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Marché intérieur - Traités et Affaires institutionnelles
Transpositions difficiles – Un rapport du Ministère des Affaires étrangères décrit les difficultés du Luxembourg à transposer la législation européenne dans les délais
11-05-2009


Le Ministère des Affaires étrangères vient de transmettre à la Chambre des députés un rapport sur l’état de transposition des directives européennes. Il dresse l’état des lieux au 1er avril 2009. De son analyse quantitative qui ne juge pas les performances des différents ministères, se dégage un tableau objectif de la situation qui est néanmoins difficile.

Un premier constat est que les derniers Tableaux d’affichage sur la transposition des directives européennes relatives au Marché Intérieur publiés par la Commission européenne en juillet 2008 – qui reflètent l’état de transposition de mai 2008 - et février 2009 – qui reflètent l’état de transposition de novembre 2008 - confirment que le Luxembourg a amélioré son résultat par rapport aux années précédentes.

Mais ces résultats se situent encore loin des objectifs fixés par le Conseil européen ainsi que des résultats obtenus par les autres Etats membres.

Conformément aux décisions du Conseil européen de mars 2007, les Etats membres sont tenus de réduire leur déficit de transposition à 1 % - par rapport à 1,5% auparavant - et de transposer toutes les directives qui connaissent un retard de transposition supérieur à deux ans et ce au plus tard en 2009.

Alors qu’en mai 2007 le déficit de transposition du Luxembourg s’élevait à 3,3 %, il a connu une évolution à la baisse jusqu’à 2,8 % en novembre 2007. C’est en mai 2008 que le Luxembourg a réussi à passer, pour la première fois depuis l’introduction des Tableaux d’affichage, sous la barre des 2 % avec un déficit de transposition de 1,8 %.

L’état de la situation en novembre 2008

Le dernier Tableau d’affichage publié en février 2009 – qui reflète l’état de transposition au 10 novembre 2008 - affichait par contre à nouveau un déficit de transposition en hausse à 2,2 %.  Dans ce tableau, le Luxembourg se rangeait, en dépit des récentes améliorations, en dernière place parmi les 27 Etats membres, entre autres parce que d’autres Etats membres ont amélioré leur performance.

Le déficit de transposition du Luxembourg au 30 avril 2009, qui sera pris en compte pour le prochain Tableau d’affichage – qui sera publié en juillet 2009 - se situera très probablement aux alentours de 1,9 %. Ce chiffre semble de nouveau confirmer la tendance à la baisse générale du déficit de transposition.

L’état de la situation au 1er avril 2009

L’état des lieux dressé dans le présent rapport, qui correspond à la situation telle qu’elle se présente au 1er avril 2009, est le suivant :

  • 115 directives doivent encore être transposées. De ces 115 directives, 34 seront prises en compte dans le prochain Tableau d’affichage (reflétant l’état de transposition au 30 avril 2009).
  • Pour 28 de ces 34 directives prises en compte dans le prochain Tableau d’affichage, des procédures de transposition ont été initiées, tandis que pour les 6 autres directives, aucune mesure nationale de transposition n'a encore été entamée.
  • 26 de ces 34 directives se trouvent sous une procédure d’infraction pour non-respect du délai de transposition.
  • Le Luxembourg est également en retard de transposition de 8 directives dont le délai a expiré depuis au moins deux ans, une 9e directive s’ajoutant à cette catégorie le 30 avril 2009.

Plusieurs facteurs ont aggravé la situation :

  • la décision du Conseil européen de mars 2007 d’imposer la réduction des déficits de transposition à 1%, et d’épingler les directives dont le délai de transposition a expiré depuis au moins deux ans;
  • le passage de l’examen semestriel à l’examen mensuel des paquets d’infractions par la Commission européenne, depuis janvier 2008, qui s’est traduit par une accélération du rythme des décisions d’infractions;
  • la baisse dans la cadence de transposition des directives au Luxembourg;
  • la tenue des élections législatives du 7 juin 2009, qui amènera une interruption importante de l’activité législative;
  • des paquets législatifs importants, comportant un nombre élevé de directives, qui viennent ou sont sur le point d’être adoptés par l’Union européenne (paquet énergie/climat, paquet crise financière, etc.).

Les conséquences de la non-transposition

Le retard important pris par le Luxembourg en matière de transposition se traduit selon le rapport en termes d’atteinte à l’image européenne d’un Etat membre fondateur des Communautés, et conduit à une accumulation du précontentieux et du contentieux communautaires pour non-transposition.

Le nombre de nouvelles procédures d’infractions lancées en 2008 à l’encontre du Luxembourg est en baisse par rapport à celui de l’année 2007. Si 42 nouvelles mises en demeure en vertu de l’article 226 TCE ont été adressées au Luxembourg en 2007, seulement 31 ne l’ont été en 2008.

Aussi, jusqu’à présent, le Luxembourg n’a jamais été condamné à des sanctions pécuniaires.

Les montants minima des sanctions financières sont de 600 euros par jour pour ce qui est de l’astreinte journalière et de 500 000 euros pour la partie forfaitaire dans le cas d’un facteur de gravité de 1. En fonction du facteur de gravité (que la Commission peut fixer de 1 à 20) et de la durée de la persistance de l’infraction, ces montants peuvent rapidement atteindre des multiples de ces minima i.e. plusieurs millions d’euros. L’astreinte journalière est à payer à partir de la signification du deuxième arrêt de la Cour de Justice (prononcé sur le fondement de l’article 228 TCE) à l’Etat membre et jusqu’à ce que celui-ci mette fin à l’infraction. Le montant est calculé en fonction de critères comme les comportements infractionnels récidivistes, la durée de l’inaction de l’Etat entre la date de la première condamnation jusqu’au moment de sa mise en conformité ou encore la gravité du manquement eu égard aux intérêts publics et privés concernés, et en prenant en compte l’importance d’un effet dissuasif.

Les facteurs structurels expliquant le retard du Luxembourg

Les raisons pour le déficit de transposition accusé par les Etats membres de l’UE peuvent tenir, de manière générale, à des facteurs substantiels, à des facteurs institutionnels et organisationnels ainsi qu’à des facteurs politiques.

Pour ce qui est des facteurs substantiels, il peut s’agir

  • des caractéristiques intrinsèques à la directive, comme son niveau de technicité ou de détail, la complexité de la directive (introduisant de nouveaux concepts juridiques) ou encore son échéance de transposition,
  • des caractéristiques inhérentes au droit national préexistant (matière déjà fortement réglementée ou non, codification importante du droit national, etc.) ou liées à la transposition, comme le type d’instrument juridique national ou le nombre d’instruments juridiques nationaux.

Les facteurs institutionnels et organisationnels comprennent à la fois les spécificités de la procédure législative nationale, le nombre de ministères impliqués, mais aussi le fonctionnement de l’administration.

Les facteurs institutionnels et organisationnels sont les facteurs principaux à l’origine du retard de transposition accusé par le Luxembourg. Le manque d’effectifs (qui varie cependant en fonction du ministère et du nombre de directives à transposer) et l’absence de lien entre le moment de la présentation d’une proposition de directive, sa négociation et sa transposition constituent des facteurs organisationnels importants.

La préférence de l’administration gouvernementale pour la qualité rédactionnelle des textes et la codification législative fait en sorte que la rédaction d’un premier projet de texte nécessite souvent beaucoup de temps.

L’impact de l’adoption au cours des dernières années de grands paquets législatifs européens ayant amené la restructuration de secteurs entiers de l’économie (eau, énergie, transports ferroviaire et aérien, etc.) est lié à la fois aux facteurs substantiels et institutionnels (dans la mesure où des administrations spécifiques ont dû être créées dans le cadre de certains grands projets).

Enfin, le dernier facteur institutionnel est externe, à savoir la consultation obligatoire du Conseil d’Etat sur tous les projets de lois et de presque tous les projets de règlements grand-ducaux, sachant que les délais de traitement des dossiers par le Conseil d’Etat peuvent être longs. A cela s’ajoute le rejet régulier par le Conseil d’Etat du recours à la procédure simplifiée de la loi d’habilitation du 9 août 1971. Il convient cependant également de souligner qu’un grand nombre de projets de lois ne sont très souvent transmis qu’avec un certain retard au Conseil d’Etat.

Enfin, il semble que les facteurs politiques ne soient que très rarement à l’origine des retards de transposition du Luxembourg.

Les nouvelles mesures d’accompagnement à la circulaire du Premier ministre du 10 juillet 2006

Le Conseil de gouvernement du 16 septembre 2005 avait confié un rôle de coordination des efforts de transposition au Ministre délégué aux Affaires étrangères et à l’Immigration. Ce rôle de coordination a été confirmé et renforcé par la circulaire adressée par le Premier ministre le 10 juillet 2006 à tous les ministres et qui donne mandat au ministre délégué de veiller à la mise en place d’une méthode de travail harmonisée visant à assurer un suivi cohérent et rigoureux des dossiers comportant transposition des actes européens selon les modalités définies aux annexes de la circulaire.

Cependant, à la fin de l’année 2007, il fut constaté force que la majorité des dispositions de la circulaire n’étaient appliquées que de manière irrégulière ou insuffisante. Des nouvelles mesures d’accompagnement à la circulaire de 2006 ont été annoncées par le ministre délégué et officialisées les 10 avril et 2 juin 2008.

L’initiative "fiche descriptive de proposition d’acte" vise à inciter les ministères à se familiariser avec les dispositions des directives dès le stade de leur adoption par la Commission européenne, permettant d’anticiper d’éventuels problèmes qui pourraient se poser lors de la transposition ou encore de clarifier les questions de compétence à un stade préliminaire. Elle devrait également permettre aux ministères d’entamer le dialogue avec tous les acteurs intéressés dès ce stade. Lorsque les propositions d’actes adoptées par la Commission auront été adoptées par le Conseil, le Ministère des Affaires étrangères demandera une mise à jour de la fiche descriptive ainsi qu’un calendrier prévisionnel de transposition.

Au-delà de l’initiative fiche descriptive, les nouvelles mesures visent également à rendre plus régulier le reporting des retards par les ministères au ministre délégué (et au Premier ministre) ainsi que l’information du Conseil de gouvernement.

Enfin, les nouvelles mesures prévoient l’inscription à l’ordre du jour du Conseil de gouvernement de tous les actes à la date prévue dans le calendrier de transposition élaboré par le Ministère concerné. Les nouvelles mesures sont appliquées à toutes les nouvelles propositions de directives adoptées par la Commission européenne depuis juin 2008.

Une évaluation de ces nouvelles mesures ne peut être faite à ce stade dans la mesure où les délais de transposition pour les propositions de directives adoptées depuis juin 2008 par la Commission européenne, entretemps publiées, n’ont pas encore expiré. Il conviendra d’attendre un certain temps à compter de la mise en place de ces mesures afin de pouvoir évaluer leurs effets.

Le rapport est cependant obligé de constater : "Cependant, il est certain que la mise en œuvre des nouvelles mesures d’accompagnement à la circulaire de 2006 ne pourra remédier à l’intégralité des défis auxquels doit faire face le Luxembourg dans le processus de transposition des directives européennes."