthodologie qui a servi à les fixer. Elles estiment que la spécificité de leur situation n’est pas prise en compte. Certaines délégations veulent aussi plus de flexibilité. La date qui doit servir de référence pour les réductions d’émissions à venir apparaît aussi comme une future pierre d’achoppement dans les discussions.
La présidence slovaque a toutefois l’espoir de parvenir à dégager une approche générale en décembre prochain.
Le Département de l'Environnement du Ministère du Développement durable et des Infrastructures rapporte dans un communiqué de presse que Carole Dieschbourg a relevé l’importance du secteur des transports et a appelé la Commission à soumettre des propositions législatives ambitieuses en la matière. "C’est d’un vrai changement de paradigme dont nous avons besoin dans ce domaine. Je suis convaincue qu’à côté des initiatives nationales, les initiatives communautaires sont extrêmement importantes, comme par exemple pour accélérer le déploiement de véhicules propres. Puis, je pense aux révisions des directives sur la performance énergétique des bâtiments, de l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables, pour en nommer juste quelques-unes", a insisté la ministre.
Les ministres ont également adopté des conclusions sur la gestion durable de l'eau. Celles-ci doivent contribuer au débat plus large concernant la future politique de l'UE dans le domaine de l'eau. Elles prennent en compte les enjeux liés à l'utilisation des terres et au changement climatique, ainsi que le nouveau contexte international, notamment l'accord de Paris et le programme de développement durable à l'horizon 2030.Lors de leur discussion, les ministres ont souligné que les eaux européennes subissent une pression de plus en plus croissante du fait du changement climatique, mais également à cause d’une demande croissante de la part des utilisateurs, et qu’il convient donc de maintenir des objectifs ambitieux et de porter une vision à long terme allant au-delà de 2027, afin de garantir une bonne qualité et quantité de l’eau et de prévenir les inondations, les pénuries d’eau et les épisodes de sècheresse.
Les ministres ont ainsi appelé la Commission à travailler en étroite collaboration avec les États membres en ce qui concerne la révision des directives-cadre sur l’eau prévue pour 2019 au plus tard. Les ministres ont également souligné l’importance de mener une politique de gestion de l’eau transfrontalière. Enfin, ils ont insisté sur l’importance d’avoir une cohérence des politiques et d’intégrer la politique de protection de l’eau au sein d’autres domaines, notamment l’agriculture, le transport ou encore l’aménagement du territoire.
Les ministres ont également adopté des conclusions sur la biodiversité dans la perspective de la réunion des parties à la convention sur la diversité biologique et ses protocoles (Cancun, Mexique, du 4 au 17 décembre). Ces conclusions formeront la base de la position de négociation qu'adoptera l'UE lors de cette réunion.
Lors de la discussion sur ce sujet, Carole Dieschbourg a exhorté la Commission européenne à présenter les résultats de son évaluation des directives de protection de la nature : "Il me semble qu’au sein de l’Union on ne se rend pas toujours suffisamment compte de cette importance. Serait-ce une des raisons pour expliquer qu’on attend toujours la publication des résultats du Fitness check?", s’est demandé la ministre luxembourgeoise, qui attend avec impatience cette publication. "Il est extrêmement important en tant qu’Union européenne de montrer notre détermination pour la réalisation des objectifs d’Aichi. Ces efforts aideront aussi à implémenter les objectifs de la stratégie de l’Union européenne pour la biodiversité 2020", a-t-elle déclaré.
A l’occasion de ce Conseil, la Commission a présenté aux ministres l’amendement au protocole de Montréal dans le domaine de la réduction des HFC qui vient d’être adopté à Kigali. Cet accord sur l'élimination progressive des hydrofluorocarbures (HFC), gaz utilisés dans les réfrigérateurs ou les climatiseurs et qui se sont révélés extrêmement nocifs pour le climat, avait été salué le 15 octobre 2016 comme "une grande victoire pour le climat"par le commissaire Miguel Arias Canete.
Carole Dieschbourg s’est elle aussi réjoui de cet accord. "Comme les HFC sont des gaz à effet de serre à courte durée de vie, réduire de façon significative leurs émissions constitue une réponse climatique rapide", a-t-elle salué, voyant dans le protocole de Montréal "l’instrument onusien adapté à la gestion des HFC". "Le succès historique de la démarche du protocole de Montréal pour faire face au problème de l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique est indéniable", estime la ministre luxembourgeoise de l’Environnement.
Au cours du Conseil, les délégations suédoise, danoise et néerlandaise, soutenues par le Luxembourg, ont tenu à attirer l’attention de la Commission européenne sur l’importance d’adopter des critères suffisamment protecteurs de la santé humaine et de l’environnement pour définir et réglementer les perturbateurs endocriniens. La Commission européenne a en effet mis sur la table en juin dernier des propositions qui étaient très attendues, mais qui ont été aussitôt reçues avec scepticisme, y compris au Luxembourg.
Carole Dieschbourg a souligné la nécessité d’une évaluation sérieuse des effets des perturbateurs endocriniens. "Il nous semble important de pouvoir prendre en compte les nouvelles connaissances scientifiques comme la toxicité combinée ou l'existence d'effets à faible dose", a-t-elle déclaré, appelant par conséquent à ce que "le projet reflète mieux la possibilité de recourir à d'autres études pertinentes de la littérature ouverte et des nouvelles connaissances scientifiques".