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Agriculture, Viticulture et Développement rural
Fernand Boden explique sa position par rapport à la suppression du système des quotas laitiers dans sa réponse à une question parlementaire de Robert Mehlen
18-02-2009


Dans une question parlementaire adressée à Fernand Boden, ministre luxembourgeois de l’Agriculture, le député Robert Mehlen (ADR) s’est dit préoccupé par la situation précaire dans laquelle se trouve actuellement le marché du lait et des produits laitiers. Dans ce contexte, il a critiqué la décision du Conseil des ministres de l'Agriculture de l’UE visant à augmenter graduellement les quotas laitiers au cours des cinq prochaines périodes de douze mois. Décision qui, d'après Robert Mehlen, devrait encore aggraver la situation actuelle.

La décision du Conseil des ministres de l'Agriculture de l’UE

En novembre 2008, le Conseil des ministres de l'Agriculture de l’UE avait adopté un paquet sur le lait permettant l’accompagnement de la sortie progressive du système des quotas laitiers. Les quotas laitiers des Etats membres seront ainsi augmentés de 5% d’ici 2015, avec deux rapports intermédiaires d’évaluation en 2010 et 2012. Des mesures d’accompagnement sont mises en place pour aider les producteurs susceptibles d’être fragilisés par cette augmentation de quotas.

La Commission européenne avait déjà décidé en décembre 2007 de poursuivre sa réforme de la Politique agricole commune, avec pour objectif de faire face à la flambée des cours dans le monde due à une augmentation de la demande mondiale dans le secteur du lait. Sur la base des demandes formulées par les Etats membres et d’un rapport sur les perspectives du marché laitier, la Commission avait proposé d’augmenter les quotas laitiers de 2 % à partir de la période 2008/ 2009 et de les supprimer d’ici 2015.

La question de Robert Mehlen du 26 janvier 2009

• Pensez-vous toujours qu’il est juste de déstabiliser le marché du lait par la suppression du système des quotas laitiers et, par conséquent, de mettre en cause la survie de nombreux producteurs ?

• Êtes-vous prêt à intervenir à court terme en faveur d’une annulation les augmentations des quotas laitiers en vigueur et prévues?

• Êtes-vous prêt à intervenir au niveau européen pour une prorogation du régime des quotas laitiers assorti d'un mécanisme de gestion flexible de la production laitière entre l'offre et la demande ainsi que d'un dispositif sanctionnant tout dépassement des quotas au niveau des laiteries ? Ceci pour permettre la stabilisation du marché du lait et le payement d’un prix du lait équitable aux producteurs.

• Si ce n’est pas le cas, quelles sont vos réflexions sur cette problématique et quelles perspectives offrez-vous aux producteurs de lait ?

Réponse de Fernand Boden, ministre de l’Agriculture, à la question de Robert Mehlen

Fernand Boden a souligné d'emblée que le marché du lait et des produits laitiers traverse actuellement une période difficile. "Les prix payés aux producteurs fin 2008 sont nettement inférieurs aux prix historiquement élevés enregistrés au cours de l'année 2007 et se situent davantage à un niveau comparable à celui de l'année 2006", explique-t-il en ajoutant que la situation actuelle du marché du lait nécessite un examen approfondi. S’il s'accorde pour dire que le marché laitier n'est pas en très bonne santé actuellement, il se doit de constater qu’il ne partage pas l'analyse de Robert Mehlen quant aux causes qui sont à l'origine de cette détérioration du marché.

Selon le ministre de l’Agriculture, "il importe de souligner en premier lieu que la période de conjoncture difficile que traversent actuellement les producteurs de lait n'est pas imputable à l'augmentation récente des quantités de référence, mais est à mettre essentiellement au compte de la crise financière qui touche le monde entier et des conséquences néfastes qui en découlent pour l'économie mondiale." Il précise qu’en effet, les données statistiques disponibles sur les livraisons de lait aux laiteries au niveau communautaire démontrent que l'augmentation de 2 % des quotas laitiers, décidée par le Conseil CE en mars 2008, n'est pas à l'origine du déséquilibre qui prévaut actuellement sur le marché du lait et des produits laitiers. Jusqu'à présent, cette augmentation serait restée sans incidence sur le niveau de la production de lait dans l'Union européenne puisque les livraisons de lait aux laiteries effectuées pendant la période d'avril à novembre 2008 seraient même en recul de 0,3 % par rapport à celles enregistrées pour la même période de l'année 2007, période pendant laquelle le marché a connu "une flambée des prix jamais enregistrée auparavant".

Suite à l'éclatement de la crise financière à travers le globe, le marché mondial en produits laitiers se serait littéralement effondré. A cela s'ajoute que l'appréciation de l'euro par rapport au dollar américain, qui reste la monnaie la plus courante dans les échanges commerciaux au niveau international, n'a guère amélioré les potentialités des exportateurs communautaires. Le ministre de l’Agriculture explique que les quantités non absorbées par le marché mondial pèsent sur le marché communautaire et provoquent ainsi la chute des prix du lait payés aux producteurs, à laquelle nous assistons actuellement. Il rappelle dans ce contexte que, malgré l'instauration du régime des quotas laitiers en 1984, la production laitière communautaire est restée excédentaire de sorte qu'il a fallu recourir au fil du temps à l'écoulement de produits laitiers sur le marché mondial.

"La part de la production laitière communautaire, qui est exportée vers des pays tiers, varie actuellement entre 10 % et 12 %" précise Fernand Boden en soulignant qu’"en vue de soutenir le marché du lait et des produits laitiers, la Commission européenne vient de réintroduire des restitutions à l'exportation pour les principaux produits laitiers de base que sont le beurre, le lait écrémé en poudre, le lait entier en poudre et les fromages. Par ailleurs, elle a avancé de deux mois l'entreposage de beurre pour la campagne 2009/10 et a signalé son intention d'autoriser au cours de l'année 2009 des entrées en stockage public de beurre et de poudre de lait écrémé supérieures aux quantités maximales prévues."

Fernand Boden estime que la réinstauration des restitutions à l'exportation constitue une réponse appropriée pour faire face au déséquilibre actuel du marché laitier. Il explique que "le recours à cet instrument, qui, de toute évidence, ne sera que temporaire au vu des engagements souscrits par la Communauté européenne (…), permettra de stabiliser le marché laitier à moyen terme et constitue dès lors un remède efficace pour sortir de la situation excédentaire qui prévaut en ce moment. Par ailleurs, le reproche soulevé à propos du caractère nocif des restitutions à l'exportation pour les producteurs de lait dans les pays en voie de développement n'est pas fondé du fait que les quantités de produits laitiers exportées vers ces destinations sont marginales."

La déstabilisation du marché du lait par la suppression du système des quotas laitiers

Fernand Boden a tenu à souligner qu’il est persuadé que "la suppression du régime des quotas laitiers en 2015 ne va pas déstabiliser le marché du lait et des produits laitiers et que la transition vers un marché libre ne va pas mettre en cause la survie de nombreux producteurs". Selon lui, les préoccupations avancées à propos d'un dérapage de la production laitière après 2015 ne sont pas fondées, du fait que les contraintes environnementales imposées aux producteurs constituent un frein naturel à tout développement non contrôlé de la production laitière à l'avenir. Par ailleurs, il relève que "le processus de restructuration dans le secteur laitier va se poursuivre à l'avenir avec ou sans quotas laitiers, certes à un rythme beaucoup plus lent que celui auquel nous avons assisté depuis l'instauration du régime des quotas laitiers en 1984". Sur les 2 226 producteurs de lait luxembourgeois encore actifs à cette époque, 1.363 ont arrêté entretemps la production laitière, soit 3 producteurs sur 5. Ceci prouve que ledit régime n'a pas su arrêter le processus de restructuration indispensable dans le secteur de la production laitière au Luxembourg.

L’annulation des augmentations des quotas laitiers

Quant à une éventuelle initiative luxembourgeoise visant l'annulation des récentes décisions en matière de quotas laitiers prises par le Conseil CE, Fernand Boden déclare très clairement qu’il s’y oppose avec détermination.

Le ministre de l’Agriculture explique que depuis la mise en place du régime en 1984, le Luxembourg connaît un manque chronique en quotas laitiers. Les producteurs de lait luxembourgeois se sont vus imposer régulièrement un prélèvement plus ou moins substantiel à cause du dépassement de la quantité de référence nationale disponible. Il précise que ces derniers se plaignent régulièrement des limitations qui leur sont imposées depuis vingt-cinq ans en termes de production, alors que les producteurs de nombreux Etats membres comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France n'épuisent presque jamais leur quota national disponible et sont exemptes du paiement du prélèvement de coresponsabilité. Dans ces circonstances il est difficile d'envisager, d'un point de vue luxembourgeois, le refus d'une proposition visant une augmentation des quantités garanties de lait.

En outre, Fernand Boden précise que l'augmentation des quotas décidée pour la période 2009 à 2013 est liée à une analyse des marchés que la Commission européenne. Elle sera par ailleurs accompagnée d'une réduction de moitié de la correction de la matière grasse appliquée aux livraisons de lait au moment du décompte final annuel. Les producteurs de lait luxembourgeois pourront tirer profit dès la prochaine période de douze mois de cette réduction de la correction matière grasse dans une mesure plus large que leurs homologues allemands, français et autres. Il estime que cette réduction se soldera au niveau national par une augmentation des livraisons de lait hors prélèvement.

Prorogation du régime des quotas laitiers

Fernand Boden explique qu’il "rejette l'idée de plaider au niveau communautaire pour une prorogation du régime des quotas laitiers assorti d'un mécanisme de gestion flexible de la production laitière entre l'offre et la demande ainsi que d'un dispositif sanctionnant tout dépassement du quota au niveau des laiteries. Une prorogation du régime des quotas laitiers au-delà de l'échéance 2015 n'est pas réaliste compte tenu des positions majoritaires au sein du Conseil CE. Lors des discussions menées dans le cadre du bilan de santé de la PAC, il s'est une fois de plus confirmé qu'une majorité d'Etats membres, de concert avec la Commission européenne, plaident pour une suppression du régime et non pour sa prorogation. Compte tenu de cette situation de fait, il serait dès lors totalement inapproprié de relancer une discussion dans le sens souhaité par l'honorable Député, tentative qui serait dès le début vouée à l'échec."

Réflexions et perspectives

Quant à ses réflexions et perspectives, Fernand Boden rappele que, "depuis le moment où nous avons la certitude que le régime des quotas laitiers expirera en 2015, le Luxembourg a toujours plaidé auprès des instances communautaires pour une approche graduelle et multifactorielle pour parvenir à un atterrissage en douceur du secteur laitier au moment de l'expiration du régime. Cette approche associe une augmentation modérée des quotas laitiers, une adaptation du mode de correction matière grasse, ainsi qu'une action double sur le niveau du prélèvement, d'une part, et la création d'un mécanisme de compensation intracommunautaire des livraisons de lait, d'autre part". A son avis, une telle approche multiple est la plus appropriée puisqu'elle permet aux producteurs de se préparer progressivement à l'expiration du régime des quotas laitiers et à la libéralisation du marché laitier en 2015.

"Le compromis final obtenu au Conseil CE fin novembre 2008 ne répond certes pas à tous nos objectifs. Toutefois, il importe de souligner que les revendications du Luxembourg sont largement reprises dans le compromis final, à savoir : l'augmentation annuelle de 1% des quotas laitiers décidée pour les périodes 2009/10 à 2013/14 est modeste et ne devrait guère déséquilibrer le marché dans l'optique que bon nombre d'Etats membres n'utilisent déjà à l'heure actuelle pas pleinement leur quota et qu'il faut escompter, même en temps de crise, une augmentation de la consommation intra-communautaire en produits laitiers de l'ordre de 0,5 % par an. La Commission européenne s'est parallèlement engagée à présenter avant le 31 décembre 2010 et le 31 décembre 2012 un rapport sur l'évolution du marché du lait et des produits laitiers, rapport qui comportera l'analyse d'une série d'instruments pouvant servir à parvenir à un atterrissage en douceur du secteur laitier au moment de l'expiration du régime des quotas laitiers en 2015. En outre, la réduction de moitié du facteur de correction matière grasse à partir de la période 2009/10, dont les producteurs de lait luxembourgeois pourront tirer profit dès la prochaine période de douze mois" explique Fernand Boden.

Le ministre de l’Agriculture souligne qu’il "ne cesse d'encourager les producteurs, qui souhaitent procéder à des investissements dans le secteur de la production laitière dans le futur, d'anticiper ces investissements de sorte à être équipés d'un outil de production adéquat au moment où l'actuel régime des quotas laitiers aura touché à sa fin." Et de conclure : "La nouvelle loi agraire, qui est entrée en vigueur en 2008, devrait contribuer à réaliser cet objectif. Je suis convaincu que le recours aux instruments précités, d'une part, et aux mesures de soutien prévus en cas d'investissement, d'autre part, constitueront la meilleure préparation possible de nos producteurs pour confronter l'avenir avec confiance."