Le 14 janvier 2010, Jean-Claude Juncker s’est rendu à Paris pour une visite au Président français, Nicolas Sarkozy. Au cours d'un tête-à-tête d'environ trois quarts d'heure, qui s’est tenu au palais de l'Elysée, ils ont fait un tour d’horizon des questions d’actualité européenne, et il a notamment été question de la présidence de l’Eurogroupe et d’une volonté de renforcer les politiques économiques au sein de la zone euro. Mais les discussions ont aussi porté sur la candidature d’Yves Mersch au poste de vice-président de la Banque centrale européenne, ainsi que sur la candidature luxembourgeoise pour un siège de membre non-permanent du Conseil de sécurité des Nations unies en 2013.
La principale question abordée concernait la reconduction de Jean-Claude Juncker au poste de président de l’Eurogroupe, une décision qui doit être prise lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro du 18 janvier 2009. Et, comme il l’a déclaré à l’issue de la réunion, "la France appuiera la reconduction du président actuel de l'Eurogroupe".
"Je ne me suis pas rendu à Paris pour demander la permission à Monsieur Sarkozy de pouvoir rester le président de l’Eurogroupe", a précisé à la radio 100,7 Jean-Claude Juncker, selon lequel Nicolas Sarkozy a tout simplement expliqué au cours de l’entrevue que "la France souhaite que je continue à remplir mes fonctions sur base d’un nouveau mandat à la tête de l’Eurogroupe qui, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, est davantage mis en avant".
"Ce soutien est d’ailleurs aussi corroboré par ce que la ministre des Finances m’a confirmé avant-hier par téléphone, lorsqu’elle était en train de se préparer à la réunion de lundi prochain. D’autres chefs de gouvernement, qui en ont aussi parlé, me l’ont également confirmé, et je pense qu’il en est donc ainsi", a affirmé le Premier ministre sur les ondes de 100,7.
La Présidence espagnole avait notamment assuré son soutien à la reconduction de Jean-Claude Juncker le 8 janvier dernier, tout en appelant le Luxembourg à une "pleine transparence fiscale". Un appel qui fait clairement référence aux discussions en cours sur la directive sur la fiscalité de l’épargne sur laquelle les ministres des Finances de l’UE vont débattre pour tenter de trouver un accord le mardi 19 janvier. Lors d’une entrevue avec la ministre des Finances espagnole, Elena Salgado-Mendez, le 7 janvier 2010, Jean-Claude Juncker et Luc Frieden avaient justement présenté la position du Luxembourg en matière de fiscalité de l’épargne et d’échange d’informations.
Jean-Claude Juncker a donc précisé qu’il verrait "lundi soir, lorsque les 16 ministres de la zone euro se réuniront", si sa nomination est officielle. "J’ai des raisons de croire que cela ne posera pas de problèmes majeurs", a expliqué le Premier ministre, "mais en Europe, on sait qu’il y a parfois des surprises de dernière minute".
Le sujet principal, ce fut cependant, ainsi que l’a précisé le Premier ministre lors du briefing qui a suivi le Conseil de Gouvernement du 15 janvier 2010, la question de la coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’Eurogroupe en cette période de crise. Et sur cette question, le Premier ministre Juncker avait aussi affirmé, en sortant de son entrevue avec Nicolas Sarkozy, qu’ils étaient "tombés d'accord".
La France demande en effet à l'Eurogroupe de faire davantage d'efforts pour promouvoir une gouvernance économique commune de la zone euro. "J'ai exposé en détail les idées que j'ai à ce sujet, le président de la République s'est déclaré d'accord sur les grands axes de ce que sera l'action de l'Eurogroupe dans les années à venir", a ainsi assuré Jean-Claude Juncker. "Il faudra que nous soyons plus actifs vers l'extérieur, ce dont je ne manquerai pas de donner des exemples concrets dans les jours à venir", a-t-il promis.
Un autre sujet abordé, dans la perspective de la présidence française du G 20 prévue en 2011, fut celui de l’intégration de l’Eurogroupe au G20.
Nicolas Sarkozy et Jean-Claude Juncker ont aussi discuté de la candidature de l'actuel président de la Banque centrale luxembourgeoise, Yves Mersch, à la vice-présidence de la Banque centrale européenne (BCE). Yves Mersch compte en effet parmi les trois candidats en lice pour ce poste qui devrait être attribué lors du Conseil européen de mars 2010, mais au sujet duquel les ministres des finances auront peut-être l’occasion de discuter dès la réunion de l’Eurogroupe du lundi 18 janvier 2010 ou bien au cours de celle de février.
"J’ai présenté au Président de la République, ainsi qu’à la ministre des Finances, les mérites d’Yves Mersch, qui est actif dans la politique monétaire, économique et financière depuis des années et des années, et qui a contribué à élaborer le traité de Maastricht. Je pense que ce serait une excellente candidature. Je suis en train de rapporter les vertus, avantages et connaissances d’Yves Mersch à tous mes collèges en Europe, ce que j’ai aussi fait à Paris", a déclaré Jean-Claude Juncker.
Nicolas Sarkozy a par ailleurs donné son accord à la candidature luxembourgeoise pour un siège de membre non-permanent du Conseil de sécurité des Nations unies en 2013, et Jean-Claude Juncker a qualifié cet appui d'"inestimable". Une visite d’Etat du Président français au Luxembourg pourrait être envisagée au mois de juin.
Les relations transfrontalières, marquées par un renouveau de la "dynamique française", selon Jean-Claude Juncker, ont aussi fait l’objet de discussions qui ont porté notamment sur le projet Belval, mais aussi sur des questions de transports.
Comme n’ont pas manqué de le relever de nombreux journalistes, Nicolas Sarkozy et Jean-Claude Juncker ne s’étaient pas rencontrés depuis le sommet de décembre 2009, peu après la nomination de Hermann Van Rompuy au poste de Président. Jean-Claude Juncker, qui avait manifesté son intérêt pour ce poste et dont la candidature aurait été bloquée par la France aux dires de beaucoup, avait déjà exprimé sa "déception". Interrogé sur ce point au lendemain de l’entrevue à Paris par les journalistes de la radio 100,7, il a déclaré : "Nous en avons parlé, ce que nous avions aussi déjà fait en marge du Conseil européen du 10 décembre 2009 à Bruxelles. Hier, nous étions seuls et nous avons abordé une série de sujets, dont celui-ci". Selon le Premier ministre, "cela ne fait pas avancer les relations entre la France et le Luxembourg" s’il continue à s’occuper de ce sujet. Il pense par contre "qu’il faut savoir surmonter sa colère momentanée et aller de l’avant". Et d’ajouter : "il s’agit ici des relations franco-luxembourgeoises, qui sont plus importantes que ma personne".