Lors du Conseil EPSCO du 1er décembre 2009, les ministres de la Santé de l’UE n’ont pas réussi à trouver un accord sur le projet de directive sur le droit des patients aux soins transfrontaliers.
Ce texte proposé par la Commission européenne en juillet 2008 avait pour objectif d’aider les patients à exercer leur droit à recevoir des soins de santé transfrontaliers et à être remboursés, de rendre les soins de santé transfrontaliers plus sûrs et de meilleure qualité pour les patients et enfin de promouvoir la coopération entre les systèmes de santé européens afin d’assurer de meilleurs soins pour tous et de relever des défis communs.
Ce texte visait notamment à clarifier les droits des patients et à sortir de l'illégalité la majorité des gouvernements de l'UE qui ne se conforment pas à la jurisprudence de la Cour de justice européenne. Aujourd'hui en effet, les malades peuvent choisir sans autorisation préalable de traverser leur frontière nationale pour se faire soigner. Ils doivent ensuite être remboursés par leur pays à hauteur de ce qu'ils y percevraient, c’est en tous cas ce que stipulent certains arrêts de justice. Ainsi que l’a précisé le ministre suédois de la Santé et des Affaires sociales Göran Hägglund, il s’agissait avec ce texte de ne pas « laisser aux tribunaux le soin de trancher au cas par cas".
Le Parlement européen s’était prononcé sur le texte en avril 2009 sur la base d’un rapport du député britannique conservateur John Bowis. Les eurodéputés avaient demandé des modifications significatives du texte.
En juin 2009, lors du Conseil EPSCO qui s’était tenu à Luxembourg, les ministres de la Santé avaient débattu de ce sujet. En réponse aux pays inquiets à l’idée d’un encouragement au tourisme médical, le Conseil avait ainsi demandé que l’octroi par la caisse de maladie d’une autorisation préalable à toute intervention stationnaire dans un autre pays de l’UE relève de la compétence des Etats membres. Les soins aux personnes âgées et les soins pour des maladies de longue durée devaient par ailleurs être exclus du champ d’application de la directive. La question de la base légale de la directive avait aussi été abordée par les ministres de la santé qui avaient encore, à l’issue des débats, des avis très partagés sur l’opportunité de mettre sur un pied d'égalité, en matière de remboursements, les hôpitaux publics et les établissements privés non conventionnés.
Entretemps, la présidence suédoise avait préparé un compromis mais sept pays, - l’Espagne, qui va assurer la prochaine présidence tournante de l’UE, la Grèce, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, la Roumanie et la Slovaquie – ont constitué une minorité de blocage. Le motif invoqué pour rejeter ce texte, c’est celui de risques de déséquilibres financiers des organismes de sécurité sociale des Etats membres. Ces pays ont pour la plupart des systèmes de santé intégralement publics, et ils craignent que leurs ressortissants n’aillent se faire soigner à l’étranger dans des établissements non-conventionnés, ce qui créerait une inégalité pour leurs ressortissants se soignant chez eux et pourrait avoir un coût conséquent.
Le Luxembourg comptait parmi la majorité d’Etats qui auraient pu soutenir la dernière version du texte de compromis suédois.
C’est ce que rapporte Marisandra Ozolins dans le Tageblatt daté du 2 décembre 2009. Ainsi que l’a rappelé le ministre luxembourgeois à l’issue de la réunion, le Luxembourg s’était en effet engagé pour que le domaine de la santé soit exclu de la directive "Bolkestein" sur la libéralisation des services et avait appelé à la rédaction d’un texte séparé, offrant une plus grande sécurité juridique, pour le système de santé européen.
Le texte proposé ensuite par la Commission avait soulevé lui aussi des problèmes. Même si, toujours selon Mars Di Bartolomeo, le texte avait été "sensiblement amélioré" à l’issue de la première lecture au Parlement européen.
Ainsi, le ministre Di Bartolomeo a-t-il souligné que le compromis présenté par la présidence suédoise tenait compte des discussions de juin et était basé par exemple sur le principe d’une double base légale, à savoir les règles du marché intérieur mais aussi l’article du traité qui fixe le cadre légale en matière de santé publique.
Et le ministre de la Santé n’a pas manqué de saluer le fait qu’une des principales revendications de juin, concernant l’octroi par la caisse de maladie d’une autorisation préalable à toute intervention stationnaire, ait elle aussi été incluse dans le texte. L’octroi de cette autorisation aurait en effet relevé de la compétence des Etats membres, et ce à condition cependant que les autorités nationales n’usent pas excessivement de ce droit de refus à l’égard des patients qui font la demande de se faire rembourser leurs soins prodigués à l’étranger. Une mesure que le ministre qualifie de « préventive », car il s’agit de « respecter les droits de la majorité des patients qui se font soigner dans leur pays », et non seulement des plus aisés d’entre eux.
Ainsi que l’a expliqué le ministre à la journaliste du Tageblatt, le problème soulevé par les pays qui se sont opposés au texte, le Luxembourg ne le connaît pas dans la mesure où le système luxembourgeois comporte une composante privée. De plus, ce que les patients vont chercher à l’étranger, ce sont surtout des soins qu’ils ne pourraient pas avoir au Luxembourg. Pour le ministre, le nombre de patients luxembourgeois qui se font soigner à l’étranger, à peu près 17 000 personnes par an, est d'ailleurs "réduit".
Quant à l’avenir du texte, sur lequel la Présidence espagnole de l’UE, qui va commencer au 1er janvier 2010, entend poursuivre les discussions, il est incertain. L’idée de l’Espagne est d’arriver à un accord sur un texte "plus ambitieux " prévoyant plus de garanties. Mars Di Bartolomeo n’aurait pour sa part "rien contre des garanties supplémentaires", mais reste à savoir si cela sera possible. La plupart des agences de presse déclaraient en effet le texte comme "enterré".