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L’accord SWIFT a été rejeté par le Parlement européen et se trouve de ce fait privé d’effet juridique
La protection des données et de la vie privée apparaît comme une préoccupation majeure des eurodéputés luxembourgeois
11-02-2010


Réuni en séance plénière tout au long de la semaine, le Parlement européen a débattu de plusieurs sujets qui soulèvent des questions en matière de protection des données et de libertés individuelles. Un thème qui apparaît dans la plupart des commentaires des eurodéputés luxembourgeois comme un sujet de préoccupation.

En matière de lutte contre le terrorisme, deux débats animés se sont suivis le 10 février 2010. Le premier abordait les questions de sécurité dans les aéroports et de coopération entre les services de renseignements. Charles Goerens, qui a pu s’exprimer au cours de ce débat, a appelé à la création d’une commission parlementaire chargée de contrôler la réciprocité dans les échanges de données tandis que Georges Bach, qui a fait connaître sa position à la presse à l’issue du débat, s’est prononcé contre l’introduction de scanners corporels.

Le second débat, qui était très attendu, portait sur l’accord SWIFT et il a été suivi d’un vote qui a conduit, le 11 février, le Parlement européen à rejeter l’accord qui se trouve de ce fait privé d’effet juridique. La nécessité d’une protection adéquate des données personnelles et de la sphère privée est un leitmotiv dans les explications données par Georges Bach et Robert Goebbels qui ont, comme tous les eurodéputés luxembourgeois, voté pour un rejet de l’accord.

La problématique de la protection des données est aussi apparue, de façon particulièrement prégnante aux yeux des eurodéputés luxembourgeois, quand il s’est agi de se prononcer, le 10 février, sur deux rapports qui appellent à une généralisation de l’échange automatique d’informations en matière fiscale. Ces deux rapports, qui ont été adoptés avec une large majorité, ont en effet conduit les eurodéputés luxembourgeois à faire front, au nom notamment de la protection des données individuelles, et à fronder par rapport à leurs groupes politiques.

Fiscalité : les eurodéputés luxembourgeois frondent et font front contre la généralisation de l’échange automatique d’informations

Le 10 février, les parlementaires européens ont voté, à une très large majorité, en faveur de plusieurs résolutions qui appellent à une généralisation de l’échange automatique d’informations sur tous les types de taxes ainsi qu’à des efforts supplémentaires en vue de lutter contre les paradis fiscaux.

Ce vote fait suite au débat qui a eu lieu le lundi 8 février 2010, et au cours duquel Astrid Lulling, qui est membre de la Commission des Affaires économiques et monétaires, avait eu l’occasion de s’exprimer sur le rapport Domenici sur la bonne gouvernance dans le domaine fiscal et sur le rapport Alvarez sur la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité et de la fraude fiscale.

Lors du vote, les trois eurodéputés chrétiens sociaux luxembourgeois, Georges Bach, Frank Engel et Astrid Lulling, se sont prononcés contre ces deux rapports, faisant figure de frondeurs dans leur groupe politique. De même, alors que leurs groupes politiques respectifs votaient massivement pour ces rapports, Charles Goerens a fait front avec ses co-nationaux tandis que Robert Goebbels, lui, s’est abstenu. Claude Turmes a pour sa part fait le choix de ne pas voter.

Robert Goebbels s’est expliqué en précisant que, s’il est "en faveur d'une coopération internationale en matière d'évasion fiscale", il "doute qu'une coopération administrative menant à un échange automatique de toutes les données concernant les avoirs des citoyens européens soit le meilleur moyen pour arriver à l'équité fiscale".

A ses yeux en effet, "une retenue à la source sur toutes les opérations financières serait un moyen beaucoup plus efficace". Cette retenue à la source devrait, selon le parlementaire socialiste, être libératoire et elle pourrait devenir une ressource communautaire.

Pour Robert Goebbels, "la soi-disant `bonne gouvernance´ préconisée par le Parlement européen met à nu toute la sphère privée des citoyens. Elle démantèle la protection des données individuelles, que, paradoxalement le Parlement européen veut protéger dans l'affaire SWIFT".

Astrid Lulling quant à elle a rappelé dans sa déclaration de vote sur le rapport Alvarez les arguments qu’elle avait pu formuler en plénière le 8 février 2010. "J'ai voté résolument contre le rapport Alvarez au sujet de la coopération administrative en matière fiscale, en regrettant que le combat pour les libertés citoyennes dont le Parlement se veut le fer de lance soit variable et inconsistant", a-t-elle ainsi déclaré.

Pour l’eurodéputée luxembourgeoise en effet, "l'échange automatique tous azimuts qui est à la base des rapports Alvarez et Domenici, c'est le scanner qui déshabille en toutes circonstances, c'est l'accord Swift à bien plus grande échelle encore". Et elle s’insurge donc contre "l’incohérence" des "défenseurs acharnés des libertés individuelles" pour qui, quand il est question de protection des données bancaires, "le bien devient subitement le mal".

Astrid Lulling invoque aussi l’argument du manque d’efficacité de telles mesures, car à ses yeux "l’échange automatique de toutes les données de tous les non-résidents en Europe conduira à un flot de données ingérables".

Claude Turmes pour sa part a fait le choix de ne pas voter. Car si de son point de vue "le secret bancaire doit tomber" - "c’est une question de justice sociale", précise-t-il - il n’a pas voulu pour autant "planter un couteau dans le dos du gouvernement luxembourgeois qui mène en ce moment des négociations difficiles" sur les questions d’échange automatique d’informations.

Les eurodéputés ont débattu des scanners corporels et du fonctionnement des services de renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme

Pendant l’après-midi du 10 février, les parlementaires ont débattu de la question controversée de l’utilisation de scanners corporels dans les aéroports. Un débat qui s’inscrivait plus généralement dans une discussion sur le fonctionnement des services de renseignement dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

Charles Goerens est intervenu à l’occasion de ce débat. S’il reconnaît que le renseignement est un des moyens de lutter contre le terrorisme il rappelle cependant que "l'information doit circuler". L’eurodéputé libéral se demande pour sa part si, de façon générale, "le système d'échange de données en matière de lutte contre le terrorisme respecte bien le principe de réciprocité".

Charles Goerens a donc appelé à la création d’une commission parlementaire qui aurait un rôle de contrôle parlementaire. Car selon lui, "point n'est besoin d'exiger de notre parlement d'avaliser la transmission de plus en plus de données à caractère personnel de nos citoyens si en revanche les autorités américaines privaient nos services de données essentielles en matière de lutte antiterroriste".

Pour Georges Bach, qui a communiqué sa position à la presse dans les heures qui ont suivi le débat, si la lutte contre le terrorisme est un grand défi, il faut cependant veiller à trouver l’équilibre entre la nécessité et la proportionnalité.

A ses yeux, le débat sur la sécurité dans les aéroports ne devrait pas se limiter à la question de l’introduction de scanners corporels et devrait être envisagé sous tous ses aspects, c’est-à-dire sans oublier, par exemple, le personnel des aéroports, la formation et les conditions de travail des personnels en charge de la sécurité ou encore les liquides qui peuvent être emportés en cabine. Il serait selon Georges Bach faux de croire que l’introduction d’une seule mesure isolée peut obtenir une sécurité absolue.

Georges Bach estime qu’il faudrait renoncer à l’introduction de ces scanners. Il souligne que leur effet sur la santé n’est pas clairement connu mais aussi que la protection de la vie privée n’est pas assez prise en compte. Il invite donc la Commission à considérer la sécurité dans les aéroports dans son ensemble et à proposer des mesures qui pourraient être appliquées dans toute l’Europe et il n’a pas manqué de saluer les propositions que devrait bientôt faire la commissaire Cecilia Malmström dans ce sens.

L’accord SWIFT a été rejeté par le Parlement européen et se trouve de ce fait privé d’effet juridique

Au sujet de l’accord SWIFT entre les Etats-Unis et l’UE, qui est entré en vigueur le 1er février 2010, le vote du Parlement européen, prévu le 11 février 2010, était très attendu. En effet, le 5 février, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures invitait dans une recommandation les parlementaires européens à refuser leur avis conforme au sujet de cet accord intérimaire. Le débat sur le sujet a eu lieu dans l’après-midi du 10 février et la plupart des groupes politiques du Parlement ont réitéré leurs inquiétudes quant aux lacunes en matière de protection des données et de recours judiciaire dans l'accord intérimaire SWIFT.

Finalement, la fraction du PPE, qui s’était alliée pour ce faire aux Conservateurs et réformistes européens (CRE) a tenté, en vain, de remettre le vote à plus tard. Les eurodéputés ont ensuite rejeté l'accord intérimaire entre l'UE et les Etats-Unis sur les transferts de données bancaires via le réseau SWIFT. La résolution rejetant l'accord a été approuvée par 378 votes pour, 196 contre et 31 abstentions. Les six eurodéputés luxembourgeois se sont prononcés, lors de ce second vote, pour le rejet de l'accord.

L'accord se trouve de ce fait privé d'effet juridique. Mais la résolution votée appelle la Commission et le Conseil à commencer les travaux pour un accord de long terme avec les Etats-Unis sur le sujet. Les députés n’ont de cesse de répéter que tout nouvel accord devra satisfaire aux critères du traité de Lisbonne, en particulier la Charte des droits fondamentaux.

Georges Bach a expliqué avoir dans un premier temps voté, comme la majorité de son groupe politique, pour que le vote soit repoussé. En effet, des négociations sont encore en cours avec les autorités américaines et, d’après les informations dont dispose l’eurodéputé, les Américains auraient été prêts à faire des concessions sur des points essentiels aux yeux du Parlement européen.

Pourtant, dans la mesure où ce report a été rejeté, Georges Bach a voté ensuite contre l’accord SWIFT. Ce choix, il le justifie par le manque de clarté en ce qui concerne la transmission de données à des pays tiers mais aussi par l’absence d’un droit de recours, deux points qui vont selon lui à l’encontre des pratiques européennes en matière de protection des données. Georges Bach trouve qui plus est étonnant qu’il n’y ait pas de système européen d’analyse de ces données et que l’on dépende pour cela des Etats-Unis. En outre, l’eurodéputé luxembourgeois estime qu’il n’est pas bon pour les entreprises et industries européennes de dévoiler leurs transactions financières et économiques.

Robert Goebbels a lui aussi fait connaître sa position peu après le vote. "J’ai voté pour le rejet de l'accord dit SWIFT entre l'UE et Etats-Unis d'Amérique concernant le transfert de données financières aux fins de lutte contre le terrorisme", a-t-il déclaré.

"L'accord SWIFT, sous sa forme actuelle, est très loin de trouver à la fois le juste équilibre entre le besoin de lutter contre le terrorisme international et la protection de droits fondamentaux. Il est inadmissible que des millions de données personnelles non-filtrées de personnes innocentes soient envoyées aux autorités américaines. Que ces données puissent, sous droit américain et à l'encontre du droit communautaire, être mémorisées jusqu'à 90 années, n'est pas acceptable", a-t-il précisé.

L’eurodéputé socialiste a fait le lien avec les votes de la veille, estimant qu’une "protection adéquate des données personnelles et de la sphère privée, à laquelle [il était] déjà favorable lors de deux votes sur des rapports relatifs à l'échange d'informations dans le domaine fiscal, devra s'appliquer également à l'accord SWIFT".

Pour Claude Turmes, dont les propos étaient cités dans le Wort du 12 février 2010, le rejet de l'accord SWIFT est "un moment décisif dans l'histoire du Parlement européen et, en même temps, une preuve de la nécessité du traité de Lisbonne".