La déclaration sur l’état de la nation du Premier ministre Jean-Claude Juncker du 21 avril 2009 était une déclaration "au nom d’un gouvernement qui se trouve en fin de mandat". Placée sous le signe de la crise, elle était aussi sous le signe de l’Europe : "La cause luxembourgeoise, la cause des Luxembourgeois au Luxembourg, la cause des Luxembourgeois en Europe et la cause de l’Europe au Luxembourg, elle nous concerne tous au même degré", a lancé le Premier ministre qui constata également: "Si notre situation est, en pleine crise, meilleure que dans d’autres pays européens, cela est un mérite collectif".
Pour Juncker, prévoir la croissance et le budget est devenu une chose difficile avec les hausses et les baisses des cours de change et des prix. En octobre 2008, tous les Etats européens sont partis de prévisions positives. Au Luxembourg, on misait sur 3 points de croissance. Depuis, le STATEC prévoit une baisse de 1,8 point et la Commission européenne pourrait bien avancer le chiffre de 3 points dans les semaines qui viennent. Prévoir ce qu’il en sera en 2010 et quelles seront alors les capacités de récupération économique à ce moment-là est encore plus difficile selon le Premier ministre.
Beaucoup dépend selon Juncker de l’évolution de la zone euro et de ce qui se passera chez nos voisins directs. Lui-même et ses collègues européens partent de l’hypothèse que les programmes de relance mis en œuvre dans l’Union européenne, qui ont mobilisé des ressources équivalant à 3,5 % de son PIB, porteront leurs fruits en 2010 et auront une influence positive sur l’économie luxembourgeoise.
"Mais", a ajouté Juncker à un autre moment de son discours, "je suis convaincu que les programmes de relance conjoncturels, qu’ils soient européens ou nationaux, n’auront pas d’effets positifs si nous n’arrivons pas à remettre en route le système bancaire. Ce qui ne sera possible que si nous réussissons à maîtriser le problème des produits bancaires et financiers toxiques. Il s’agit là d’une tâche globale. Il s’agit là d’une tâche européenne. Il s’agit là dans une très faible mesure d’une tâche nationale".
Quant aux efforts à mener au niveau national dans le contexte de la crise de l’économie réelle, le gouvernement a opté pour des investissements publics propres destinés à compenser les baisses que connaît la demande dans le secteur privé. Le gouvernement a accepté de creuser le déficit et de contracter plus de dettes que prévu à condition que "quand la reprise viendra, le budget en soit consolidé et que l’on fasse des économies". C’est un oui clair à plus de dette publique, "mais pas dans des proportions qui constitueraient une charge trop importante pour les générations à venir".
Juncker s’est de nouveau prononcé contre l’idéologie du "tout marché" qui "doit aller à la poubelle" : "Le marché ne règle pas tout si l’Etat ne lui impose pas des règles. Le marché ne produit pas de solidarité. (...) Les principes de base de l’économie sociale de marché doivent revenir au centre de la vie économique. L’économie n’est pas une fin en soi, elle doit être au service des êtres humains."
Juncker s’est particulièrement félicité que l’on ait résisté au Luxembourg "aux chants des sirènes hostiles à la solidarité" qui ont essayé "de nous vendre les charmes d’un nouveau monde dérégulé". Il s’est réjoui que "nous n’ayons pas privatisé la poste, la caisse d’épargne, les chemins de fer, que nous n’ayons pas flexibilisé jusqu’à le rendre méconnaissable le droit du travail, que nous n’ayons pas démonté les services de santé, que nous n’ayons pas supprimé le salaire minimum et mis en pièces le système de protection sociale. (...) Au Luxembourg, l’économie sociale de marché n’a pas besoin de renaissance, car nous ne l’avons jamais laissée mourir".
Autre sujet sensible : le Luxembourg accusé d’être un paradis fiscal. Juncker fut très clair à ce sujet. "Le Luxembourg n’est pas un paradis fiscal. C’est pourquoi Monsieur Müntefering n’aurait pas pu envoyer des soldats, car ils n’auraient pas, une fois qu’ils nous auraient envahis, su quoi faire. Malgré tout, le président du SPD aurait pu se passer de sa remarque. Dieu merci nous ne résolvons plus nos problèmes en Europe avec des soldats". Et il expliqua que le Luxembourg est dorénavant prêt à abandonner la forme actuelle de son secret bancaire puisque ses concurrents sont prêts eux aussi à le faire. Il pourra en conséquence prendre en compte les normes de l’OCDE qui lui permettront de négocier de nouveaux accords sur la non-double imposition, car ils constituent autant de nouvelles opportunités pour son industrie des fonds.
Juncker a ensuite déploré la situation sur le marché du travail, où le taux de chômage est passé de 4,5 à 5,6 %, les premiers touchés étant les détenteurs de contrats à durée déterminée ou de contrats d’intérim. "C’est une chance que nous soyons le pays qui a, avec 95 %, le taux de contrats à durée indéterminée le plus élevé. Nous aurions plus de chômeurs si nous avions flexibilisé à outrance notre droit du travail. Notre droit du travail protège contre des licenciements précipités."
Avec véhémence, Jean-Claude Juncker a rejeté l’idée que certains n’osent pas encore exprimer en public qu’il faudra, en temps de crise, réduire l’aide publique au développement, qui a dépassé le seuil de 0,9 % du revenu national brut. Au nom de son gouvernement de coalition, il a déclaré qu’il continuerait à mener la politique de développement qui a été mise sur les rails ces dernières années. "Aussi longtemps que 25 000 enfants meurent tous les jours de faim, aussi longtemps qu’un enfant meurt de faim toutes les 9 secondes, l’Europe et le Luxembourg n’ont pas encore accompli leur devoir."
Lors de son discours, Juncker salua, parmi les députés sortants qui se retirent de la vie publique ou de la politique nationale, Charles Goerens, candidat tête de liste du DP aux élections européennes. "Sans vouloir préjuger du vote des électeurs, je pars de l’hypothèse qu’il sera après le 7 juin l’un des 6 eurodéputés luxembourgeois." Et d’ajouter qu'un "engagement pour l’Europe et en Europe n’est pas en contradiction avec un engagement purement national. Les deux vont ensemble et c’est pourquoi la candidature de Charles Goerens mérite le respect. Il a été un bon ministre, il sera une voix forte pour le Luxembourg en Europe. (...) Un gain pour l’Europe n’est pas une perte pour le Luxembourg. Un homme de bien en Europe, c’est un gain pour le Luxembourg. Charles Goerens sera un gain pour le Luxembourg en Europe et pour l’Europe au Luxembourg."